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Album

07 novembre 2016 - S.A.D.E

Korn

The Serenity Of Suffering

LabelRoadrunner Records
styleNeo Metal fatigué
formatAlbum
paysUSA
sortieoctobre 2016
La note de
S.A.D.E
5/10


S.A.D.E

Chroniqueur doom, black, postcore, stoner, death, indus, expérimental et avant-garde. Podcast : Apocalypse

Après s'être mis à dos une partie de son public en s'aventurant dans des innovations d'une qualité douteuse, Korn a décidé en 2013 avec The Paradigm Shift de faire marche-arrière toute et de revenir à un son plus proche de celui de ses grandes années. A ce détail près que les types ont maintenant la quarantaine bien tassée, et que donc l'ardeur juvénile qui faisait le sel des premiers albums est plus difficle à retrouver. Résultat, un album qui sonnait plutôt comme le Korn d'antan, mais sans l'âme qui allait avec. Et trois ans plus tard, Korn reprend la même dynamique avec The Serenity In Suffering, pour un résultat pas franchement plus folichon, disons-le d'emblée.

Premier point, et qui résumerait presque le problème général de l'album, la pochette. On retrouve tous les gimmicks présents sur les grands albums de Korn : un (une ?) ado mal dans sa peau, des jouets et des poupées difformes et inquiétants, jusque-là, on serait presque tenté de dire que tout va bien. Mais c'est sans compter les couleurs utilisées. Difficile de faire plus laid. Un espèce de rose/mauve tout dégueulasse enrobe les éléments en arrière-plan, alors que le (la) gamin(e) est nimbé(e) d'une aura bleu pastel, kitsch comme c'est pas permis. Sur la pochette, on a donc de l'ancien mélangé avec du nouveau, et au final, c'est assez foiré. Et bien, musicalement, ce douzième album studio a exactement le même problème.

Dans les morceaux proposés par le combo de Bakersfield, on a clairement ces deux volontés qui s'entrochoquent : rassurer les fans de la première heure en leur balançant le gros son qui tâche et qui fait plaisir d'un côté, et de l'autre garder des éléments plus modernes pour... ben pour être moderne. Sauf que ce n'est pas le genre de mélange qu'il est facile de faire tenir debout. Et autant l'idée fonctionne pas mal sur les deux premiers titres, Insane et Rotting In Vain, autant ça chie dans la colle sur une bonne partie de l'album.

Le premier titre, Insane, donc, est un parfait morceau d'ouverture qui balance du riff purement neo qui fait immanquablement secouer la tête, tout en calmant le jeu sur les refrains. Gros squelette à l'ancienne donc, sur lequel se greffe des scratchs pas indispensables mais pas gênants non plus. L'alliage de l'ancien et du nouveau n'est pas trop fragile pour l'instant. Même constat pour Rotting In Vain, avec un petit bémol pour le refrain et ses nappes de claviers un peu cheap en arrière-fond. En revanche, la suite devient de plus en plus discutable. Pas facile de savoir ce qui déconne exactement, mais il y a quelque chose qui ne fonctionne pas. Korn se retrouve coincé entre ces deux pôles qui sont difficiles à faire cohabiter et se vautre assez fort. D'un côté des moments assez lumineux et optimistes (principalement les refrains, mais pas que) où des nappes de claviers, des éléments électroniques et divers arrangements, donnent un air gentillet à l'album, que les passages bien lourds viennent détruire. Ou l'inverse. Quoiqu'il en soit on ne sait jamais sur quel pied danser, et The Serenity Of Suffering s'écoute comme l'album d'un groupe qui ne sait plus ce qu'il veut faire, et qui du coup fait ce qu'il pense qu'on attend de lui.

Et ça, c'est typiquement le genre de démarche qui ne peut aboutir à rien de bon. Mais attention, tout n'est pas absolument à jeter sur cet album. Les deux premiers morceaux, on l'a déjà vu, sont tout à fait corrects, mais il y a quelques autres bonnes idées. La fin de The Hating est vraiment bien, une ambiance lourde et menaçante posée par un riff qui, s'il sonne comme le Korn 90's, n'en est pas moins assez original. Please Come For Me s'en tire pas mal également, avec un format assez concis et qui va droit au but. Mais il y a vraiment trop de déchets sur ce skeud. Inutile d'en faire la liste exhaustive, ce serait se faire du mal pour rien, mais quelques exemples sont quand même nécessaires. Take Me, qui pourtant ne commence pas trop mal, s'enlise rapidement dans le mauvais : arrangements niais au possible, refrains mous comme tout, surtout cette entrée dans le refrain avec ce "You, you, you, you" qui sonne comme.... je ne sais même pas comment ça sonne, c'est juste nul. Next In Line est dans le même moule, la voix de Davis pleine de reverb' moche sur les couplets, des riffs puissants qui sortent de nulle part et font flop directement, et toujours ces arrangements à deux balles qui foirent dès qu'ils arrivent. Même le pont, qui isolé n'est pas mauvais, un peu bas du front certes, mais pas mauvais, devient, incrusté dans cet ensemble, un effet un peu raté.

Pour résumer, The Serenity Of Suffering balance entre le neo à l'ancienne qui ronronne bien comme il faut et des riffs un peu plus apaisés, mais sans jamais parvenir à faire cohabiter les deux intentions autrement que par un collage très artificiel. Le chant est peut-être un peu plus réussi à ce niveau, les transitions chant clair / gueulante sonnent moins factices que les ruptures instrumentales. Force est de constater que malgré les années, Davis sait toujours se servir de son organe vocal, passant de son cri profond à des notes plus aigües sans difficulté. Mais là encore, des passages comme le scat sur Rotting In Vain sonne trop fan service de base pour être réellement sincère, et une fois de plus ça coince au niveau de ce que j'appelle pompeusement l'âme de la musique.

Korn ne pourra plus refaire des albums aussi prenants que ceux des années 90. C'est triste à dire, mais c'est comme ça. Plus Davis et sa bande s'y essaient et moins ça fonctionne. On peut bien inviter les potes à la fête (ce featuring de Corey Tailor complètement anecdotique sur A Different World), ça ne suffit pas à faire bouger les choses. Et on a vu ce que ça donne quand le groupe décide d'innover radicalement : rien de bon. Korn est-il mort ? J'aimerais sincèrement me tromper, mais plus les albums s'empilent, plus le constat est accablant : Korn est à cours de jus et tente de survivre péniblement en réanimant un passé qui n'a plus lieu d'être. Si The Serenity Of Suffering a quand même quelques atouts, une grosse partie de son contenu sent le manque de vitalité et la vaine tentative de retrouver l'énergie d'avant.

Tracklist de The Serenity Of Suffering :
01.Insane
02.Rotting In Vain
03.Black Is The Soul
04.The Hating
05.A Different World
06.Take Me
07.Everything Falls Apart
08.Die Yet Another Night
09.When You're Not There
10.Next In Line
11.Please Come For Me

 

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