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10 trésors cachés... du Black Metal espagnol

mercredi 16 octobre 2019
Team Horns Up

Compte groupé de la Team Horns Up, pour les écrits en commun.

Nostalmaniac: Pour ce nouveau et troisième chapitre des trésors cachés du Black Metal, j’avais envie de me plonger dans une scène moins évidente que la Pologne ou la Finlande et je vous propose ainsi de découvrir des entités méconnues et autre émanations noirâtres exhalées de la Géhenne ibérique.

Et tout particulièrement l’Espagne touchée par la peste noire norvégienne dès 1993 avec des formations catalanes comme GorthaurGothicianZhatsaraethBlazemth et Dying Christ mais aussi madrilènes dont Xharathorn mais surtout Primigenium, one-man-band de Smaug fondé en 1992, mais qui sortira une première démo officielle deux ans plus tard (As Eternal as the Night) laissant une empreinte réelle sur la scène Black Metal espagnole. Un projet toujours en activité à l’heure où j’écris ces lignes. Ce n'est pas le cas des autres...

La première démo de Primigenium que je recommande est lourdement influencée par l'avènement du Black Metal norvégien mais donne un point de départ inévitable, aussi bien musical que thématique avec des pseudos et des noms de groupe qui font énormément référence à l'oeuvre ultime de J. R. R. Tolkien : le Seigneur des Anneaux. Pas mal de formations suivront et certaines forgeront à travers les années un autre son. Plus Doom, plus Gothic Metal, etc. D'autres resteront inflexibles comme Akerbeltz.

Tout comme d’autres scènes à la même époque, elle va progressivement se démarquer grâce à des formations se plongeant un peu plus dans leurs racines historiques et leur culture, mais il est difficile de parler d’un son espagnol propre, plutôt d’un sentiment à travers une pochette ou quelques mélodies, même si bien sûr en 2000 surgiront des formations plus folkloriques comme les Basques de Numen ou Cyhiriaeth de Madrid.

Mais bref, mon intention n'est pas de faire un historique complet de la scène Black espagnole, mais de planter le décor. S. et moi, nous ne sommes associés pour vous présenter dix joyaux noirs oubliés - tout en rappelant que cela reste forcément subjectif. Notre but n’est pas de dresser une liste de démos inécoutables limitées à 6 copies ou d'établir un top, mais de sélectionner et partager ce que nous aimons et que nous estimons trop méconnus. Inutile donc de nous dire qu'il manque tel ou tel groupe, mais n'hésitez pas à commenter pour nous partager VOS coups de coeur.


Nostalmaniac
 

1. URUK-HAI In the Side of Eternal Eclipse | Battlefield Records (CD) / Obscure Abhorrence Productions (Vinyle)

Autant commencer par ce que j'estime être le joyau ultime du BM espagnol : In the Side of Eternal Eclipse du trio madrilène Uruk-Hai. Malgré son nom, pas de pompage symphonique ici mais un Black Metal raw et cru ponctué de passages acoustiques qui apportent une dimension très médiévale associé à cette pochette qui donne un angle magnifiquement lugubre de L'Alcazar de Ségovie, un château fortifié au nord-ouest de Madrid. Un court chef d’oeuvre (13 minutes !) mais qui me fait toujours le même effet tant il émane quelque chose d'authentique et intemporel. Par contre, il est très difficile de se le procurer (Battlefield Records l'a édité à 500 copies en 2001) et le label allemand Obscure Abhorrence Productions l'a réédité en vinyle en 2004 (333 copies seulement) en incluant deux morceaux de la démo A Night of Unholy Black Metal War de 1999. Cependant, et je le remarque à la relecture de cet article. Le hasard fait bien les choses, car le label The Oath en coopération avec White Wolf Productions a sorti le 14 octobre une compilation regroupant la discographie du combo sous le nom « Iberia Nocturna ». A se procurer donc !
 

 

Un mot aussi sur le livret photocopié qui nous ramène aux meilleures heures du Dani Filth-bashing et d'un Black Metal pas encore totalement démystifié par Internet...
 

 

2. NAZGUL  When the Wolves Return to the Forest Battlefield Records & Christhunt Productions (réédition)

Nazgul est le premier projet de Defernos et Thorgul d'Uruk-Hai qui développent une vision plus païenne et héroïque du Black Metal, assez proche dans l'esthétique sonore de Graveland période 1995-97 avec notamment Thousand Swords. On retrouve en effet ce mid-tempo avec ces cavalcades rythmiques, ces accélérations guerroyeuses mais aussi des passages bien placés à la guitare acoustique, un peu de narration comme sur "Born and Die under the Steel" et même des voix féminines (sans jamais en abuser) qui rendent leur Black Metal épique haletant. De par sa production et son exécution parfois maladroite, When the Wolves Return to the Forest me fait ressentir une vraie atmosphère de temps anciens et le sentiment de marcher sur les traces d'une meute de loups. A noter que les deux versions de l'album ont pour bonus les morceaux de la démo From the Throne of Winter de 1997, plus chaotique et brouillonne dans la réalisation. 
 


3. SHROUD  Chamber of Suicide BlackSeed Productions

En introduction je vous parlais de Smaug, l'un des pionniers du Black Metal espagnol avec Primigenium. En 2003, il collabore avec Asath Lug Beelzeb de Beelzeb dans un nouveau projet nommé Shroud et son unique album qui sera la première sortie du label madrilène BlackSeed Productions, toujours en activité. Un projet minimaliste qui ne brille pas par sa technicité quasi inexistante et pourtant, à la manière d'un Judas Iscariot, je suis pris par ces mélodies dépressives et ces tremolo lancinants mais surtout ce son sans aucune artificialité qui arrive pourtant à mettre mal à l'aise. Chamber of Suicide est un album plus profond qu'il n'y paraît, dépressif, résigné mais habité et jamais monotone.
 

 


4. BEELZEB Misanthrope's Aurora BlackSeed Productions

Je me dois de parler de Beelzeb qui fait partie de mes premiers souvenirs de Black Metal ibérique, même si je ne sais plus vraiment comment j'étais tombé dessus mais je m'émerveillais de tomber sur ce genre de pochette. Évidemment, elle peut faire sourire cette pochette d'un mec bizarrement grimé qui tient un pic avec un crâne, mais à l'époque je trouvais ça simplement fascinant. Sorti un an après le Chamber Of Suicide de ShroudBeelzeb offre avec Misanthrope's Aurora quelque chose de plus maîtrisé au niveau des instruments et nordique dans les influences (je pense aux débuts de Manes ou Ulver pour les riffs inhabituels), se permettant même des nappes de synthé sur le morceau titre ou une cornemuse sur Black Bottomless Lakel. Mais ce qu'il faut retenir, c'est l'ensemble de l'album qui est aussi étrange qu'attachant. 
 


 



5. ABORIORTH Far Away from Hateful Mankind Plague | Antichristian Front Records

J'ai beaucoup parlé de projets catalans ou madrilènes mais la Galice n'est pas en reste avec Aboriorth, one man band originaire de Pontevedra fondé en 2006 dont je retiendrai particulièrement le premier album de 2007, Far Away from Hateful Mankind Plague. Évoluant dans le registre d’un Black Metal à l'ancienne, le riffing abrasif vient impeccablement nourrir une ambiance de désolation, parfois plus chaotique et intense avec ce jeu de batterie très riche. C'est aussi un album de contrastes où la désolation côtoie la violence la plus crue comme le prouve "Aboriortholocaust" façon char d'assaut sur le front de l'attaque. Un manifeste du Black tradi, sans fioriture ni compromis aucun. Quand on sait que c'est l'oeuvre d'un seul homme, c'est encore plus impressionnant.
 



6. GZEKHRATÜS Nox Occulta | Thor's Hammer Productions

Paru en 2010 sur le label français Thor's Hammer ProductionsNox Occulta est un magma noir éjecté de nulle part qui annihile tous les sens, à commencer par cette production ultra saturée, âpre, mais aussi ces différents vocaux.  Le format est court (deux morceaux pour quatorze minutes) mais la disharmonie qui règne et les quelques mélodies poignantes qui s'en échappent font de ce seven inch une véritable pépite malheureusement difficilement trouvable physiquement (199 copies). On ne pourra donc pas vous en vouloir de télécharger ça au plus vite et malmener vos enceintes audio. Et je signale que le géniteur de Gzekhratüs a rejoint en 2013 13th Moon que je recommande fortement aussi.
 

 

S.

 

7. GRIM FUNERAL A Grim Funeral to the Soul of This World | Total Holocaust Records

Projet parallèle du vocaliste d’ArgarGrim Funeral est l’entité gérée par son unique membre Ur Profanum. Sa discographie est assez maigre : 2 splits et 2 albums. L’individu a su tirer son épingle du jeu en signant chez Avantgarde pour son dernier opus en date (Abdication Under Funeral Dirge), sorti il y a déjà 6 ans. Il m’avait plutôt déçu en comparaison de son prédécesseur A Grim Funeral to the Soul of This World, produit cinq ans auparavant chez Total Holocaust Records. C’est de celui-là dont il est question ici.
Bon, c’est plutôt simple : cet album fait partie de ceux que je considère parmi les plus froids de la scène Black Metal. La production et la voix en sont les grands artisans. La sonorité des guitares est très distante et lo-fi, tandis que la prestation vocale d’Ur Profanum est telle le lycanthrope un soir de pleine lune. D’un bout à l’autre, l’atmosphère est aussi glaciale que sombre.
 

 

8. ARGAR - Cwn Annwn | Millenium Metal Music

On reste dans le même giron, avec ce groupe évoqué dans le paragraphe précédent. Argar fut parmi les premières formations de la scène espagnole, puisque créée en 1996. Splitté depuis un long moment déjà, ce projet n’a laissé qu’une démo et deux albums. Argar s’inscrit dans la veine des nombreux groupes s’essayant au Black sympho à la fin des années 90’ / début 2000, même si les claviers jouent un rôle bien secondaire chez ces Espagnols, dans la mesure où ils sont utilisés avec parcimonie. Leurs deux albums sont excellents, mais ma préférence va vers leur premier, Cwn Annwn. Pendant près d’une heure, les Ibères plongent l’auditeur dans une ambiance nocturne et froide, sublimée par ce côté lycanthropique des vocaux. Voilà plus de quinze ans que j’écoute régulièrement cet opus et j’ai toujours ce petit frémissement, doublé de nostalgie, à chaque lecture, preuve que l’objet a bien vieilli.
 

 

9. ELFFOR Frostbitten Pain | Independant

Longtemps considéré comme un clone de Summoning, du fait des thématiques et du style proches des maîtres autrichiens, le one-man-band espagnol a tracé sa voie avec une discographie riche de quinze albums. L’univers d’Elffor est très médiéval, tant dans les compositions que dans le visuel. En effet, on remarquera que l’individu derrière ce projet, Eöl, met sa propre image en scène pour ses pochettes d’album, sous la forme de peintures ou dessins, dans des scènes épiques. Une façon de plus pour affirmer la personnalité propre de son entité musicale. Le sieur produit également de temps à autre des opus entièrement ambiant/dungeon synth. Mais c’est évidemment les sorties Black Metal qui m’intéressent. Le choix d’un album en particulier est plutôt difficile, mais ma préférence va vers Frostbitten Pain, paru en 2010. Pendant environ trois quarts d’heure, Elffor immerge l’auditeur dans un univers médiéval, où les claviers ont la part belle, pour développer cette sensation de parcourir les mystérieuses forêts peuplées de trolls et autres créatures étranges. Elffor se permet même quelques arrangements au synthé totalement épiques et chevaleresques, comme sur “A cold funereal breeze” ou l’excellentissime “Ancestral spirit”. Une référence pour les amateurs du genre.
 

 

10. PACT OF SOLITUDE Pain and passion | Kyrck Productions & Armour

Un petit tour et puis s’en va. Telle pourrait se résumer l’oeuvre Pact of Solitude, qui n’a sorti qu’un court EP de deux titres en 2006. Ce projet est l’oeuvre de Smaug, membre de Primigenium, l’un des plus vieux groupes de BM espagnol. Ici, l’individu s’essaie au registre du Black/Doom, influencé par Katatonia. Comme le veut le style, l’ambiance est assez lourde, avec une touche de nostalgie, permise par la production particulière. Sur les deux morceaux proposés, “Deception” me paraît le plus intéressant avec son refrain catchy et bien inspiré. Sans être mémorable, cet EP présente malgré tout un intérêt.
 

 

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