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Album

01 octobre 2020 - S.A.D.E

Bleeding Eyes

Golgotha

LabelGo Down Records
styleDoom / Sludge
formatAlbum
paysItalie
sortiejuillet 2020
La note de
S.A.D.E
8/10


S.A.D.E

Chroniqueur doom, black, postcore, stoner, death, indus, expérimental et avant-garde. Podcast : Apocalypse

C'est avec Gammy, le troisième album du groupe, que j'avais découvert Bleeding Eyes et beaucoup d'éléments proposés par le quintet italien avaient retenu mon attention à l'époque : un juste équilibre entre lourdeur implacable et moments plus légers, un son assez personnel et un chant polyglotte du plus bel effet. Une excellente découverte donc, et six ans plus tard, la sortie de Golgotha a naturellement attiré mon oreille.

Alors que le début de carrière du groupe s'est fait avec des changements de personnels récurrents, Bleeding Eyes semble avoir trouvé une certaine stabilité dans son line-up et, de ce fait, dans sa musique et son style. Ce qui ne l'empêche pas d'apporter des intentions différentes avec ce nouvel album. On reste dans un registre doom/sludge avec des éléments un peu psyché aux entournures, mais cette fois-ci, le tout s'enveloppe dans une gangue nettement plus noire et plus désespérée : le champ de ruines photographié en noir et blanc sur la pochette parle de lui-même et donne le ton.

Avec un certain sens du risque, Bleeding Eyes ouvre l'album avec In Principio, un titre de douze minutes au cours desquelles sont synthétisées les grandes tendances de la suite. Une introduction lente et sombre rampe pendant presque quatres minutes, avec une voix déclamatrice en retrait, un prophète perdu dans les limbes annonçant la fin des temps. Et d'un seul coup, une ruée doom plus groovy d'une efficacité redoutable déboule sans prévenir et immédiatement une force vous enjoint à secouer votre encéphale en rythme et l'on s'y plie, naturellement. C'est entre ces deux pôles que Bleeding Eyes va ensuite nous balader : des passages au tempo ralenti, avec des guitares traînantes pleines de mal-être et de désespoir, s'alternent avec des incartades plus énergiques et libératrices, où une énergie plus positive prend le dessus : pas positive au sens d'optimiste ; positive au sens où cette énergie permet quelque chose qui ne l'était pas avant, brisant l'enveloppe d'accablement apathique pour ouvrir une fenêtre créatrice.

Comme sur Gammy, le son est excellent, différent également. Il y avait un je-ne-sais-quoi de sudiste (southern) dans le son de l'album précédent, là où celui de Golgotha est tout entier tourné sur l'épaisseur et l'écrasement. La part de stoner que contenait le son de Bleeding Eyes s'en est allée renforcer sa dimension sludge pour donner, définitivement, à ce Golgotha une ambiance terriblement pesante. De même, les éléments psychédéliques tournent plus autour d'une sensation de malaise (l'intro de In Principio, Del Pozzo Dell'Abisso) que du voyage introspectif lumineux et coloré. Et enfin, le chant en italien a pris très nettement le pas sur le chant en anglais (que l'on ne retrouve, si je ne m'abuse, que sur 1418). Et lorsque Simone Tesser, de sa voix rocailleuse et profonde, utilise sa langue natale, il s'érige presque plus en orateur qu'en chanteur : le phrasé devient discours, la colère puissance et le message inéluctable. Et même lorsqu'il conserve sa voix claire, comme au début de Confesso, une fougue contagieuse est portée jusqu'à nous.

Tout en conservant son identité, Bleeding Eyes propose avec ce nouvel album quelque chose de différent. Plus rugueux, plus coléreux, moins planant, moins accueillant, Golgotha développe une vision plus sombre et négative qu'auparavant. Mais demeure au centre de l'ensemble cette force vitale qui refuse de courber l'échine face aux tourments d'une époque, sachant subsumer les doutes et les peurs pour mieux leur faire la peau.  

Tracklist de Golgotha :
01.In Principio
02.Le Chiavi Del Pozzo
03.1418
04.Del Pozzo Dell'Abisso
05.Confesso
06.La Verità
07.Inferno

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