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Album

08 février 2024 - ZSK

Sgàile

Traverse The Bealach

LabelAvantgarde Music
stylePagan metal progressif
formatAlbum
paysEcosse
sortiejanvier 2024
La note de
ZSK
8.5/10


ZSK

"On est tous le boomer de quelqu'un d'autre."

A la rédaction, on songe à ouvrir une agence de voyages. Non pas parce qu’on a quelques globe-trotters qui connaissent des bonnes adresses, mais parce qu’on trouve des disques qui vous font voyager. Cette fois-ci, Horns Up Touring vous propose un trip en Ecosse. Ce n’est pas nouveau car on vous a déjà emmené au Nord de la Grande-Bretagne avec Saor. Mais avec Sgàile, il s’agira de voir ce territoire d’un autre point de vue. Le point de vue d’un seul homme, celui de Tony Dunn. Actuel bassiste chez Cnoc An Tursa, guitariste Live pour Saor à l’occasion, après avoir succédé à Andy Marshall chez Falloch. Les liens entre Saor et Sgàile existent mais sont tout de même un peu plus ténus musicalement. De même que Sgàile tranche avec le folk metal de Cnoc An Tursa. Alors quoi ? Si la pochette de Traverse The Bealach nous guide vers une randonnée au son d’une musique atmosphérique, les illustrations aux éléments plus science-fictionnels du reste du layout du CD sèment déjà le doute sur les aspirations qu’on imagine traditionnelles ou folkloriques de Sgàile ; car cet album est en fait centré sur un concept évoquant une Ecosse post-apocalyptique. Du reste, ceux qui suivent de près les sorties d’Avantgarde Music auront de toute façon déjà posé une oreille sur Ideals & Morality, le premier album du projet sorti fin 2021. Traverse The Bealach sera donc dans la lignée de ce premier opus pour ceux qui avaient déjà coché le nom de Sgàile, pour les autres, on sera quitte pour une belle découverte. Projet très personnel, Sgàile va vraiment dévoiler tout son potentiel avec Traverse The Bealach qui s’annonce comme un album étonnant et rafraîchissant.

Le premier single dévoilé, « Lamentations by the Lochan », donne des premiers indices pour ceux qui vont ici découvrir l’univers de Sgàile. Un metal pas vraiment extrême, à la production puissante mais organique (Mike Lamb de Sojourner est aux manettes), très mélodique et du coup pas mal épique. Si les mélodies évoquent Saor - et c’est presque déjà le seul point musical commun entre les deux formations - on est pas non plus dans les aspirations folkloriques de Cnoc An Tursa même si on sent un touché très « écossais » (et non, sans cornemuse, je vous vois venir). Sgàile en est du coup difficile à classifier. Certains parlent de post metal, on parle beaucoup de metal progressif, ce qui est assez vrai d’autant que les morceaux sont longs et laissent place aux développements atmosphériques à grands coups de breaks acoustiques. Je parlerai d’une certaine forme de pagan metal tant Sgàile laisse transpirer certaines traditions et un côté tout de même connoté « ambiance locale », le tout dans une forme malgré tout relativement moderne. Sgàile s’envole tellement au-delà des terres écossaises qu’il regarde finalement de l’autre côté de la Mer du Nord, évoquant parfois les morceaux les plus enlevés de Borknagar, et donc par ricochet Vintersorg voire Cronian. Si on peut encore et par exemple tomber ici et là sur des ambiances faisant penser à du Thy Catafalque, c’est vraiment tout car Sgàile dévoile, dès le premier abord, toute sa personnalité. Ce qui se transcrit aussi par le chant : il est ici entièrement clair, pas une seule ligne un tant soit peu extrême ne vient perturber le récital de Tony Dunn, qui se laisse juste aller à des envolées en chœurs qui, pour le coup, font très « pagan ». Et cela sera d’ailleurs le point fort de Traverse The Bealach car les vocaux de Tony Dunn sont vraiment somptueux et c’est ce qui va nous emporter dans le fabuleux voyage de Sgàile à travers les plages.

Il est alors difficile de ne pas se laisser directement emporter par longue pièce d’ouverture - 11 minutes - qu’est « Psalms to Shout at the Void », commençant tout en atmosphères, posant petit à petit les peintures mélodiques puis les lignes de chant vraiment entraînantes, qui se font de plus en plus enivrantes avec un final déjà très flamboyant. Tony Dunn livre déjà une performance remarquable et on constatera même que le single « Lamentations by the Lochan » n’était vraiment qu’une mise en bouche car le reste de Traverse The Bealach va le surpasser. A moins qu’on n’attende pas vraiment ce genre de vocalises claires dans un album de metal de ce genre, comment ne pas succomber à l’irrésistible « The Ptarmigans Cry » ? Et le chant ne fait pas tout car même les compos, simples mais parfaitement construites, sont particulièrement accrocheuses, et que dire des magnifiques mélodies presque omniprésentes et des breaks savoureux. « Silence » démontre encore tout le potentiel et toute la classe de Sgàile, entre riffs efficaces et envolées épiques à couper le souffle, pendant 12 minutes absolument passionnantes. Le bonbon de cet album, qui se prolonge sur un « The Broken Spectre » un peu plus sombre et dépouillé, mais qui nous abreuve encore de lignes vocales incroyables et de mélodies prenantes ; tandis que « Entangled in the Light » conclut Traverse The Bealach tout en émotions, un dernier tourbillon mélodique ponctué par un grand final très marquant. C’est une sacrée épopée que nous propose ici Sgàile, entre voyage initiatique et introspection contemplative, le tout étant porté par son concept singulier. Difficile de trouver à qui recommander Sgàile tant tout ce qu’il produit ici est très particulier, presque déjà unique. Beaucoup passeront peut-être à côté tant il faut accrocher au paysage mélodique envahissant, à ces longs morceaux et au chant d’or, mais si vous rentrez dans le trip, c’est un vrai bonheur. Sgàile a même encore de la marge de progression et de la place pour un petit peu plus de variété mais ce deuxième album qu’est Traverse The Bealach est une splendide performance, en plus d’être une révélation avec un style qui sort vraiment des sentiers battus. Assurément une des perles de ce début d’année, et un album tout simplement… beau.

 

Tracklist de Traverse The Bealach :

1. Psalms to Shout at the Void (11:03)
2. Lamentations by the Lochan (9:22)
3. The Ptarmigans Cry (9:34)
4. Introspect (2:04)
5. Silence (12:22)
6. The Broken Spectre (8:20)
7. Entangled in the Light (10:20)