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Album

18 avril 2020 - S.A.D.E

Benighted

Obsene Repressed

LabelSeason Of Mist
styleBrutal Death / Grindcore
formatAlbum
paysFrance
sortieavril 2020
La note de
S.A.D.E
7.5/10


S.A.D.E

Chroniqueur doom, black, postcore, stoner, death, indus, expérimental et avant-garde. Podcast : Apocalypse

Le petit Michael n'a pas vraiment d'amis. Né avec une fente palatine, il n'est pas très à l'aise dans le processus de socialisation infantile. Grandissant dans la solitude, il devient de plus en plus persuadé que son père l'a volontairement affublé de sa difformité afin que sa mère ne puisse jamais l'aimer complètement. Son Oedipe prenant des proportions pathologiques, Michael finit par trouver une solution pour se sentir aimé de sa mère : retourner en son sein. Ce qu'il fait en tranchant, à l'aide du rasoir de son père, l'amas de chair qui l'enlaidit depuis toujours afin de l'ajouter au menu familial du soir, faisant ainsi immanquablement dévorer par sa mère sa monstruosité. Voilà un bref résumé de l'émouvante histoire d'amour que nous narre Benighted dans son neuvième album, Obscene Repressed.

Comme toujours, les thématiques de Benighted nous amènent sur le terrain de la folie humaine et des pathologies mentales, matinée d'une dose de gore second degré tout droit venu des films de genre. Côté musique, le terrain est également balisé : le Brutal Death lorgnant vers le Grind est toujours la marque de fabrique de Julien et sa bande, et c'est toujours fait avec autant de précision et de maîtrise. Recruté pour l'album précédent, Emmanuel Dalle est de nouveau à la composition et, pour sa deuxième participation à l'aventure Benighted, le bougre montre un nouvelle fois qu'il a compris l'essence du groupe et qu'il s'est totalement approprié la patte et le son Benighted. On a le droit à des riffs tout à fait monstrueux (Brutus, Obscene Repressed, et beaucoup d'autres), des sonorités d'inspiration un peu plus hardcore comme on avait pu en entendre sur Carnivore Sublime (le début de The Starving Beast, Scarecrow ou Implore The Negative sur lequel on retrouve Jamey Jasta de Hatebreed), et globalement de la violence en barre comme on aime. Enregistré au Kohlekeller Studio, l'album bénéficie de la prod' habituelle : tranchante, précise, sans concession. Le genre de son qui autorise, par exemple, un décalage jazzy au coeur de la brutalité (Muzzle) sans que ça ne fasse tache ou complètement artificiel.

Pourtant, malgré les innombrables qualités mentionnées juste au-dessus, ce nouvel album manque de... impossible de définir exactement ce qui manque. Sans trop savoir à quoi cela tient, la fin de l'album me semble un peu facile ou convenue, déjà vue ou trop attendue. Passé Muzzle, les titres s'enchaînent sans qu'on y prête trop attention : non pas qu'ils soient mauvais (loin de là !) mais un soupçon de la folie et de la furie qui habitent les compositions du groupe semble avoir foutu le camp. On se retrouve donc avec une seconde partie d'album de qualité mais à laquelle il manque un supplément d'âme que Benighted sait habituellement si bien mettre en musique. On a l'impression qu'un mode pilote automatique a été lancé à un moment donné et que s'est perdue en route une part de la vitalité et de la viscéralité avec laquelle se déchaînent les titres précédents. On reste dans des compositions de belle facture, tant sur le plan de la construction que de la technique (petite mention à la nouvelle recrue derrière les fûts, Kévin Paradis, qui maintient le niveau largement à la hauteur de ses prédécesseurs, et ce n'est pas une mince affaire), mais l'étincelle indéfinissable qui fait passer un titre de très bon à excellent n'est pas aussi vive qu'elle a pu l'être.

Entendons-nous bien : Obsene Repressed va péter des nuques en live et ne fera nullement tache dans la discographie de Benighted. Il est simplement un peu prévisible sur la fin. Sauf pour la reprise de Get This aussi furieuse qu'inattendue ("give me a buiiii Julien !"/"buiiiiiiiiiii"). On a pas affaire à des morceaux mauvais, mal composés ou inintéressants, c'est juste qu'on ne perd pas tous ses neurones pour se laisser emplir entièrement par la violence habituellement si communicative et qu'une légère lassitude peut s'installer en fin de parcours. Ce qui n'empêche pas Obscene Repressed d'être un album sur lequel on revient sans rechigner. Il y a simplement quelques morceaux moins marquants, ce qui n'est pas dans les coutumes de Benighted.


Tracklist: 
01.Obsene Repressed
02.Nails
03.Brutus
04.The Starving Beast
05.Smoke Through The Skull
06.Implore The Negative
07.Muzzle
08.Casual Piece Of Meat
09.Scarecrow
10.Mom, I Love You The Wrong Way
11.Undivided Dismemberment
12.Bound To Facial Plague
13.The Rope
14.Get This

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