Chronique Retour

Album

24 avril 2020 - Raton

Elder

Omens

LabelStickman Records / Armageddon
styleHeavy Psych Prog
formatAlbum
paysUSA
sortieavril 2020
La note de
Raton
5/10


Raton

Amateur de post-musique, de larsens et de gelée de groseilles.

Je vais commencer par enfoncer une porte déjà bien entrouverte : chroniquer Elder n'est pas chose aisée. C'est un exercice complexe car la musique du trio (devenu quator) américain peut s'avérer difficilement saisissable, et que chacun et chacune y trouve quelque chose d'extrêmement différent. Elder est parvenu à réunir dans sa fanbase des habitué.e.s des musiques lourdes qui les suivent depuis leurs deux premiers disques (davantage ancrés dans la scène doom), des amateurs et amatrices de rock à distorsion avec leur virage heavy psych prog, ainsi que des spécialistes de musique extrême qui voient dans le groupe une bonne synthèse des styles qui ont nourri les chapelles plus sombres du metal.

Une petite mise en contexte s'impose donc pour vous retracer succinctement le parcours récent du groupe. Après le délicieux "Dead Roots Stirring" en 2011 (cf. notre top décennal doom/stoner), Elder avait calmé le jeu et pris des accents zeppeliniens sur le non moins formidable "Lore" en 2015. Deux ans après, "Reflections of a Floating World" venait confirmer la direction prise par le groupe en mettant davantage l'accent sur le heavy psych au détriment du stoner qui se faisait de plus en plus petit. Immense succès populaire et critique. Mi-2019, ils sortent l'EP "The Gold & Silver Sessions" sur lequel ils explorent une facette beaucoup plus aérienne et radicalement psychédélique (dans le cadre de l'initiative PostWax du label Blues Funeral dont je vous conseille l'exploration).
Avril 2020 arrive et avec lui ce nouvel opus, "Omens", premier d'un nouveau line-up. Matthew Couto cède sa place derrière les fûts à Georg Edert et Michael Risberg a été embauché à la guitare et aux claviers pour grossir le contingent. "Omens" confirme les précédents partis pris : la composante progressive de "Reflections..." est davantage mise en avant, le heavy psych étant toujours présent et le stoner commençant à n'être qu'une lointaine influence.

C'est bon, vous êtes toujours là ? Vous souhaitez que j'arrête de tergiverser et que je vous parle de l'album ? Très bien.
La principale particularité de cet opus est la présence accordée aux claviers. DiSalvo n'est plus seul pour assurer cette partie et l'arrivée de Risberg et les interventions en guest de Fabio Cuomo permettent de mettre l'accent sur les synthés et notamment sur un Rhodes bien rétro.
La première piste nous accueille ainsi, avec des traficotages électroniques qui débouchent sur un riff copieux. Une introduction enthousiasmante servi par une production dense et foisonnante proposant un bel équilibre entre les guitares et les claviers.

Les sons synthétiques évoquent autant les 70s que les 80s avec parfois des fortes influences prog symphonique (on croit entendre du Camel et du Yes sur "In Procession"), et parfois des sonorités plus accessibles typées synthpop. Des synthés à l'emploi très référentiel mais dont la plus-value m'apparaît incertaine. Je dois même avouer être un peu dubitatif quant à leur utilisation, d'autant plus qu'ils parsèment lourdement le disque. Je respecte bien sûr la volonté d'Elder de progresser dans leur son et d'offrir à chaque disque quelque chose de nouveau, mais ces incursions synthétiques frôlent parfois le mauvais goût (sur "Omens" vers 6:30 ou sur "Halcyon" par exemple).

Qu'on soit d'accord, je questionne l'utilité de leur présence et non leur maîtrise. Car sur ce point, Elder nous fait honneur avec des arrangements d'excellente qualité et une production mettant parfaitement en valeur chaque instrument (l'écoute au casque est ici particulièrement indispensable).
En revanche, c'est quand Elder s'essaie au jeu de la mélodie que le bât blesse. Soyons honnêtes, ce n'est jamais la composante mélodique qui a caractérisé le groupe, lui préférant le développement d'une atmosphère plombée sans pour autant oublier des passages sauvagement accrocheurs. En souhaitant incorporer une structure plus mélodique, DiSalvo propose un chant qui se veut beaucoup plus varié mais dont la justesse ne suit pas forcément. Sa voix, sans être fausse, semble en permanence à côté, comme larguée dans les grands renforts de guitares (assez évident sur "Embers").

En émane un aspect étonnamment "cheesy" (kitsch pour les anglophobes). Le milieu de disque le montre bien, avec notamment "Embers", dont la première moitié rappellerait du Baroness ou du Mastodon nouvelle génération pas inspiré. "Halcyon" souffre du même symptôme avec des riffs de qualité et une section rythmique redoutable, mais où le tout est enveloppé dans une litanie sonore indigeste. Et encore une fois, les claviers n'apportent rien d'autre qu'une petite ritournelle facile et dispensable. Pourtant, la seconde moitié de "Embers" est probablement le temps fort du disque avec une progression efficace et immersive rendant hommage aux jam bands des années 70.

Ce qui m'emmène vers un dernier point. L'alternance entre passages mélodiques avec chant et synthés, et longues phases psychédéliques aux riffs féroces, ne se fait pas bien et nuit clairement à l'immersion. J'ai mis plusieurs écoutes à saisir les qualités de l'album, car j'ai décroché à de trop nombreuses reprises. Lorsque maintenir son attention devient un véritable effort, c'est indéniablement que le groupe a manqué quelque chose dans son travail de création d'atmosphère et qu'à un instant la musique est devenue trop linéaire.

À l'écoute de ces 5 morceaux, j'ai fini par les trouver non pas désagréables, mais assez dispensables et longuets ; intéressants mais avec ce sentiment de "tout ça pour ça ?". C'est cet entre-deux qui me dérange alors que le groupe nous avait habitué.e.s à de puissantes claques et des riffs aux allures de séismes. Alors, est-ce qu'Elder est aujourd'hui un excellent jam band, mais un piètre groupe à mélodies ? 
Je ne sais pas si j'irai jusque là mais il est clair que sur cet album, j'aimerais ne pouvoir écouter que les longues plages distordues et touffues, et m'épargner les couplets kitschs dopés aux synthés inutiles.

 

Tracklist :
1. Omens (10:52)
2. In Procession (9:53)
3. Halcyon (12:48)
4. Embers (10:47)
5. One Light Retreating (11:13)