Chronique Retour

Album

26 février 2020 - Dolorès

Regarde Les Hommes Tomber

Ascension

LabelSeason Of Mist
styleBlack Metal
formatAlbum
paysFrance
sortiefévrier 2020
La note de
Dolorès
8/10


Dolorès

Non.

Est-ce parce que je vis à Nantes ou non ? Toujours est-il qu'on ne parle que de Regarde Les Hommes Tomber depuis quelques années. Il y a une certaine fascination derrière le groupe, entre fierté locale et admiration de ce projet au petit bout de chemin déjà bien tracé. Entre les autres (ex-)projets des membres les ayant influencés, allant du Black au Hardcore, les visions bibliques aussi chaotiques qu'épiques, les artworks si reconnaissables de Fortifem et le piédestal offert par Les Acteurs de l'Ombre : on a là tant de caractéristiques et d'atouts qui ont participé à faire entrer le groupe dans la lumière. On se demande toutefois comment les étrangers arrivent prononcer et à écrire ce nom si particulier qui n'a sans doute pas facilité le creusement du sillon qui les mène au succès.

Depuis Exile, sorti en 2015 et acclamé par la critique, il y en a eu des changements. Le groupe signe chez Season Of Mist en sortant du nid juvénile préparé par Les Acteurs de l'Ombre. C'est le grand saut, tout décolle, et les passages en festival ou en salles renommées s'enchaînent, avec notamment le fameux set featuring Hangman's Chair au Trianon, prochainement porté au Roadburn ou encore à Dour en 2020 !

A l'inverse, le groupe semble avoir cherché et trouvé un peu de constance dans toute cette épopée. Le line-up s'est stabilisé, et c'est une bonne nouvelle de voir Thomas continuer à prendre le micro. Avec Exile et encore plus cinq ans après, on peut avouer que l'atout majeur de Regarde Les Hommes Tomber est dorénavant sa voix. Des hurlements désespérés et possédés entièrement maîtrisés, qu'on sent travaillés pendant des mois, on passe à des chants plus éraillés qui, doublés de compositions efficaces rappellent souvent le meilleur de la scène polonaise. Mais tout auditeur qui connaissait déjà le groupe (et pas uniquement) a dû hausser un sourcil en lançant l'écoute de l'album et en découvrant des parties de chant clair, sur « The Renegade Son » en premier lieu. Entre Bölzer et Urfaust, son chant clair évolue et trouve sa place sans sembler ni forcé ni copié.

On sent bien au fil de l'écoute qu'il y a un énorme travail derrière, et qu'Ascension n'est clairement pas un album de facilité. Il semble plutôt tenir à prouver que Regarde Les Hommes Tomber ne compte pas s'arrêter à l'image que les médias leur ont collé ou à ce qu'ils ont déjà offert à leurs fans.

Au-delà des parties vocales qui étonnent dès la première écoute de l'album, on se rend vite compte que les compositions sont elles aussi maîtrisées. Plutôt que de jouer sur la subtilité des mélodies et des dissonances ou sur la puissance des ensembles comme Exile se plaisait à le faire, on trouve des compositions qui jouent sur la simplicité et l'efficacité. Étrangement, l'ensemble paraît alors plus complexe, avec cinq titres principaux qui durent plus de 8 minutes et misent tout sur la progression. Les transitions entre les divers segments sont si bien amenées que l'effet puzzle est complètement évité. Les progressions sont fluides et ne laissent pas de place au hasard.

Chaque titre a toutefois sa caractéristique mémorable. De la ballade ternaire de « Stellar Cross » et son ambiance de lamentations lunaires, à la langue française du très rentre-dedans « Au Bord du Gouffre », ainsi que la désolation sur « The Renegade Son », ou encore les subtilités plus complexes qui prennent le temps de s'installer de « The Crowning ». Les progressions internes aux morceaux semblent donc être la marque de fabrique d'Ascension, dont « A New Order » était le premier échantillon porté au public.

Le son évolue également : les guitares sont un peu plus mises en avant, plus claires et lisses, mais n'enlèvent rien à l'aura sombre des titres. L'album sonne encore davantage propre, plus réfléchi et toujours clairement moderne. C'est l'un des atouts de l'album que de proposer autant d'ambiances variées et de riffs du tonnerre, des rythmiques de batterie inattendues et des enchaînements plus rapides au sein des morceaux qui semblent parfois étonnants mais aussi évidents. L'impression qui ressort des écoutes d'Ascension est bien celle d'un album qui s'inscrit dans une nouvelle voie maîtrisée mais aussi dans une scène Black contemporaine déjà complexe et pleine d'initiatives.

L'idée n'est pas de sonner original à tout prix mais de puiser dans les meilleures idées de ces dernières décennies et de les faire passer par le prisme de Regarde Les Hommes Tomber tout en apportant leur propre regard pour proposer un ensemble de qualité. Et c'est réussi.


1.L'Ascension
2. A New Order
3. The Renegade Son
4. The Crowning
5. Stellar Cross
6. La Tentation
7. Au Bord du Gouffre

Les autres chroniques