Chronique Retour

Livre

09 décembre 2014 - U-Zine

Mape Ollila

Nightwish - Les Archanges tombent en premier - 1996-2006

LabelCamion Blanc
styleBiographie
formatAlbum
sortiejuin 2011
La note de
U-Zine
9.5/10


U-Zine

U-zine.org, webzine musical metal actif entre 2004 et 2015. Fermé en 2015 suite à sa fusion avec 2Guys1TV, ses articles (chroniques, live-report, interview, dossiers, ...) sont désormais disponibles directement sur Horns Up via ce compte !

Le poids des mots…

On se souvient encore du traumatisme causé sur la scène metal symphonique et gothique lorsque les quelques mots d’une lettre ouverte furent publiés sur le site internet du plus important groupe de la scène ; j’ai bien sur nommé le grand Nightwish. Le traumatisme, mais aussi la détresse de centaine de milliers de fans, l’interrogation d’admirateurs moins expansifs et le questionnement de journalistes à travers le monde, incapable de comprendre comment avait pu en arriver là l’une des ascensions les plus fulgurantes de ces dernières années.

Mape Ollila tente de donner des éléments de réponses avec Les Archanges tombent en premier : 1996 -2006 (référence au premier disque des finlandais), livre ambitieux retraçant la naissance du groupe jusqu’à son implosion suite à l’éviction de Tarja Turinen, la chanteuse lyrique la plus connue et respectée (enfin, parlons-en au passé) du metal symphonique.
Imposant pavé de 630 pages à la pagination superbe et aux photographies en noir et blanc absolument sublimes, l’objet est en soi respectueux d’un groupe ayant toujours eu des visuels ambitieux et esthétiques.

D’un style fluide, le finlandais décrit un groupe comme on ne l’imaginait probablement pas, bien plus torturé que sa musique pourrait laisser le penser, et développe également une culture finlandaise très éloignée de celle de l’Europe de l’ouest.
Le livre se penche d’abord, comme toute biographie, sur l’enfance de chaque protagoniste du groupe, qui se révèle loin des sempiternelles enfances malheureuses, pleine de détresse et de violence de moult groupes de metal. Ici, on ressent que les musiciens ont tous vécu une enfance heureuse et prospère, très innocente et sans jamais manquer de nourriture, d’amour ou d’attention. Tuomas Holopainen notamment se décrit comme un enfant rêveur, innocent et cherchant à fuir la réalité le plus qu’il le pouvait, en se plongeant dans les dessins animés, la lecture fantastique et la musique. Il va de soi que cette innocence est un sujet longtemps évoqué par Tuomas les années suivantes, particulièrement de sa perte lorsque le succès se fit sentir.

Aussi étrange que cela puisse paraître, c’est dans un groupe de black symphonique que le claviériste donne ses premières armes, et tourne même en Allemagne alors qu’il n’a que 17 ans. Cependant, rapidement, le jeune homme va devoir composé par lui-même, exprimé sa vision du monde et son for intérieur, continuellement torturé par les conflits extérieurs et face à un Tuomas incapable de comprendre la férocité du monde moderne. Nightwish était né. Emppu était un ami…Jukka aussi et Tarja auditionna par hasard pour les morceaux de la première démo. La première monture du groupe était présente.

Sans expliquer les détails de chaque opus ni de l’évolution de ceux-ci (il faut bien vous laisser travailler tout de même), il est passionnant de voir comment les choses ont pu aller pour ces jeunes finlandais issus de la campagne profonde, très loin de la furie rock n’roll d’Helsinki, en marge de la société et surtout incapable au début d’avoir conscience de quelconques enjeux financiers ou matériels, insouciants qu’ils étaient. Il est également intéressant de remarquer que les conflits d’intérêt ont éclaté très tôt dans le groupe, lors de la conception d’Oceanborn plus précisément, entre Emppu et Tuomas notamment (ce dernier gagnant plus d’argent puisqu’il était crédité auteur/compositeur).
Évidemment, le personnage que l’on surveille dans ce livre, c’est la diva Tarja, encore boudinée dans des pantalons de cuir trop petits à cette époque, sans charisme ni personnalité mais que l’on saura déterminante dans l’ascension des finlandais et leur (relative puisque le groupe se porte mieux que jamais) chute dix ans plus tard. Tarja qui est la seule femme dans un monde entièrement masculin, Tarja à qui on en demande parfois trop, Tarja que l’on pousse jusqu’à l’épuisement en solo lors de l’enregistrement d’Oceanborn alors qu’elle ne maitrisait qu’en partie sa voix. Tarja qui ne peut faire la fête avec les autres, qui se veut plus sensible que les autres et qui, fondamentalement, n’aime pas la vie sur la route.

Wishmaster rend le groupe clairement plus professionnel, en studio et sur la route, avec une équipe de management plus professionnel, restant les mêmes amis de Kitee depuis toujours. On peut d’ailleurs être impressionné de cette fidélité, de cette équipe technique inchangée depuis des années, étant avant tout des amis. Connaissant la musique de Nightwish et ses musiciens relativement réservés, on peut être surpris dans le livre lorsque Mape, sans langue de bois et avec une objectivité complète, relate le chaos de la vie sur les routes. Sans tomber énormément dans les délires sex & drugs des années 80, l’alcool coule constamment à flot et le bordel de la vie en bus ou dans les hôtels a de quoi surprendre, surtout pour ceux n’ayant pas vu le dvd End of Innocence. C’est également ici où, plus curieusement et de manière inconnue, que le groupe passa au bord du split, entre l’éviction de Sami, le bassiste, non concerné par le groupe, une Tarja qui n’en pouvait déjà plus de tourner et voulait se concentrer sur ses études classiques et des tensions de toutes parts, que Tuomas pensa à tout arrêter. On peut voir dans la grande mélancolie de Century Child, et sa dominante plus heavy dans le son, les caractéristiques des mois qui venaient de s’écouler…

Puis Once, l’album qui remporta les prix à travers le monde, qui se vendit à des millions d’exemplaires et permit au groupe de devenir un poids lourd incontestable. L’arrivée du mari de Tarja, Marcelo, dans le management personnel de la chanteuse est très critiqué et on peut voir la vénalité du couple éclater au grand jour (ou comment refuser la première partie d’Iron Maiden parce que le cachet était trop « petit » - 60 000€). Le groupe n’en est plus un, hormis sur scène, la chanteuse voyage à part et ses caprices deviennent de plus en plus ingérables.
Cependant, la narration de Mape Ollila se veut assez intelligente pour ne pas tomber dans un manichéisme complet se résumant à la méchante Tarja contre des musiciens innocents de toutes critiques. Leur manque parfois de rigueur vis-à-vis d’une femme, de respect de sa voix peut-être mis en cause, même si rien n’excuse les agissements de la vocaliste devenue clairement une diva dans le sens péjoratif du terme, courant après la reconnaissance et l’argent. L’histoire est connue mais pourtant, des zones d’ombres sont éclairés, sur le fonctionnement, l’annulation de la tournée américaine, la volonté claire de Tarja de partir (« N’oublie pas que je peux partir quand je veux Tuomas. Ma carrière solo est désormais suffisante ») alors que cette dernière fut en larmes ( ?) lors de l’annonce de son éviction.

Énormément de choses ressortent de ce livre, complètement addictif (les 600 pages furent dévorées en à peine une dizaine de jours) et fidèle à l’état d’esprit du groupe, sincère et honnête. Personne n’est complètement innocent dans cette histoire, et on découvre des tensions et rancœurs que l’on n’aurait jamais imaginées, ainsi que l’importance de certains membres plus discrets (Jukka notamment, s’occupant de toutes les finances du groupe). On découvre aussi enfin le personnage de Marcelo, mari de Tarja, tant esquissé mais jamais dévoilé, ayant une grosse part dans le changement d’état d’esprit de la chanteuse.
Au final, il en ressort un bouquin complet et intriguant, que tout fan se doit de lire, et esquissant à peine Dark Passion Play et le succès colossal qui en ressortit (il s’arrête en 2006). On regrettera uniquement, en pinaillant, les trop nombreuses fautes de frappes ou erreurs de syntaxe pour ce type de livre, dérangeantes puisqu’elles se comptent par dizaines (mot doublé, oubli de lettre, fautes d’orthographes), montrant un travail un peu léger de relecture. Mais c’est bien trop peu pour entacher le plaisir de la lecture de ce livre, conseillé pour les fans, admirateurs ou simples auditeurs appréciant la musique des finlandais et n’ayant jamais réellement compris tout ce qui s’était passé. Il y avait bien longtemps qu’une biographie m’avait fait tel effet et enchanté à ce point…merci Camion Blanc !

Chap 1 - J'étais faible mais pas dénué de talents
Chap 2 - Le puzzle se met en place
Chap 3 - Sur le chemin des elfes
Chap 4 - Pompe et circonstances
Chap 5 - La spirale ascendante
Chap 6 - La tournée du destin
Chap 7 - Au programme : "Le hibou de nuit" ...
Chap 8 - Changements
Chap 9 - Récolte dans la vallée des larmes
Chap 10 - Le calme avant la tempête
Chap 11 - La percée finale
Chap 12 - Cul de sac
Chap 13 - Le compte à rebours a commencé
Chap 14 - La fin d'une époque
Chap 15 - Le voyage continue