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jeudi 24 mai 2012

Pascal Pacaly (écrivain)

Pascal Pacaly (écrivain)

U-Zine

U-zine.org, webzine musical metal actif entre 2004 et 2015. Fermé en 2015 suite à sa fusion avec 2Guys1TV, ses articles (chroniques, live-report, interview, dossiers, ...) sont désormais disponibles directement sur Horns Up via ce compte !

Pascal Pacaly est un auteur stéphanois qui commence à se faire un nom dans le milieu de l'écriture mais aussi de la musique, en particulier depuis la sortie de ces ouvrages Rock Stories 1 et 2, et Rock Addictions. Pascal Pacaly nous propose avec son dernier livre Trash Palace, un recueil de nouvelles qui s'articule autour des textes des chansons du groupe Ex-S.

Pourrais tu te présenter aux lecteurs d'U-zine qui ne connaissent peut être ni tes ouvrages ni ton parcours ?
Stéphanois de 35 piges qui écrit des livres sur le rock, et des recueils de poésie. Des livres « Rock Stories » sur les groupes et artistes de la scène rock française, de Mass Hysteria à Dionysos en passant par Eths, Sidilarsen ou Mlle K. Des poèmes « Cadavres Exquis » qui ont été illustrés par des peintres, graphistes, photographes etc… Bref, du rock, du métal, des nouvelles, de la poésie, et des tas d’arts.

Venons en à Trash Palace, recueil de nouvelles pour lesquelles tu t'es inspiré des textes du dernier album du groupe Ex-S. Peux tu nous parler de ce groupe, comment as tu découvert leur univers et pourquoi as tu été sensibilisé à leurs textes aux points d'en écrire des nouvelles ?
Ex-s est un groupe nantais, pop-rock. Je les ai découverts via Myspace et nous avons eu envie de partager nos univers. J’ai donc écrit des nouvelles à partir de leurs textes. Aujourd’hui il faut être imaginatif, proposer d’autres choses pour sortir du lot. Des Alternatives. Leurs textes me parlaient car il y avait une vraie possibilité de toucher des thématiques qui me sont chères, entre sexe, solitude, paumés magnifiques…

Est-ce que le choix du titre de ce livre a un lien avec Trash Palace le projet musical qui réunissait Brian Molko (Placebo), l'actrice Asia Argento, John Cale et d'autres artistes?
Non, du tout. Mais j’aime beaucoup Placebo ceci dit. En fait je ne connaissais pas ce projet, j’en ai entendu parler juste après. « Trash », tout le monde sait ce que cela signifie. Pour ce qui est de « Palace » c’est un mot à double consonance pour ma part. Tout d’abord, le Palace, c’est nous, les gens, la terre, la société : tout ceci est notre maison, nos fondations. Mais Palace peut se voir un peu comme l’ « Hotel California » ou la maison dans « Shining », un lieu où il se passe des choses étranges, malsaines, parfois érotiques, parfois horribles. Le Palace, c’est nous dans ce que nous avons de pire comme de meilleur, c’est nous au bout des lèvres, au bout des tripes, quand on touche la lie de la vie, la lie de la société, alors on se révèle comme on est : humain, oui juste humain, sans toute la couche de superficialité que cela peut entraîner parfois. Ici, rien n’est propre et lisse. Tout est sale et beau, tout est nous, c’est cela le Palace : l’intérieur et l’extérieur : le corps et le dehors.

On rapproche ton style d'écriture à certains auteurs américains, Shelby Jr, Tennessee Williams, Salinger, mais comment le décrirais tu pour justement te différencier de ces étiquettes (flatteuses il est vrai).
Je ne sais vraiment pas quoi te répondre. Mon style est mon style, peut être entre quelque chose comme « aérien, poétique et parlé, issu de la rue ». La rue, c’est le pouls de la société, et ça m’abreuve. Des poumons plein de goudrons, pour nourrir le feu ardent de charbon. De plus je pense qu’il n’est pas forcément utile de chercher des différences ou des attirances. Le but est que le lecteur y puise ce qu’il y recherche, l’essentiel est là. Il y a le fond et la forme. Oui, allons d’abord au fond des choses.


Pour la rédaction de ces nouvelles t'es tu toi même astreint à une solitude extrême pour t'immerger encore plus dans l'écriture et dans l'esprit de tes personnages (l'écriture étant déjà un des arts les plus solitaires qui soit).
Oui et non, je m’immerge dans la musique, et puis après la tête fait le reste, fil conducteur des mains. Après, la solitude, c’est quelque chose que tu as en toi ou pas. Ca ne vient pas en claquant des doigts. Et cette solitude, quand tu l’as, quand tu peux, tu essayes de la faire sortir de toi. Ici par les mots.

Écoutais-tu d'autres artistes que Ex-S durant l'écriture de ce livre? D'ailleurs suivant le thème et le ton du texte sur lequel tu travailles, écoutes-tu des musiques différentes?
Oui, quand je vais écrire quelque chose de dur sur la réalité, sur la drogue, la prostitution par exemple, j’écoute des artistes qui s’en rapprochent : Noir Désir, Eiffel, Pulp de « This is Hardcore ». Quand tu écris quelque chose de plus gai, sans doute la musique suis t-elle. Mais, tu le remarqueras, je n’ai jamais vraiment écris des choses très gaies. Pourtant je suis joyeux dans la vie. Mais c’est comme ça. Pour les livres « Rock Stories », j’écoutais bien sûr les albums des groupes sur lesquels j’écrivais, pour m’immerger encore plus profondément dans leur univers.

Pour certaines nouvelles qui se déroulent à l'étranger, à New York notamment, t'es tu documenté, est ce de la pure imagination, ou des souvenirs ? Peut être un mixe de tout ça ?
Un peu de tout. Des souvenirs, beaucoup. Coney Island surtout. Je rêve de vivre là-bas. Après New-York est une ville fascinante. Si grande et pourtant si impersonnelle, parfois. Des millions de gens qui n’empêchent pas une solitude là aussi parfois exacerbée. Et puis, oui, ces références, Taxi Driver, Macadam Cowboy -pour la solitude, toujours-, Hubert Selby, Salinger, l’Attrape-cœur. Et puis ces monuments, cette histoire… ces immeubles si follement grands, et nous petits hommes tas de fourmis. Là-bas c’est étrange… tant de pays cohabitent, franchissent les frontières du racisme, et pourtant il en reste… il y a des coins craignos, d’autres futuristes. Tu as tout et son contraire, tu as la loose et la pause, le genre et la misère. Tous ces mondes coexistent tant bien que mal, mais c’est ce qui rend la chose fascinante, c’est un résumé de la planète, c’est un creuset artistique, une terre d’écrivain, parce que les murs, les bâtiments, les sols, la banlieue, encore une fois, c’est le poumon de la rue…

Dans une des nouvelles de Trash Palace j'ai relevé un passage qui est « porter un costume pour éviter la consume », est-ce que l'écriture serait ton costume?
Oui et non. Pour ma part, l’écriture c’est bien plus que ça. L’écriture, c’est tout, c’est la Vie, parcelle d’Eternité. L’écriture englobe tout, l’écriture permet de rester vivant même parmi les morts. Elle est une trace, un témoignage de ce que fut un homme, de ce que fut son cœur, sa vision, son corps et son esprit. Les mots restent, se diffusent, se propagent. Les mots sont les restes de nous, sont les monuments de nos pensées, de nos activités. Ici point de costume, juste des rêves fous, oui des rêves fous qui ne cessent de s’abreuver aux mythes de notre réalité. Quand, suspendus dans cette même réalité, on se prend à rêver, à vouloir s’envoler voir ailleurs si le vent pousse, souffle plus fort, alors oui, la drogue est là, l’opium coule dans les veines. Donc là on rejoint, on épouse ce costume dont tu parles. On ne se prend pas vraiment pour un autre. On reste indéfectiblement soi-même, mais, comment dire, on prend les livres, les pages, les mots des autres, ces auteurs références, ces inspirations littéraires et, humblement, délicatement et respectueusement, on se fond, on se love dans un soupçon d’eux-mêmes.

Certaines nouvelles aux dénouements noirs, morbides sans réels espoirs m'ont fait penser aux épisodes de « Contes de la Crypte ». Pour cet aspect sombre, et la folie inhérente à de nombreux personnages qui les poussent à des actes que la « morale » réprouve, ou à des actes de désespoir. Qu'en penses- tu ?
J’adore les « Contes de la Crypte » mais il n’y a là aucune référence. Surtout que dans les « Contes de la Crypte » il y a une ironie mordante, grinçante. Une sorte de morale – pas la même que la tienne, donc – au final. Ici, rien de tout ça, on est dans la merde et on y reste. Pas de lumière au bout du tunnel et donc pas de moral au bout de la route. Pas de leçon à retenir. Après oui, il y a un certain parallèle, tant dans le format : un épisode pour une nouvelle, que dans certains thèmes. Mais là où parfois les « Contes de la Crypte » partent dans le fantastique, ici dans « Trash Palace », on reste ancré, scotché au réel, si sordide puisse t-il être.

Celle qui se déroule dans le monde des ambulanciers, où l'on suit le quotidien de deux coéquipiers m'a renvoyé au film « A Tombeaux Ouverts » de Martin Scorcese, avec Nicolas Cage et John Goodman, coïncidence ou non ?
Bien vu. Là encore l’action se passe à New-York. Ce film regroupe tout ce qui nourrit « Trash Palace » : la mort, la drogue, la folie, mais surtout beaucoup de solitude. La nuit éveille et réveille les ambiances les plus étranges et les plus folles. Sous couvert nocturne on s’évapore dans un monde délicieusement attirant et pourtant si choquant. Les faiblesses humaines sont parfois les plus choquantes mais aussi les plus profondes : par là j’entends qu’on ne peut plus se cacher et on montre qui l’on est vraiment…

Tu as plus l'habitude de publier des livres autour de l'univers de la musique, cet ouvrage Trash Palace est un exercice de style spécifique. Penses-tu continuer dans cette voie, et si tu devais adapter en nouvelles un album culte qui te touche, et des chansons qui te tiennent à cœur, le fantasme d'adaptation en fait ?
Hum dur, comme question… j’aimerais bien continuer sur cette voie bien sûr… si jamais ça en intéresse certains ! J’adore les collaborations, les univers qu’on peut décliner à l’infini… Après le fantasme… pas évident…mais à vu de nez, quelque chose chez Bowie…. Ziggy Stardust, Aladdine Sane …mais après un rapide coup d’œil à ma discothèque je pense qu’avec « This is Hardcore » de Pulp on pourrait faire quelque chose de géant. Cet album était une période troublée pour Jarvis Coker, prit dans la dope, la médiatisation et des choses du même goût. Enfin, avec les New York Dolls, je pense qu’il y a également matière à faire. Rien que le nom du groupe, d’ailleurs….

D'ailleurs hormis Trash Palace quels sont tes derniers coups de cœur littérature ?
Je suis en train de me pencher sur l’univers de Hunter S Thompson, que je découvre de plus en plus, notamment avec Las Vegas Parano et Hell’s Angels. J’ai vu récemment Rhum Express également. Sinon je reviens de Londres avec une pile de livre : du Bukowski, Hunter S Thompson -un recueil d’interviewes – « Football Factory » de John King et « Stoned » du premier manager des Rolling Stones. Mais si je lis un peu tout sur tout – dernièrement un livre sur les catacombes de Paris- je reste désespérément accroché à ma littérature américaine, avec, en plus des précités, Salinger, Fante, Hubert Selby Jr, Tenessee Williams, Carson Mac Cullers…

Tu as un livre sur en préparation sur l'univers du Metal, peux tu nous en dire un peu plus.
Cela un peu le principe de « Rock Stories », cette fois entièrement dédié au métal français. Nous n’avons certes pas le métal de Scandinavie ou d’Allemagne, mais nous avons une flopée de gens et de groupes qui se défoncent pour que le métal ait une vie digne de ce nom en terre Navarre. Il y aura donc des nouvelles qui seront autant de portraits : des groupes donc, mais aussi des festivals, des labels, des associations, des fans, des médias, etc…je vais me mettre à l’écriture sous peu…


Je te laisse le mot de la fin, ta tribune libre pour nous dire avec tes mots, et ta prose, pourquoi nos lecteurs devraient se pencher sur ton livre Trash Palace.
Parce que la solitude est un point commun à beaucoup d’entre nous….
 

 




Merci à Pascal pour avoir répondu aussi rapidement et pour Trash Palace tout simplement.