Chronique Retour

Album

31 mars 2016 - S.A.D.E

Rorcal

Creon

LabelLost Pilgrims Records
styleBlack Metal / Sludge
formatAlbum
paysSuisse
sortiemars 2016
La note de
S.A.D.E
8/10


S.A.D.E

Chroniqueur doom, black, postcore, stoner, death, indus, expérimental et avant-garde. Podcast : Apocalypse

Tyran sanguinaire de la mythologie grecque régnant sur la ville de Thèbes, Créon est le genre de type pas sympa qui vient foutre sa merde dans quelques tragédies antiques. Et c'est aussi, maintenant, un hipster sur une pochette d'album portant son nom et signé Rorcal. La pochette un peu naze, c'est fait, passons à la suite.

Groupe suisse actif depuis 2006, Rorcal est un projet assez fascinant. Parti d'un sludge massif sur ses premières sorties, le groupe a inséré au fil du temps une large composante black metal dans sa musique pour arriver à un son très personnel sur ses derniers efforts. Le tout avec une discographie touffue, treize sorties en un peu plus de dix ans : EP, split, LP, tout y passe et le plus souvent la qualité est au rendez-vous (léger bémol personnel sur leur EP anniversaire La Femme Sans Tête). Et nous voici donc en 2016 et c'est un album concept comme les aime le groupe qui nous est proposé.

Personnage mythologique, titre des morceaux en grec, même sans avoir les paroles on sent bien que nos amis suisses sont partis pour nous raconter une histoire. Et les premières minutes de Πολυνείκης nous font bien comprendre que l'histoire en question ne sera pas pleine de licornes et d'arc-en-ciel, mais bien de haine et crassouilles délectables. Si avec La Femme Sans TêteRorcal s'était aventuré (et un peu perdu, je pense) vers le drone mystique, ici, retour là où on avait laissé les choses avant ça : un subtil mélange de black metal, de sludge et de post-kekchose. Avec ses deux sorties avant La Femme, Rorcal avait sensiblement réduit la longueur des morceaux pour cogner plus vite et plus dur tout de suite. Point de cela ici, quatre morceaux frôlant ou dépassant le quart d'heure chacun et prenant bien le temps de mettre en place une ambiance et une atmosphère au travers de longues plages instrumentales denses et à la construction minutieuse. Et dès Πολυνείκης, la pression est savamment dosée, montée progressive, rupture qui finit par arriver, tout dans ce premier titre respire la maîtrise.

Et la suite est du même acabit. Les quatre morceaux de Creon sont d'une cohérence absolue tout en apportant chacun leur propre identité. Difficile et inutile, avec des formats aussi étendus, d'aller décrire chaque passage et de se lancer dans un track-by-track aussi fastidieux que dérisoire. Reste néanmoins que certains moments dégagent une puissance et une émotion supplémentaire, je pense ici aux dernières minutes de Πολυνείκης et avec cette aura de tristesse mélancolique apportée par une mélodie délayée dans un riff froid. Et si les ambiances sont travaillées, Rorcal n'oublie pas au passage de briser quelques cervicales avec des moments d'agression bien sentis qui viennent réveiller l'auditeur : mangez-vous le redémarrage de Ἀντιγόνη après le temps mort central et vous comprendrez ce que je veux dire (le début de Αἵμων fonctionne également). Mais la grande force de l'album réside dans les longs moments low-tempo où la batterie plaque une grosse caisse en double croche pour appuyer là où ça fait mal pendant que les guitares empoissent l'air à grands coups de riffs aussi lourds que froids. Le chant est également parfaitement maîtrisé, avec une voix écorchée qui laisse, quand il le faut, la place à quelque chose de plus rocailleux et plus grave qui s'accorde parfaitement aux passages plus écrasant du skeud (le début de Εὐρυδίκη) .

Avec ce nouvel album, Rorcal continue de creuser son sillon et d'une belle manière. Riche, dense et extrêmement bien construit, Creon est un album qui s'impose comme l'un des meilleurs des Suisses.

Tracklist de Creon:

01.Πολυνείκης
02.Ἀντιγόνη
03.Αἵμων
04.Εὐρυδίκη