Chronique Retour

Album

09 octobre 2019 - Raton

Zeal & Ardor

Stranger Fruit

LabelRadicalis
styleMetal avant-gardiste / Spirituals / Black metal
formatAlbum
paysSuisse / USA
sortiejuin 2018
La note de
Raton
6/10


Raton

Amateur de post-musique, de larsens et de gelée de groseilles.

Zeal and Ardor est probablement le projet hybride le plus excitant de ces dernières années. On n’est plus surpris par les mélanges black/crust, black/post-rock ou même black/musique liturgique orthodoxe ; mais incorporer des spirituals dans la musique noire, c’était encore du jamais vu.

Et quel merveilleux coup d’essai ! « Devil Is Fine » distribuait claque sur claque avec probablement un manque de maturité mais avec une sincérité indépassable.

Autant dire que dans le cas de Manuel Gagneux, âme damnée du projet, l’enjeu était encore plus grand que pour un second album lambda. Transformer l’essai après une proposition aussi tonitruante, en évitant le pastiche mais sans décevoir la fanbase déjà accumulée, peut relever du casse-tête.

Autant vendre la mèche maintenant : pour moi « Stranger Fruit » n’atteint pas à un seul moment la force et la prouesse du premier opus.

Alors bien sûr, la production est infiniment meilleure sur cet album, les ambiances sont plus léchées et on a enfin plus de six titres à se mettre sous la dent, mais pourtant après de multiples écoutés, je ne parviens toujours pas à être convaincu.

Mais qu’est-ce qu’il peut lui reprocher à cet album l’affreux Raton ?

Justement, « Stranger Fruit » a les défauts qui vont avec ses qualités. La production en s’améliorant considérablement perd tout de suite ce qui faisait le charme de « Devil Is Fine » : l’amateurisme brûlant et l’énergie juvénile incontrôlable. L’album est trop propre alors même que les deux genres mélangés sont issus de la glaise et de la terre : le black metal est inévitablement tellurique et les spirituals forment un genre marqué par le sang et la sueur. Par excès d’ambition, « Stranger Fruit » ne parvient pas à retranscrire musicalement cette souffrance et cette urgence ; trop réfléchi, froid et méthodique, il passe souvent à côté de l’essence même des deux styles.

Certains diront sans doute que c’est une bonne chose et qu’ainsi Manuel Gagneux propose quelque chose de nouveau, qu’il fait du neuf avec l’ancien et qu’il s’affranchit des normes sclérosées des deux genres. Ceux-là auront probablement raison, mais ce n’est pas ce que je recherche chez Zeal & Ardor.

D’autant plus que le problème ne s’arrête pas là. En plus d’être moins sauvages, les compositions sont surtout moins inspirées. « Waste » est assez pauvre musicalement, les couplets de « Row, Row » m’apparaissent hors de propos, et « The Fool » s’avère aussi peu nécessaire que l’étaient les Sacrilegium du précédent effort. D’autant plus qu’avec une telle durée (près de 50 minutes), le rythme paraît vite inégal.

Même les bonnes chansons (You Ain’t Coming Back, Servants, Gravedigger’s Chant) sont souvent moins incarnées que les singles cultes que l’on connaissait déjà. Certains morceaux franchissent même la ligne rouge et deviennent profondément irritants, à l’image de l’insupportable enchaînement « Solve » / « Coagula ».

Le morceau « Don’t You Dare » résume bien les lacunes de l’album. Ne parvenant pas à proposer de passages véritablement efficaces, le titre se répète et revient inlassablement sur un couplet poussif. Même le passage black qui constitue généralement le climax des pistes du groupe est manqué.

Heureusement, il reste des morceaux tout à fait réussis comme le dévastateur « We Can’t Be Found », l’halluciné « Stranger Fruit » ou le mélancolique « Built on Ashes ». On regrettera cependant l’absence de « Baphomet », le monstrueux titre sorti via les Adult Swim 52 Singles (dont je vous conseille ardemment la version « Live in London ») et qui, pour une raison qui m’échappe, n'est pas présent sur l'album.

Mais nul doute que l’infatigable et impressionnant Manuel Gagneux saura remobiliser tout son talent pour un troisième album. Toujours avec zèle et ardeur.

 

Tracklist :

1. Intro (2:13)
2. Gravedigger's Chant (3:11)
3. Servants (3:30)
4. Don't You Dare (3:28)
5. Fire of Motion (2:27)
6. The Hermit (2:42)
7. Row Row (3:06)
8. Ship on Fire (3:33)
9. Waste (3:19)
10. You Ain't Coming Back (3:18)
11. The Fool (2:24)
12. We Can't Be Found (3:31)
13. Stranger Fruit (3:28)
14. Solve (1:22)
15. Coagula (1:38)
16. Built on Ashes (4:35)