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A l’ère de sa sortie, le Death – Pierce Me de Silencer avait réellement fait sensation. En 2001, le combo Suèdois avait craché à la face du monde un album atypique de black metal suicidaire, bien éloigné des clichés du genre, un album qui suintait doux la folie. Cela grâce, notamment, à Nattramn. Ses vocaux inhumains, ses manières totalement hallucinées de s’impliquer dans son art, secondées par une base musicale solide et diversifiée, avaient apporté l’argument supplémentaire à l’approbation quasi unanime de l’œuvre comme référence indispensable du style. Quelques bougons crieront au plagiat des excellents Bethlehem sur le non moins excellent Dictius Te Necare, non sans avoir totalement tort, mais ça s’arrêtera là.
Néanmoins, aussi bouleversant qu’était Silencer, sa carrière fût éphémère, car loin d’être un simulacre malvenu, la folie de Nattramn était telle que le diable a fini cloîtré dans les murs capitonnés d’un asile psychiatrique, mettant à mort ce bébé si prometteur dès ses premiers cris.
Pour l’album qui nous intéresse ici, ce petit résumé historique était un mal nécessaire pour mieux situer l’acteur de Transformalin ainsi que son contexte d’enregistrement. Nattramn, toujours interné dans un centre psychiatrique Suédois a eu l’opportunité peu commune d’avoir du matériel d’enregistrement à sa disposition, en accord avec l’institut de Väjxjö, financé par lui et le système de sécurité sociale du pays, afin que la création entre dans le cadre de sa thérapie, sensée favoriser la réhabilitation du patient. Nous ignorons un peu la part de fourrage de tronche de tous les mystères qui gravitent autour de Diagnose : Lebensgefahr, ni si l’évasion prétendue de sa tête pensante et ses tentatives d’assauts à coups de hache sur une fillette sont réelles, néanmoins, nous sommes certains de son auteur, et de l’instabilité de sa santé mentale.
Ainsi, c’est presque naturellement que Transformalin arbore une imagerie médicale, aux teintes âcres et vieillies, où internes et médecins distants observent comme un cas d’école un patient ligoté fermement dans un bâtiment d’un autre âge. Ce sens de l’esthétisme se retrouvera autant dans le livret que dans la musique, qui, et peut-être cela en aura-t-il déçu quelques un, ne fait pas figure d’un Death – Pierce me acte II.
Non Diagnose : Lebensgefahr n’a de black metal que le passé de son auteur, et c’est vers des contrées drone, noise et industrielles que nous emmène Nattramn, au gré des démons qui le hantent. Aussi glaciale qu’une cellule de prison, l’escapade dans les méandres des affres les plus négatives et hallucinées de Nattramn est protéiforme, un monstre à plusieurs visages sournois, rampant et malfaisant.
Aussi diversifié que les chimères effrayantes peuplant le crâne de Nattramn, Transformalin reste une expression pure d’insanité intérieure, où l’aliéné joue avec les sons et les atmosphères, jongle avec le souffle de l’auditeur, et picore son encéphale à grands coups de paroles soignées et désespérées et à en juger la teneur et leur illustration musicale, tout laisse à penser que le remède est bien pire que le mal.
L’univers est décousu, la démarche est obscure, la lisibilité quasi nulle, pourtant, la folie sourde impudiquement dévoilée sur l’album transpire d’un morceau à l’autre, ce manque d’unité renforçant la crédibilité de la démarche.
Relativement présent, Nattramn se manifeste à travers d’interventions bien loin de ses hurlements de porcelet égorgé d’auparavant, optant ici pour des vocaux distants, entre hurlements et murmures, alternant respirations difficiles et déclamations de phrases sur un air à vous glacer le sang. ‘Throw my Bones to the pig’, texte concluant Upon the High Horse of self destruction ne manquera pas de vous faire frissonner, tandis que l’écho d’un hurlement d'une fillette achevant Anoxi (sans doute le morceau le plus effrayant de l'album), au terme d’une montée Drone très progressive, vous figera d’effroi. Néanmoins, au cours de ce voyage horrifique se trouvent des morceaux plus mélodiques et atmosphériques (Tillsammans Men Ensam I Stillhetens Kapell), ou étrangement martiaux (Situation Lebensgefahr). D’autres émanations soniques semblent se porter garante d’une schizophrénie certaine de Nattramn, comme dans cette étrangeté qu’est Obducentens Dröm, au cours de laquelle des notes de piano tremblotantes sont vaguement couverte par des bruits de dialogues et de foule, comme autant de démons logés dans un coin de l’esprit du créateur.
Seulement voilà, à œuvre atypique réactions mitigées, et il est difficile se défaire de la question de savoir si Transformalin aurait été aussi percutant s’il n’existait aucun contexte gravitant autour du projet, où si un esprit sain l’avait enfanté.
Il y a fort à parier que non.
Diagnose : Lebensgefahr puise toute son horreur, toute sa souillure dans le background qui justifie sa création, plus que pour ses qualités de composition, de bonne facture mais pas suffisantes pour vous faire hurler au génie. De cet état de fait découlera votre propre appréciation de l'ambum. Si vous aimez savourer un skeud également pour l’histoire ayant permis sa mise en lumière, Diagnose : Lebensgefahr pourrait bien vous filer une claque et vous suivre sur des années, plaisir solitaire répondant présent à votre désir coupable d'atmosphères sinistres. Dans le cas contraire, Transformalin ne manquera pas de vous arracher quelques hérissements capillaires, n’aura certes pas l’impact malsain d’un Stalaggh sur votre ressenti, mais vous passerez à côté du vrai bouleversement, qui lui, se trouve ailleurs.
J’aurai aimé me soustraire à l’exercice de notation concernant un album si particulier, Transformalin n’est pas vraiment évaluable, et dépendra de vous, et de vous seul. Ainsi est-il préférable de lui attribuer une note plus ou moins intermédiaire.
A vous de choisir. Contemplez l’un des fruits de la folie, ou passez votre chemin.
1. The Level Beyond Human
2. Transformalin
3. Flaggan På Halv Stång I Drömmens Västergård
4. Upon The High Horse of Selfdestruction
5. Situazion: Lebensgefahr
6. Anoxi
7. The Last Breath of Tellus
8. Mani VS Apati
9. Tillsammans Men Ensam I Stillhetens Kapell
10. Obducentens Dröm
11. De Vårdar Mig In I Döden