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samedi 5 novembre 2022

Unsane + Asbest @ Paris

Petit Bain - Paris

S.A.D.E

Chroniqueur doom, black, postcore, stoner, death, indus, expérimental et avant-garde. Podcast : Apocalypse

Alors qu'il avait annoncé la dissolution du groupe en 2019 et formé Human Impact dans la foulée, Chris Spencer a remis en route la machine Unsane pour une tournée "early cuts". Entouré du bassiste Jon Syverson (Daughters) et du batteur Eric Cooper (Made Out of Babies), c'est donc sur la première partie de carrière du groupe qu'a voulu se concentrer Spencer, une traversée dans 90's dans la sueur et la crasse.

 

Asbest

Ce sont les Suisses d'Asbest qui accompagnent les Américains sur une partie des dates françaises et le choix s'avère judicieux. Fort déjà d'un album et en pleine préparation du terrain pour l'arrivée du second, Asbest s'avère être une première partie calibrée au mieux. Délivrant un noise rock dont on sent inévitablement l'apport génétique d'Unsane, le trio helvétique parvient sans problème à recevoir les applaudissement du public dès leurs premiers morceaux. Avec une petite demi-heure de jeu, brièvement entrecoupée de légers problèmes d'ampli, le groupe déroule donc une musique rugueuse et grinçante, mais qui sait se détacher de l'influence des patrons de la soirée : incorporant des éléments shoegaze ou post rock, Asbest est loin d'être d'un clone moderne et affirme une identité qui lui est propre. Le chant est également bien foutu : criard mais jamais pleinement colérique, comme une souffrance retenue qui rehausse la tension que produit la partie instrumentale. Cette date est une première à Paris pour le trio qui semble tout à fait l'aise lorsqu'il joue et beaucoup plus timide entre les titres (la chanteuse est même super choupi lorsqu'elle s'excuse pour les petits soucis d'amplis dans un Français de Suisse allemande). Un première partie qui assure bien son rôle et dont la carrière doit être suivie avec attention.

 

Unsane

Voilà plus de trente ans que débarquait dans les bacs Unsane, le premier album du groupe, avec sa pochette sordide et brutale (la photo, réelle, d'un suicidé du métro de New-York). Et durant ces trente années, Chris Spencer (avec Dave Curran et Vincent Signorelli) a mené sa barque pour faire atteindre à Unsane le statut de groupe culte, ayant forgé un son reconnaissable entre mille et inspiré une flopée de groupe en passant. Pour cette tournée old-school, entouré de deux nouveaux comparses dont les CVs parlent d'eux-mêmes, les hostilités démarrent avec un « Organ Donor » du plus bel effet. Si le son pour Asbest était bon, il est ici monstrueux. La basse de Jon Syverson dégueule de gros et gras grumeaux pendant que la batterie de Eric Cooper, avec un kick de grosse caisse bien lourd et profond, entre en ébullition. Seule la Telecaster de Spencer me semble parfois un peu faiblarde sur les solos et les leads noisy, légèrement noyée par la masse sonore ambiante. Son éternelle casquette à visière arrondie vissée sur le crâne, le taulier Spencer assure comme à son habitude : un chant qui suinte la colère et une attitude sur scène qui communique son plaisir d'être là. Il va et vient sur les planches, échange un coup d'épaule avec son bassiste, soigne son rhume en l'évacuant sous forme de crachats aux trajectoires chaloupées, bref il est tout simplement lui-même sans se poser davantage de questions.

Comme prévu, les morceaux sont issus des albums des années 90 (soit Unsane, Total Destruction, Scattered, Smothered & Covered, Occupational Hazard et des démos et autres raretés) et c'est donc le rouleau compresseur en permanence. Unsane a cette propension à rendre méchant le moindre de leur riff, parvenant à augmenter le taux de hargne à chaque changement de plan sans que jamais ça ne s'essouffle. Mention spéciale au batteur qui joue quasiment non-stop pendant une heure, habillant d'impros plus ou moins intenses les rapides réaccordages de ses compagnons entre les titres. Le public est quant à lui (tout comme moi) conquis : plus le set avance et plus les acclamations sont ferventes et lorsque le trio quitte la scène après un rappel (costaud le rappel : « Broke » et « Can't See »), nombreux sont ceux qui auraient voulu un peu de rabiot.

En une heure de temps de jeu, Unsane a prouvé l'intemporalité de sa musique. Le format bulldozer de ses compositions est toujours aussi efficace et implacable, le son massif et crasseux parvenant toujours à faire des miracles. Et il y a dans le rapport de Spencer à son public une humilité et une bonhomie réjouissantes : lorsqu'un membre de la fosse retourne au patron ses remerciements, celui-ci répond avec une franchise désarmante qu'il est "simplement content d'être là". Une intégrité trop rare après une carrière aussi longue et qui met définitivement Unsane dans le Panthéon des groupes qui n'ont jamais rien céder à la facilité.

Setlist de Unsane :
1.Organ Donor
2.Bath
3.Maggot
4.Cracked Up
5.Slag
6.Vandal X
7.HLL
8.Cut
9.This Town
10.Trench
11.Concrete Bed
12.Streetsweeper
13.Committed
14.Body Bomb
15.Over Me
16.Scrape
17.Empty Cartridge
18.Get Off My Back
19.Broke
20.Can't See