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samedi 19 octobre 2019

Nile + Hate Eternal + Vitriol @ Londres

The Dome - Londres

Sleap

Live reporter et chroniqueur occasionnel dans divers genres (principalement extrême).

Sleap : S’il y a bien UN package qui pouvait me faire bouger dans un autre pays le temps d’un concert, c’est bien celui-ci. Pas de surprises pour ceux qui me lisent plus ou moins régulièrement : Hate Eternal et Nile font partie de mes groupes de musique préférés. Et lorsqu’ils sont accompagnés par le nouveau premier de la classe dans leur école de Death Metal, il n’y a même plus à hésiter. Ainsi, après une interminable attente concernant une éventuelle date française (qui restera finalement « TBA » jusqu’à la fin de la tournée), je cède une nouvelle fois au London Calling. Et, comme on va le voir, j’ai vraiment bien fait de choisir cette date en particulier.

Outre les vols aller-retour très peu chers pour la capitale anglaise – et l’immense exposition William Blake qui s’y tenait –, c’était aussi l’occasion d’enfin mettre les pieds au Dome. En effet, je n’avais pas encore eu l’occasion de tester cette salle de concert, malgré le fait qu’elle soit assez populaire pour les dates Metal londoniennes. Située au nord de Camden Town – où se trouve l’autre fameux club l’Underworld –,  le Dome a une capacité d’environ 600 places. Et ce soir, il se trouve que c’est le premier – et seul – show sold out de toute la tournée !

Pour le groupe d’ouverture Omophagia, le public se fait encore timide. Ça fume à l’extérieur, ça achète du merch, et évidemment ça consomme au bar. Pour ma part je me pose dans le fond de la salle histoire d’être en forme pour la triplette qui va suivre. Car il faut dire que le Death moderne des Suisses ne semble pas faire mouche. Quelques badauds assistent à la prestation d’un œil distrait, un verre à la main, mais l’ambiance est encore loin d’être électrique… Musicalement, ce n’est clairement pas ma tasse de thé. Trop de propension aux breaks, une interprétation trop clinique, quelques accents carrément Deathcore (dans le mauvais sens du terme), le tout servi avec un son brouillon et des triggs de double grosse caisse assez irritants. Et le visuel va malheureusement de pair avec la prestation : des musiciens tous en chemise noire et cravate ! Je veux bien qu’on tombe dans l’archétype TechDeath moderne à chemise, mais la cravate c’est peut-être un peu too much, vous ne trouvez pas ? Par ailleurs, même si le chanteur a un assez bon jeu de scène, les quatre autres musiciens sont beaucoup trop à l’étroit. La monstrueuse batterie de Nile prend en effet la moitié de la scène à l’arrière. Et celle du groupe actuel se retrouve donc au premier plan, obstruant quasiment tout l’espace scénique des musiciens. Des sweeps très propres et quelques passages de basse tapping sont cependant à noter, mais c’est globalement une bien fade prestation. Le tout est maigrement compensé par l’enthousiasme des musiciens, visiblement très heureux de jouer. C’est déjà ça…

Vitriol

Sleap : C’est maintenant qu’on attaque les choses sérieuse ! Quand je parlais de « premier de la classe » en introduction, c’est pour une bonne raison. Si vous êtes fans d’Hate Eternal, Vitriol est tout simplement LE groupe actuel à suivre de près. Mené d’une main de maitre par Kyle Rasmussen, le combo de Portland a effectué il y a quelques années le meilleur virage musical possible, passant d’un Deathcore exécrable à un Death Metal typiquement fin 90’s ni trop brutal ni trop technique. Et cela semble avoir porté ses fruits au vu du relatif succès qu’a connu leur premier EP fin 2017. Un bijou de Hate Eternal-worship qui semble se confirmer avec leur premier full-length paru ce mois-ci. En définitive, le groupe de première partie parfait pour un tel plateau ! La première et principale surprise de ce soir va, pour moi, être le public. Je m’aperçois que je ne suis pas le seul à attendre impatiemment la prestation du quatuor. Plusieurs personnes aux t-shirts Vitriol font leur apparition dans le public et la foule se densifie petit à petit. Malheureusement, je constate très vite la seconde – et mauvaise – surprise du concert : les balances. Le pedalboard du frontman souffre en effet d’un problème qui va rallonger le soundcheck de plus d’un quart d’heure. Et la prestation du groupe se verra donc amputée de trois morceaux… 

La qualité sonore est plus ou moins au rendez-vous, malgré des vocaux un peu en retrait du coté de Kyle. Mais ses soli sont, eux, très bien rendus. Le bougre pousse même le Hate Eternal-worship jusque dans l’attitude, imitant les postures et les hurlements bestiaux d’Erik Rutan à la perfection. Ce dernier semble d’ailleurs grandement apprécier la prestation, assistant au show sur le côté de la scène avec son t-shirt Vitriol, et jouant même certains de leurs riffs en parallèle pour s’échauffer. Les autres musiciens ne sont pas en reste, notamment le second chanteur / bassiste qui complète à merveille les vocaux de Kyle tout en nous gratifiant de quelques slaps remarquables. Les passages en double voix sont vraiment énormes ! Je suis un peu déçu que le batteur joue au clic, mais son jeu reste plaisant à voir. Même si, pour ma part, c’est Crowned in Retaliation qui me marque le plus lors de ce live, un pit assez énervé s’ouvre sur Legacy of Contempt en milieu de set. Je jette à ce moment un coup d’œil derrière moi et note que la salle est quasiment pleine ! Quelle agréable surprise de voir autant de monde apprécier le set des jeunes américains. Et c’est lors de la tuerie Pain will define their Death que je constate qu’il y a effectivement pas mal de fans présents ce soir. Outre le headbang constant dans les premiers rangs, le titre est repris le poing levé par plusieurs personnes à mes côtés. Un régal ! Et c’est finalement sur Partying of a Neck que se retire le combo de l’Oregon. L’émotion des musiciens est palpable à la vue de la véritable ovation qu’ils reçoivent. Les nombreux applaudissements sont complétés par des « Vitriol ! Vitriol ! » que le public londonien ne cesse de scander. Je ne pense pas avoir connu pareil public pour un groupe d’ouverture de concert. Incroyable !

Hate Eternal

Sleap : Je vais tenter de ne pas tomber une fois de plus dans le fanboyisme primaire, mais ce n’est pas chose aisée… Hate Eternal est, comme vous le savez, l’un des groupes qui ont le plus compté dans mon parcours musical, et ce n’est que la seconde fois que j’ai l’occasion de le voir en live. Je suis donc excité comme au premier jour lorsque la bande à Erik Rutan investit les planches pour quelques courtes balances.

Contrairement au groupe précédent, ici aucun problème de dernière minute. Le temps de quelques checks et c’est parti pour une heure d’ouragan Death Metal d’un indice de 12 sur l’échelle de Fujita ! Pour mon plus grand plaisir, le concert commence en trombe sur Bringer of Storms qui me met déjà dans un état second. Il s’agit du titre qui m’a fait découvrir le groupe dans un sampler Rock Hard il y a maintenant plus de dix ans (coup de vieux vous avez dit ?), et l’entendre enfin en live me rend complètement fou. Un pogo éclate instantanément derrière moi et ne va pas baisser en intensité de tout le show. Mis à part le son assez cradingue, toutes les conditions idéales sont réunies. Je regrette tout de même une chose : c’est encore une fois la batterie de première partie qui est utilisée. Fort dommage, surtout que la personne qui occupe la place derrière les fûts ce soir n’est autre que John Longstreth ! J’aurais tant aimé voir le batteur d’Origin et AngelCorpse à l’œuvre sur le monstrueux kit de George Kollias trônant majestueusement à l’arrière de la scène. Mais force est de constater qu'il se débrouille tout aussi bien sur cette seconde batterie - qu’il a évidemment ornée de son énorme set de cymbales Meinl custom dark (non, il n’y a aucun placement de produit dans ce report). Bien qu’il reste très scolaire dans l’interprétation des titres d’Hate Eternal, son jeu reste hyper impressionnant, surtout lorsqu’on voit que le bougre joue en chaussures de randonnée !

Je ne développerai pas autant sur Rutan, véritable bête (sauvage) de scène. Des vocaux identiques au studio, une attitude impeccable, et paradoxalement ce côté très sympathique lors des annonces de morceaux. Bon, il « mange » certains mots ou fins de phrases lors des couplets, guitare lead oblige, mais cela reste anecdotique. Bien que ni Tombeau ni Fire of Resurrection ne soient joués pour cette tournée (pour la première fois en 10 ans !), le frontman reste assez ému quant au sujet de ces deux titres : la mort de son ami Jared Anderson il y a maintenant 13 ans. Ainsi, Rutan a une petite pensée pour lui lors de l’annonce de Powers that Be dont le clip fut justement tourné ici à Londres. Et le public lui rend la pareille avec tout autant d’intensité. En plus du pit qui ne désemplit pas, je constate que d’autres fans chantent également certaines paroles à mes côtés dans les premiers rangs. La foule scande d’ailleurs « Rutan ! Rutan ! » entre les morceaux. Quel public, mais quel public !

Je maintiens tout de même qu’une seconde guitare live ne serait pas de refus tant le Death Metal d’Hate Eternal est fouillé et dense. Le nouveau bassiste est également moins impressionnant que son prédécesseur. Un jeu de scène quasi-inexistant et des back vocals malheureusement trop en retrait dans le mix. La setlist est également assez classique, avec entre autres les mêmes (haine) éternels titres de King of all Kings et d’I, Monarch. Les trois nouveaux morceaux d’Upon Desolate Sands passent hyper bien, mention spéciale à All Hope Destroyed et son splendide solo final. J’aurais préféré plus de diversité pour les seuls titres de Conquering the Throne et d’Infernus joués (respectivement Catacombs et Stygian Deep), mais ces deux brûlots restent tout de même surpuissants en concert ! J’arrête de chipoter, c’est encore une fois un set incroyable de la part de mon groupe préféré parmi mes groupes préférés. Le tout renforcé par une salle sold out et un public qui connait les morceaux. Je le redis, c’est certainement le meilleur parterre de fans dont j’aie pu faire partie. Aucun slam ou stage dive, uniquement du headbang dans les premiers rangs, un pit ultra vener’ et même un wall of death sur I, Monarch (et au bon moment ! pas dès l’intro comme des débiles). Bref, les conditions parfaites. Londres, je t’aime. Hate Eternal, je t’adore. Le power trio quitte les planches sous d’intenses applaudissements alors que résonne en fond sonore un sample de Fire of Resurrection, éternel hommage final au défunt Jared. Une émotion visiblement aussi intense chez les musiciens que chez les fans ce soir. Total love !

Nile

Sleap : À ceux qui pensaient que j’allais maintenant arrêter le léchage de pompes, vous n’êtes malheureusement pas au bout de vos peines. Nile occupe en effet une place tout aussi importante dans mon cœur, et le show de ce soir va s’avérer être l’un des plus intenses que j’aie pu voir du groupe. Bien moins rare qu’Hate Eternal en Europe, la bande à Karl Sanders nous propose cette année une tournée pré-nouvel album. Celui-ci est prévu pour novembre et nous allons avoir droit à plusieurs titres en exclusivité. Mais c’est, une fois n’est pas coutume, sur Sacrifice unto Sebek que débute le set. George et son sempiternel t-shirt Serial Drummer, Karl en t-shirt à l’effigie de son club de Kung Fu, et le nouveau bassiste / vocaliste arborant un splendide t-shirt Lecherous Nocturne, ancien projet de son prédécesseur au sein de Nile Dallas Toler-Wade. Je regrette toujours son départ du groupe, mais le set de ce soir parviendra aisément à me faire oublier cet événement.

Tout d’abord, revenons à ce qui fait toute la saveur de cette date au Dome : le public. Je ne le dirai jamais assez, mais assister à un « petit » concert sold out de ses groupes préférés dans une salle remplie de fans, ça n’a vraiment pas de prix ! Une chose de plus en plus rare pour les concerts d’extrême de cette envergure. Je ne vois presque que des gens en t-shirt Nile derrière moi. Et c’est un plaisir de se retourner lors des chorus de Blessed Dead ou Kafir et de voir toute la salle scander poing levé les énormes « There is no God » ! Même certains riffs comme ceux de Sarcophagus sont repris en vocaux par les fans. Qui a dit qu’une telle ferveur était réservée aux fans de Heavy Metal ? Le pit est évidemment toujours actif lors des nombreux passages brutaux et, ô joie, toujours aucun slam ou stage dive gênant. Il faut dire que Karl Sanders doit sûrement être le musicien le plus nazi en ce qui concerne les fans sur scène. Dès le début de set, il fait signe à la sécu d’éloigner un type du premier rang qui approche son verre de bière trop près du pedalboard. Il n’a décidément pas changé !

Outre les trois nouveaux titres joués, la setlist reste assez classique mais, comme d’habitude, ultra efficace. Mention spéciale à la seconde partie de 4th Arra of Dagon reprise par toute la salle, certainement l’un des finaux les plus fédérateurs de Nile. Concernant les nouveaux morceaux, c’est surtout Snake Pit mating Frenzy qui fait un véritable strike. Ce titre est complètement taillé pour le live, tout comme Call to Destruction et In the Name of Amun, tirés de l’album précédent. Le seul véritable point négatif de ce soir est que George Kollias n’est quasiment pas éclairé de tout le set. Même collé à la scène aux pieds des musiciens je ne distingue que très difficilement son jeu de batterie. Histoire de pinailler, je trouve également le show trop court, mais ce doit être le die hard fan en moi qui n’est jamais satisfait. Le son est autrement excellent (y compris pour les samples !) et l’osmose entre les musiciens se fait beaucoup mieux ressentir qu’auparavant. Les deux nouveaux compères de Karl et George se sont vraiment approprié les compos et semblent plus à l’aise face au public. Il y a beaucoup moins de triple chant, mais l’alternance entre les trois vocalistes se fait bien plus fluide et rapide. Le bassiste tente d’ailleurs d’imiter du mieux qu’il peut les vocaux de Dallas. Un bon point !

Les musiciens maintiennent toujours une certaine proximité avec la foule, blaguant sur George ou faisant deviner aux fans le nom du titre suivant… On notera avant The Howling of the Jinn une petite pique du bassiste envers les élitistes clichés « je croise les bras », « je préférais la démo ». Heureusement, aucune trace de ce genre de spécimens ce soir. Il n’y a littéralement QUE des fans. Je suis compressé au premier rang, je sue comme un bœuf, bref, j’ai l’impression d’avoir à nouveau 15 ans ! Moi qui commençais à me transformer en type cliché de fond de salle évoqué plus haut, je suis très heureux de pouvoir revivre une date aussi intense. Cela ravive tout un tas de souvenirs de mes premiers concerts d’extrême. Eh oui, les années passent ! D’ailleurs, voici déjà venu le temps de se dire au revoir après un Black Seeds… expédié en quatrième vitesse. Remerciements, ovation, rideau. Et tandis que le merch des groupes est en train d’être dévalisé – ce qui fait bien plaisir à voir –, je bave devant le mediator que Karl vient de me donner en fin de concert. Bien que j’aie déjà vu les deux têtes d’affiche, je ne regrette pas le moins du monde cet aller-retour londonien. Peut-être pas ma date de l’année mais certainement celle qui m’aura fait ressentir le plus d’émotions, de souvenirs et d’innocence enfantine (toute proportion gardée…) !