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Album

22 novembre 2023 - ZSK

Shade Empire

Sunholy

LabelCandlelight Records
styleMetal extrême sympho
formatAlbum
paysFinlande
sortieseptembre 2023
La note de
ZSK
7.5/10


ZSK

"On est tous le boomer de quelqu'un d'autre."

Shade Empire, c’est un peu, au milieu de (beaucoup) d’autres, le symbole malgré lui d’une époque révolue. Celle où le « black metal » se modernisait et se réinventait sans cesse, au grand dam des traditionalistes et autres trve de tout bois. Celle où florissait sur les catalogues Adipocere ou Holy Records les étiquettes incongrues - mais parfaitement pertinentes - du style « cyber electro ethreal symphonic extreme metal ». Avec des groupes qui pour la plupart ont disparu aussi vite qu’ils sont apparus, honnis pour leur mauvais goût, parfois (souvent ?) à raison. Shade Empire, malgré lui donc, était un peu de ceux-ci, avec ses débuts aux accents futuristes sur fond d’un black sympho bien peu true et assez débridé. Il était pourtant un des meilleurs artistes de ces sous-genres improbables de l’époque, même s’il s’était vite assagi et recentré autour d’un metal extrême electro/sympho plus efficace et moins barré, avec en point d’orgue l’excellent Intoxicate O.S. (2006). Après Zero Nexus (2008), le groupe finlandais n’avait que peu donné signe de vie, jusqu’à son retour sur le flamboyant Omega Arcane (2013), album assez monumental qui retrouvait des couleurs black sympho plus classiques, mais toujours avec la touche résolument moderne et futuriste qui a caractérisé le groupe dès Sinthetic en 2004. Une belle surprise pour un des derniers représentants de la scène qui avait expérimenté au cœur des années 2000, qui maintenant continue son petit bonhomme de chemin. Avec un Poetry Of The Ill-Minded (2017) toujours inspiré, même si Shade Empire se tempérait à nouveau pour embrasser un registre « sympho extrême » plus classique, sans renier certaines de ses particularités. Après quelques remous et notamment le départ du chanteur historique Juha Harju, Shade Empire nous propose en 2023 ce qui est son sixième album, Sunholy. 19 ans après Sinthetic n’empêche…

Le groupe finlandais reprend ici, sans surprise, les mêmes bases qu’il utilisait pendant les années 2000 et ce qui a été apporté dans les années 2010 avec Omega Arcane et Poetry Of The Ill-Minded. A savoir un metal extrême (plus que réellement « black ») qui s’offre un bon paquet d’envolées sympho et d’incursions électroniques. C’est d’ailleurs avec ces dernières que Sunholy va se distinguer, Shade Empire multipliant les breaks, effets ou notes électroniques au sein de son metal extrême toujours aussi dynamique même si plus raffiné et moins foufou qu’à l’époque de Intoxicate O.S.. Dès « In Amongst the Woods », les passages électro qui mine de rien posent une ambiance futuriste déroutante retiennent l’attention, on se laissera encore donc transporter hors du temps au sein de « This Coffin An Island », « Sunholy » et surtout le fantastique « All-Consuming Flame » qui rappelle déjà les plus beaux moments de Omega Arcane. A l’instar de cet (excellent) album, Sunholy part donc parfois loin dans son côté épico-symphonique, notamment pour les flamboyants « The Apostle » et « Sunholy », avec des synthés sympho certes classiques pour le genre mais parfaitement amenés. Shade Empire assure surtout quand il commence à partir dans des envolées plus atmosphériques vraiment enivrantes, à ce titre Sunholy s’offre deux moments forts que sont le break central de « Maroon » et l’intro de « Profane Radiance », qui n’ont rien à envier au fabuleux Ascension d’Amiensus dans le genre « black sympho du turfu » ; et qui prouvent encore que depuis Omega ArcaneShade Empire est devenu une référence de ce metal extrême sympho qui sort un peu des sentiers battus avec des ambiances plus singulières mais toujours très épiques. D’ailleurs pour la touche d’originalité, on notera que comme pour Poetry Of The Ill-Minded, Shade Empire utilise encore ici et là des cuivres, ici du saxophone, uniquement sur deux morceaux certes mais c’est à souligner.

Plus chatoyant et aventureux que Poetry Of The Ill-Minded (qui était tout de même bien bon), Sunholy avait de quoi faire repartir Shade Empire sur les chapeaux de roue et proposer une nouvelle masterclass à la Omega Arcane histoire de le placer sur le podium du metal extrême sympho. Mais, il y a à mon sens des anicroches. Si Sunholy est particulièrement réussi et entraînant de son point de vue sympho/électro, il est un peu plus chiche niveau strictement metal. Déjà, et ça m’avait interpellé à la sortie du single « In Amongst the Woods », certains riffs sonnent plus… metalcore qu’autre chose. On est vraiment dans un registre extrême plus ou moins gentillet, il est devenu vraiment difficile de parler de « black » metal même originellement. Ce qui n’est pas un problème en soi certes mais la plupart des compos de Sunholy sont tout de même assez redondantes, créant quelques longueurs. Autre point noir, c’est le chant de Henry Hämäläinen, qui assurait déjà les chants clairs sur Poetry Of The Ill-Minded et qui a définitivement remplacé Juha Harju y compris pour le chant extrême. Chant assez impersonnel et poussif qui a du mal à apporter une plus-value malgré quelques dérives en growl bienvenues. Et niveau chant clair, ce qu’on avait déjà pu constater sur l’album précédent, ce n’est pas byzance non plus, surtout que le bougre multiplie les parties claires, ce qui n’avait jamais été le cas au sein d’un album de Shade Empire. On grincera donc des dents à certains moments (« Torn Asunder », le vocoder de « Maroon »…) et autant dire que le vocaliste doit encore progresser. Ajoutez à ça un mix parfois un peu brouillon - même si la production des albums de Shade Empire n’a jamais été parfaite - et quelques synthés ou boucles électro un peu cheap, et ça fait quelques accrocs qui font baisser l’estime de Sunholy (en plus d’une pochette qui semble être du Midjourney même si un artiste est crédité…) et c’est un peu dommage. Malgré tout, Sunholy est un album plaisant, qui se hisse au moins au niveau de son prédécesseur, mais aurait pu revenir à celui de Omega Arcane si toutes les composantes avaient été à leur perfection comme auparavant. Bon, Shade Empire reste une des formations de référence en matière de metal extrême sympho moderne, capitalisant bien sur la créativité du cœur des années 2000, et Sunholy ne lui fait pas honte en étant relevé par quelques moments fantasmagoriques. Mais un petit effort pour vraiment repartir du bon pied et Omega Arcane aura un successeur digne de ce nom qui figurera au panthéon du sous-genre…

A noter que Sunholy existe dans une version double CD, qui reprend en second disque l’intégralité de l’album en version orchestrale.

 

Tracklist de Sunholy :

1. In Amongst the Woods (5:14)
2. The Apostle (5:33)
3. This Coffin an Island (5:22)
4. Sunholy (6:57)
5. Torn Asunder (5:37)
6. Maroon (7:54)
7. All-Consuming Flame (6:43)
8. Profane Radiance (6:34)
9. Rite of Passage (3:47)

 

 

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