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Album

13 octobre 2015 - DarkMorue

Implore

Depopulation

LabelPelagic Records
styleGrind/Death/Crust
formatAlbum
paysAllemagne
sortieseptembre 2015
La note de
DarkMorue
8.5/10


DarkMorue

Un mec qui écrit des trucs.

C'est moche le gris. Comme couleur, rarement on aura vu plus terne, comme des ténèbres neutres. Mais comme émotion c'est encore pire. La douce grisaille, les longs instants de vide total, la déprime qui nous fait voir le monde en gris. Vidé de toutes substances, de toutes émotions. La condition psychologique, la vraie, pas les clichés dont on parle juste bons à faire jaser ceux qui ne se rendent compte de rien. Ce sentiment de fatalité, d'absence de but. Le monde perd ses couleurs, ce qui devrait normalement nous faire hurler de joie ne suscite plus rien, et on se contente d'avancer comme une coquille vide, témoins de notre vie, perdant peu à peu chaque objectif, regardant les autres être heureux à notre place, avec comme unique sentiment subsistant un pincement au cœur, celui qui survient quand on réalise qu'on est seul face au monde. Pas noir. Le monde est juste gris. Un vide en plus sombre. Un désespoir, une désolation.

Ce genre de passages à vide, tout le monde se les bouffe. Et ça finit par passer. Avec le temps, plus ou moins long. Pour revenir, ou pas. En attendant, une fois la vie dans son entièreté ainsi relativisée, vidée de son intérêt et de ses couleurs, n'étant plus qu'un vaste monochrome dans lequel on déambule en attendant un miracle, il nous reste quoi ? Nos passions. Les choses pour lesquelles on a choisi de vivre, celles qui maintiennent le feu et font voir plus loin. La musique en fait partie pour beaucoup. Et dans ces moments, on ne fait pas de compromis. Certains se complaisent dans le spleen, se réfugient au creux de chaudes notes automnales, et autres artistes ayant pour vocation de noyer notre regard dans le pluie qui bat à notre fenêtre. Une manière de vaincre le mal par le mal, de le surpasser, de nous faire sentir moins seul en se prouvant que d'autres ont transcrit en une partition ce qui nous traîne sur le cœur. D'autres choisissent la voie de l'exorcisme. Combattre la passivité par la rage. Ranimer quelque chose. Revivre.

"Depopulation" est un album résolument gris. Mais gris foncé et ardent. On choisit ici le chemin du nihilisme. Le genre de Grindcore tout simplement violent, viscéral et haineux qui ne cherche rien d'autre qu'à nous briser le cou. Sèchement. Comme ça. Parce qu'il tape. On reprend la formule de l'EP précédent (qui est genre, un monument en son genre) et on l'étale sur une durée trois fois plus longue, et rien d'autre. On oublie toute forme de second degré habituel du genre. Ici, pas d'urgence, pas de revendications. On tape dur au son de ces guitares suédoises qui renvoient de suite à Rotten Sound, ça blaste à tour de bras, ça hurle, et ça pilonne la tronche sans s'arrêter. On ne fait pas plus austère et inquisiteur. On sent la fin, l'apocalypse, le brasier, un monde déjà ravagé par le feu et le sang. Un rythme haché qui nous agrippe les cheveux et nous relève la tête. Mais pas pour mettre le couteau sous la gorge, juste nous aider à contempler, nous hurler dans l'oreille et nous donner l'envie de nous lever, courir vers l'avant et tout défoncer. C'est là la différence avec "Black Knell", bien qu'elle soit infime. Ce dernier foutait à terre et nous appuyait sa semelle sur la tête, alors que maintenant on déambule sur la terre brûlée.

Album de totale catharsis s'il en est, arborant un fier gris sombre et mat différent de celui de la dépression dont on parle plus haut. Parce qu'il en est la suite. Parce que quand on en a marre de ne plus rien ressentir et de se paumer dans la brume, c'est ce genre de trucs qui vient te sauver et te met un coup. C'est lui le mec qui va se tenir à tes côtés et te hurler de te bouger, qui se tient là et te montre que tu peux prendre un appui. La fureur incarnée, une boule de nerfs qui en a vu d'autres et sait parfaitement comment ça fonctionne. Plus qu'un simple album à bagarre, plus qu'un enchaînement de riffs et de hurlements, c'est un déchargement spontané de tout ce qu'on peut avoir sur le cœur, un exutoire, le genre de trucs dont on a juste besoin pour tourner la page et repartir affronter le monde.

Une conclusion, une tracklist ? Non mec, rien à branler, tu cliques sur le lien et tu écoutes, tout y est, t'as besoin de rien d'autre.