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Kurt Cobain, trente ans après : le moment de redécouvrir Nirvana ?

vendredi 5 avril 2024
Malice

L'autre belge de la rédac'. Passé par Spirit of Metal et Shoot Me Again.

Il y a 30 ans jour pour jour, le 5 avril 1994, Kurt Cobain se donnait la mort à Seattle. Il y a 30 ans jour pour jour, Nirvana mourait avec lui, et pas question pour Dave Grohl et Chris Novoselic de sortir un album bootleg glauque à la Mayhem avec pochette provoc', avant de continuer sans lui. Cobain était Nirvana, et Nirvana a probablement tué Cobain. En guise d'épitaphe : un album MTV Unplugged in New York  absolument magique, intimiste, fragile. Trente ans plus tard, on peut se demander ce qu'il reste de Nirvana.

Et pour être honnête, si Kurt revenait et voyait ce qu'il reste de son bébé, il se remettrait certainement soit le flingue sur la tempe, soit une ligne sur la table. Entre le t-shirt C&A à 25 balles, le bébé de Nevermind qui tente désespérément de faire son beurre via plainte pour « pédopornographie » et « Something in the Way » transformé en ballade emo pour le dernier (et plutôt bon au demeurant) film The Batman, pas sûr que la trajectoire soit celle que Cobain imaginait depuis Fecal Matter.

Mais si le grunge, on peut le dire, est à peu près mort (malgré les tentatives de notre ex-rédacteur Rodolphe, qu'on salue, de prouver le contraire), on a quand même l'impression que Nirvana est immortel. Pas parce que les Foo Fighters sont en tête d'affiche du Hellfest (et franchement, pas sûr que grand monde dans cette rédaction soit pris de passion pour leur concert). Pas parce que « Smells Like Teen Spirit », le morceau qui a tué Kurt Cobain, retentit encore en soirée – mais probablement de moins en moins. Mais parce que Nirvana, en 3 albums, a offert tellement plus. Oui, Nevermind est légendaire, mais le geste quasi-infantile de Cobain qui a sorti, après un tel succès commercial, un album aussi sale qu'In Utero ? Purement génial. « Scentless Apprentice », « Milk It », « Tourette's » restent aussi provocants et rageurs aujourd'hui qu'à leur sortie, comme l'ultime doigt d'honneur d'une icône qui ne voulait absolument pas en être une. Là où le pop-punk des années 2000 s'est paré d'atours grunge et gentiment provoc' avant de virer sa cuti et remplir les Bercy, Cobain n'a pas supporté l'idée même d'être vu comme commercial. S'il était né en Norvège, il aurait fait du black metal, c'est certain.

On s'est posé la question de savoir ce que serait devenu Nirvana sans la mort de son maître à penser. Cobain aurait-il continué à se rebeller ou aurait-il fini par accepter son succès, par arrondir les angles et lisser les plis ? Le jeu des hypothèses est lancé. La mienne, c'est que Kurt Cobain n'aurait pas pu vivre avec le succès de Nirvana et aurait fini par mettre le groupe en « sommeil », sortant des albums plus intimistes, plus personnels, en solo. Le MTV Unplugged montre également cette facette de sa musique, de sa voix : le trio de reprises des Meat Puppets (« Plateau/Oh Me/Lake of Fire ») est un moment de grâce, loin de la rage de Bleach et (par moments) In Utero. Un Cobain apaisé aurait probablement pu s'épanouir dans cette voie. Mais un Cobain apaisé n'aurait pas continué Nirvana.

Trente ans plus tard, la mode est au revival. Il y a tout eu : le revival du classic rock, le revival du heavy traditionnel, le revival du death metal. Alors que le temps passe, c'est quasi-inévitable : il y aura un revival du « grunge », si tant est que ce mot ait encore un sens. Souvent, ces retours à la mode sont vidés de leur essence, de leur âme, mais ils permettent aussi parfois de redécouvrir le matériau d'origine. Le « vrai », pas « Smells Like Teen Spirit » et « Come As You Are ». Alors, le public va-t-il se remettre Incesticide et In Utero dans les oreilles pour célébrer les 30 ans de la mort de Kurt Cobain ? Ce serait certainement un plus bel hommage que d'écouter Maneskin en se persuadant que c'est provoc' ...