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mardi 9 juillet 2019

Hellfest 2019 - Jour 3

Open Air - Clisson

Team Horns Up

Compte groupé de la Team Horns Up, pour les écrits en commun.

Jour 3

Sleap : Rares sont les festivals aussi éprouvants que le Hellfest. Tout n’est que quantité : concerts par jour, copains par mètre carré, grammes d’alcool par litre de sang, et j’en passe… Il n’y a pas à dire, on en a pour notre argent. Ainsi, le troisième et dernier jour est souvent l’occasion pour certains de se reposer, de reprendre un peu de forces avant le grand départ du lendemain. Mais pour beaucoup d’autres, impossible de s’arrêter en si bon chemin. Et vos deux reporters ne dérogeront pas à cette règle en cette ultime journée de fest. L’opulence reste de mise en termes d’alcool, de copains et bien sûr de concerts. Mais c’est évidemment ce dernier point qui nous intéresse dans cet article. Sans plus attendre, entrons donc dans le vif du sujet !

Jour 1 et jour 2 disponibles.

Brutus
Warzone
12h15 - 12h45

Di Sab : Je t’aime, merci beaucoup ! Alors qu’habituellement, on se réveillait le dimanche par Tony Foresta qui nous incitait à faire des singeries, la douceur de Brutus a quelque chose de salutaire sous ces températures qui décident à se radicaliser. C’est porté par ce « Hardcore » radiant qu’une warzone bien remplie se réveille et s’apprête à livrer ses dernières forces pour ce dernier tiers de festival. Nest, paru plus tôt dans l’année s’était encore plus focalisé sur les ambiances et dès War, ce concert fait office de décharge émotionnelle. Ton petit cœur se retrouve enveloppé par les vocaux de Stefanie Mannaerts et se retrouve réparé des sévices des deux derniers jours. Alors que Burst portait déjà en lui un beau travail sur les ambiances, Nest a confirmé cette force chez le trio belge. Celles-ci sont très bien retranscrites et en 40 minutes, les belges nous livrent un show positif et énergique bien que très éloigné des clichés du genre. Impeccable. 

Messa
Valley
12h50 - 13h30

Di Sab : Que manque-t-il à Messa pour être un excellent groupe de scène ? Alors qu’il y a vraiment quelque chose de très sombre dans le Doom velouté des italiens, se prendre Leah en pleine face à midi n’a, objectivement, rien d’enthousiasmant. Et là où sur CD on ressent vraiment une tension entre la massivité de la section rythmique et la finesse de la voix de Sara, j’ai trouvé l’exécution assez aseptisée de morceaux que j’adore pourtant. Est-ce une timidité compréhensible au vu de la taille de la Valley ? Est-ce que la musique subtile de Messa ne se prête pas à la spontanéité du live ? Ce n’est pas aujourd’hui que je trouverais la réponse et c’est dommage. A revoir dans une petite salle.

Devourment
Altar
14h20 - 15h00

Sleap : Après un réveil étonnamment aisé, je me dirige lentement mais sûrement vers l’Altar, où je vais passer le plus clair de mon dimanche. Même si je n’en écoute plus autant aujourd’hui, Devourment reste sûrement le groupe le plus représentatif de ma période lycée. Il a donc une place toute particulière dans mon cœur, et semble aujourd’hui être le seul groupe encore apprécié de cette scène Slam Death morte et enterrée. La fosse reste cependant très clairsemée en ce début de journée. Murge de la veille, horaire de passage ou même popularité du groupe… Autant de facteurs plausibles expliquant le peu d’affluence pour le show des Texans. Mais qu’à cela ne tienne !

Pas de backdrop, pas d’annonce, juste la fameuse interview de Joseph Kallinger qui ouvre le premier album, et c’est parti pour 40 minutes de lourdeur (cette fois-ci dans le bon sens du terme) ! Bien qu’il y ait un monde entre la qualité sonore du 013 et celle de l’Altar, on retrouve plus ou moins le son typique des premières sorties de Devourment. Depuis le retour « à la normale » dans le line up, le groupe a enfin pu recréer cette atmosphère si unique. De la batterie aux riffs en palm mute, tout a retrouvé ce grain qu’aucun autre groupe de Slam Death n’est arrivé à reproduire jusqu’ici. Même les nouveaux morceaux joués aujourd’hui conservent cette sonorité épaisse et brute.

La poignée de fans présente n’est manifestement pas encore bien réveillé au vu du peu de mouvement dans la fosse. Je ne suis moi-même pas aussi en forme que lors de leurs précédents passages à Tilburg. Mais l’avalanche de slam parts toutes plus écrasantes les unes que les autres à l’air d’en ravir plus d’un. Et le fameux titre d’ouverture d’1.3.8. joué en final parvient tout de même à former un modeste circle pit. Certainement pas le meilleur show des Texans à ce jour, mais cela aura au moins le mérite de me mettre en jambes pour cette longue dernière journée !

Yob
Valley
14h20 - 15h00

Di Sab : Les titres de Yob se divisent basiquement en 4 catégories : les aériens, les catchy, les écrasants et les émouvants. Et alors que Devourment était en train de faire trembler le sol de la Altar, Yob a décidé de rentrer en concurrence avec leurs compatriotes. Bénéficiant d’un son de type presseuse hydraulique, le groupe a, de manière cohérente, orienté sa setlist sur ses titres heavy, le tout sous le regard attentif de Danny Carrey. Alors que la Valley est surblindée c’est par la terrible Quantum Mystik (un de mes titres préférés) que Mike Scheidt nous casse en deux. Alors qu’il y a de manière générale dans Yob un dialogue entre l’intime et le transcendant, en cette après-midi, Yob a enterré tout le monde. Grêle de growl, riffs majestueux (cette intro de Atma), batterie façon tambours de guerre au sein même de ta cage thoracique. Mike étant de profil, une partie de la Valley est dos à lui et cette disposition ne marche pas forcément sur une grosse scène, d’autant plus qu’il bouge moins qu’Hano de Mantar qui joue dans la même position. Néanmoins, malgré son charisme indéniable, Yob n’a pas tellement besoin de démonstration visuelle pour immerger son public dans son univers passionnant. On déplorera juste, et c’est la seule fois de cette édition que je m’en plaindrais, un public pas forcément adéquat. C’est pas parce que c’est brutal qu’il faut slammer Jean Municipal Waste. Un grand concert malgré tout, on en attendait pas moins. Yob is love.

Clutch
Main Stage 1
16h00 - 16h50

Di Sab : La Valley commençait vraiment à être trop grande pour Clutch, et c’est donc dans un créneau moins flatteur mais devant une foule hyper compacte que Neil Falon débute son sermon. Aucun autre groupe ne me donne une telle impression d’aisance et de décontraction que Clutch. Les mecs sont habillés comme un dimanche pour aller acheter du pain et en une descente de toms et 3 notes, ils font se déhancher des milliers de personnes qui ne connaissent qu’un seul titre d’eux. N’ayant pas tellement poncé le dernier Book of Bad decision je (re)découvre aujourd’hui certains titres et même s’ils me semblent sentir un peu moins le souffre que le vieux Clutch, force est de reconnaître que le groupe reste un orfèvre du groove.

Malgré une setlist assez discutable, très orientée sur le dernier album avec un grand nombre d’absents de taille (The Regulator, Burning Beard, Earth Rocker, Spacegrass !!!!) et une scène qui apparaît trop grande pour le groupe, car peu occupée, Clutch ne faillit pas à sa réputation de bêtes de scène et laisse derrière eux nombre de sourires et une belle dose de poussière. Une mention spéciale à la meilleure reprise de Cactus jamais entendue.

Vomitory
Altar
16h00 - 16h40

Sleap : Tout comme Dismember, Vomitory fait partie de ces groupes dont on devinait instantanément la reformation alors même qu’ils annonçaient leur « séparation » il y a quelques années. Ainsi, après avoir assisté à leur « dernier show allemand » au Party San 2013, me voilà devant leur « premier show français de reformation » lors de ce Hellfest 2019. La scène Metal ne changera vraiment jamais.

Attention, je ne méprise en rien le retour des Suédois, d’autant que j’aime beaucoup le groupe en studio. Mais le show du jour ne me laissera clairement pas la même impression que leur précédent. Malgré des vocaux toujours au top et une bonne sélection de titres de toutes les époques, cela reste assez pauvre. Les rares mélodies de la période Redemption ne sont pas perceptibles, la majorité du public n’est toujours pas en forme, et un problème de gratte pendant Regorge in the Morgue flingue une bonne partie du set. J’apprécie tout de même l’enchainement Terrorize… / Chaos Fury mais ça s’arrête là. Le public se réveille enfin pour un wall of death sur le final Raped in their own Blood mais cela ne changera pas grand-chose. Dommage…

Acid King
Valley
17h40 - 18h30

Di Sab : Aïe aïe aïe… arrivé en fin de set car les ayant vu il y a peu de temps, je me suis fait littéralement ouvrir en deux par la doublette finale Electric Machine et le surpuissant Blaze Out. Là où au Up in Smoke, le son était très rond, voire un peu écrasé, il peut se déployer dans toute son ampleur et son tranchant sous le haut toit de la Valley. L’impression qu’Acid King a troqué ses cordes de guitares et de basses pour des jeux de câbles et qu’aucun ampli n’est assez résistant pour dégueuler une distorsion aussi grasse. Scéniquement, le groupe utilise l’écran pour passer des images d’une rare originalité : des motards et des bombes atomiques se déploient sous nos yeux subjugués devant une telle audace. Il n’est néanmoins pas de bon ton d’être mesquin au vu de la puissance du trio. Je me mords les doigts de ne pas avoir pu voir l’intégralité du concert. Maudite Suze ! 

Immolation
Altar
17h40 - 18h30

Sleap : Depuis la sortie d’Atonement en 2017, Immolation semble se contenter du même modèle de show. J’étais au départ le premier ravi de l’ajout d’Alex Bouks à la seconde guitare, mais les lives de ces dernières années me feraient presque regretter Bill Taylor. En effet, bien que leur compère ex-Incantation côtoie le groupe depuis ses débuts, celui-ci semble uniquement prendre son pied sur les morceaux du dernier album, le seul auquel il ait véritablement participé. Certains morceaux aux intros solennelles comme Destructive Currents fonctionnent toujours très bien, mais la prédominance de cet album sur le reste de la setlist, surtout deux ans après sa sortie, rend le tout bien fade. Immolation a aujourd’hui une dizaine d’albums à son actif – tous excellents, chose assez rare en Death Metal – et je me désole du peu d’intérêt qu’accorde le groupe à ses ancienne sorties (en particulier la période 1999-2002). Cette année marque par exemple les 20 ans de Failure for Gods, et cet album est toujours autant snobé par les musiciens. Et pour couronner le tout, c’est encore un titre du dernier album qui clôt le set. Là où All that awaits Us fonctionnait bien en 2013, When the Jackals Come laisse vraiment un gout d’inachevé à cette setlist…

Je n’en reviens pas moi-même d’écrire autant de choses négatives sur l’un de mes groupes préférés, mais c’est plus un coup de gueule de ma part qu’un mauvais concert, soyons honnêtes. Je reste toujours aussi fan de Bob Vigna et de Ross Dolan. Le premier maintient son statut de guitariste au meilleur jeu de scène du monde, le second conserve également toute sa classe, tant vocalement que scéniquement. En revanche, pour ce qui est de Bouks et de Shalaty, c’est une autre histoire… Le premier est tout simplement inexistant. Pas le moindre déplacement ou hochement de tête de tout le concert. Le second galère toujours autant sur certains breaks et roulements de toms. Plusieurs coups manquants ou à coté, en plus du son en dents-de-scie et des triggers surmixés… Bref, je suis toujours le premier à exulter lors des Father…, What they Bring et surtout Immolation, mais ce set ne me laissera pas le meilleur des souvenirs. Je ne demande pas forcément de tournée anniversaire, ou de célébration particulière d’un album comme le font aujourd’hui beaucoup de vieux groupes, mais simplement plus de diversité dans la setlist.

***

Sleap : Je passe rapidement sur les quelques concerts Main Stage de cette fin d’après-midi. Malgré le retour des émérites Gene Hoglan et Steve DiGiorgio dans le groupe, Testament reste toujours aussi plat en live. Les gars dégagent pourtant une certaine sympathie, et tout le monde bouge bien sur scène comme dans la fosse. Mais musicalement c’est le calme plat. Un son exécrable, un riffing staccato qui atténue toute agressivité, même sur les vieux morceaux, et évidemment une setlist médiocre. Même les trois excellents titres de New Order ne passent vraiment pas. Et je n’évoque même pas le moment de gêne (ou de Gene) lors du chant d’anniversaire pour Chuck Billy… Heureusement, la masse de personnes présentes devant les Main Stages aujourd’hui semble apprécier le show, c’est déjà ça…

En revanche, s’il y a bien un groupe de Thrash qui m’a agréablement surpris, c’est bien Anthrax. Moi qui n’attends plus rien de leur part, en studio comme en live, j’avoue avoir bien fermé ma grande bouche. Quel show ! Surtout de la part d’un combo comprenant encore aujourd’hui la quasi-totalité des membres originels. Les gars savent fédérer un public, que ce soit entre les morceaux ou pendant. Chacun se démène comme un diable sur scène – et même hors de la scène pour ce qui est du vocaliste. Et le public le rend bien. Ça slamme dans tous les sens, le pit ne désemplit pas du début à la fin, et ça va même en s’améliorant. Le pic de violence étant atteint pendant la fameuse « wardance » du tube Indians joué en fin de set. N’ayant pas vu le groupe depuis quasiment 6 ans, je dois dire que je prends une sacrée claque. Anthrax a vraiment la foule dans sa poche, impressionnant !

Lynyrd Skynyrd
Main Stage 1
19h40 - 20h40

Di Sab : Les mots me manquent pour décrire ce concert aussi drôle qu’efficace. Quand on pense à Lynyrd Skynyrd et à leur Sweet Home Alabama, on a forcément l’image de quelque chose de très … américain. Le résultat se situe au-delà de toutes vos espérances. Débarquant sur Working for MCA, Johnny Van Zandt (petit frère de Ronnie, RIP) commence à bénir l’assistance à tout va, vêtu de sa plus belle veste en jean avec 3 patchs : un drapeau américain en backpatch, un « Lynyrd Skynyrd forever » et un second drapeau américain avec marqué en dessous « these colours don’t run ». Sérieusement, c’est plus vrai que nature. Un Christ tatoué sur le bras, des lunettes de soleil et une moustache en guidon, si l’Amérique avait un visage, il aurait celui de monsieur Van Zandt. Le reste est tout aussi bordélique. Tatouage d’Indiens, choristes de 50 piges, pianiste qui joue sur un piano blanc à queue, tant de petits détails tous plus drôles les uns que les autres. Over the top comme une soirée au Buffalo Grill. Il faut également savoir que Lynyrd Skynyrd fait un très bon usage des écrans et que la DA du groupe est un poil meilleure que celle de Tool : pendant The Needle and the Spoon, les effets de l’héroïne étaient symbolisés par une distorsion de l’image en spirale et un filtre violet. On est passé tout près des éléphants roses. Des photos de la daronne sur Simple Man, de cieux bleus pendant Sweet Home Alabama (bien synchronisé avec les paroles du refrain), des drapeaux américains jusqu’à l’overdose, tout était royal.

Et en plus d’être un show hilarant, Lynyrd a peut être le répertoire le plus efficace du festival : une heure de Southern Hits, du dansant Gimme 3 steps au plombé Saturday Night Special, le tout parfaitement exécuté. La meilleure façon de partir, un des meilleurs sets du festival. Les vrais rois du Sud.

Sleap :Je poursuis mon itinéraire avec les légendes Lynyrd Skynyrd. Enfin un peu de musique dans ce festival de sauvages ! Bien que je sois fan des premiers albums, j’avoue ne rien attendre de particulier de la part de la formation actuelle tant je ne sais même pas s’il reste des membres encore vivants. Mais je dois dire que, même si on doit quasiment être face à un cover band, le show est totalement convaincant. Pianiste au top, chœurs au top, et une armée de guitaristes s’échangeant les leads et les soli à merveille. Outre le patch « these colors don’t run » sur la jacket du chanteur, presque tout le monde a la classe sur scène. La setlist est blindée de classiques et le public est pour une fois assez différent de celui des Main Stages habituelles. Je me sens vraiment bien mais prends tout de même le temps d’aller voir ce que donne le supergroupe Vltimas sur l’Altar…

Vltimas
Altar
19h40 - 20h40

Sleap : Non.

Emperor
Temple
20h45 - 21h45

Di Sab : Par où aborder ce concert d’Emperor ? Comment parler d’un groupe qui a changé la vie de la plupart de ses auditeurs, qui a une réputation monstrueuse en live ? Aujourd’hui comme à chaque fois, Emperor est juste, Emperor est froid et Emperor est puissant. Comme à chaque fois, les riffs tortueux installent une climatisation géante sur l’ensemble de la Temple. Tout est parfait mais je ne sais pas, cette fois ci, j’ai le sentiment que tout le monde attendait autre chose. Peut être est-ce la setlist ? Identique à 2017 (moins Curse You All Men) alors que Anthems fête désormais ses… 27 ans ?  Peut être est-ce la fatigue ? Alors que la fin du festival approche, il devient de plus en plus dur de se projeter dans des univers si tranchés (et d’autant plus que pour ma part, je sortais de Lynyrd). Les retours de la Temple sont d’ailleurs relativement timides. C’est la quatrième fois en 5 ans que je vois Emperor, et, pour la première fois, le groupe m’impressionne, mais ne m’émerveille pas.

Sleap : En essayant d’aller assez vite – car c’est déjà la sixième fois que je vois les Norvégiens –, je vais rapidement expliquer pourquoi il s’agit certainement de mon moins bon concert d’Emperor. Tout d’abord le son de la Temple. Je vous le donne en mille : nul. Ensuite l’ambiance : beaucoup moins de fans que lors des fois précédentes. Enfin le cadre et la setlist : quasi-identiques au show de 2017. Je suis tout de même ravi de réentendre les deux premiers chefs-d’œuvre d’Emperor en live, notamment la face B de Nightside Eclipse, mais après les immenses shows de ces dernières années partout en Europe, celui-ci fait tout de même pâle figure.

Cannibal Corpse
Altar
21h50 - 22h50

Sleap :ERIK RUTAN. Voilà. Merci.
Ah, vous voulez que j’étaye un peu ? Eh bien Erik Rutan est certainement la meilleure chose qui pouvait arriver à un Cannibal Corpse sur la pente descendante. Enfin un peu de fraicheur pour les shows malheureusement bien trop routiniers de la bande à Alex Webster. Si je n’avais pas été obnubilé par le guitariste de Hate Eternal, j’aurais pu vous dire que tous les autres membres restent toujours aussi statiques sur scène ; que certains morceaux comme Unleashing the Bloodthirsty sont ralentis car le groupe vieillit ; que George Fisher doit surement avoir appris un texte pour ses annonces de morceaux tant elles restent identiques à celles des cinq dernières années (« try to keep up with me » avant I Cum Blood, « unfortunately this is our last song » avant Stripped…, puis « do you want one more » pour Hammer…). Tout est calibré, identique d’un show à l’autre, bref, routinier. MAIS heureusement Erik est là. Avec un son qu’il connait par cœur – et qu’il a participé à forger en tant que producteur du groupe. Avec son attitude et son jeu de scène à la fois bestial et enjoué. Et surtout avec son jeu de gratte ultra incisif. Je ne suis même pas étonné qu’il soit déjà au poste de lead guitarist. À peine arrivé dans le groupe, Rutan a déjà subtilisé la totalité des soli à son collègue O’Brian pourtant bien plus ancien. Rien à dire, il porte le set à bout de bras. Et, même si je reste un immense fan de Cannibal Corpse devant l’(hate)éternel, Erik Rutan redonne au groupe une puissance que je pensais quasiment perdue. Amen.

Slayer
Main Stage 2
23h00 - 00h30

Sleap : Malgré l’affluence massive sur le site en cette ultime soirée de festival, nous parvenons contre toute attente à nous frayer un chemin depuis l’Altar jusque dans le pit de la Main Stage 2 pour un enchaînement qui s’annonce éprouvant. Dernier show français de Slayer. Au Hellfest. Certainement l’un des endroits européens que le groupe affectionne le plus. Une page se tourne, un chapitre se clôt, que dis-je, un livre tout entier se referme ! Dès le lâcher de rideau sur lequel virevoltent des lights à l’effigie du premier logo, les musiciens apparaissent tout aussi émus que le public. Souriants certes, mais avec une certaine lueur dans les yeux. Ne connaissant que les premiers albums, je passe surtout le début de set à observer la scénographie. Et celle-ci est tout bonnement époustouflante. De part et d’autres sont disposés d’immenses structures de fer à la forme du logo original. Et en plus de faire chacune plus de deux mètres de haut, elles sont intégralement enflammées. La scène est littéralement en feu ! Slayer s’en va vraiment par la grande porte. Et que dire de l’immense backdrop où s’entremêlent l’intégralité des artworks de toute la discographie du groupe ! C’est surement la première et dernière fois que je vois du Moebius/Druillet à l’arrière-plan d’une scène aussi grande.

Mais fini de parler visuel, le groupe enchaîne sans transition sur l’un de mes morceaux favoris de toute la carrière de Slayer, à savoir Evil has no Boundaries. Je n’aurais jamais pensé entendre ce titre dans ma vie, mais me voilà comblé. Pour mon dernier concert du groupe, je n’aurais pu demander mieux. À peine ai-je le temps de réaliser ce qui se passe que je suis déjà au cœur du pit à scander les « blasting our ways through the boundaries of hell… » en amochant mon prochain. Ne vous étonnez pas si la fin de ce report est un peu plus ardue à décrypter… Mes neurones vont en prendre un coup ! Même si ça ne chante pas toutes les paroles, le public est à fond, et ce de l’avant à l’arrière de l’immense fosse. Un peu trop de circle pits à mon goût, pas assez de violence. Mais la masse de fans présents suffit à mettre un beau bordel devant cette Main Stage. Bien que les musiciens ne soient pas aussi actifs que le public, ils dégagent quand même une certaine aura. Et les jets de flammes en forme de croix inversée et autres feux d’artifices ne font que rendre le show encore plus impressionnant. Best of oblige, les Américains alternent entre les vieux titres et les plus récents. Je profite donc de ces derniers pour me reposer et reprendre mes esprits avant de retourner dans la mêlée lors des Chemical Warfare et autres Hell Awaits. Même si la plupart sont légèrement ralentis, l’interprétation reste impeccable, même celle de Paul Bostaph que beaucoup n’apprécient guère.

La seconde moitié de set est quasi-exclusivement composée de titres des cinq premiers albums, je suis à bout de souffle. Et, comme si l’avalanche de tueries n’était pas assez légendaire, voilà qu’il se met à pleuvoir lors d’un titre en particulier, je vous le donne en mille : Raining Blood. J’ai déjà dit que Slayer s’en allait par la grande porte ? Ils s’en vont par la grande porte ! Le mythique tube est en plus suivi sans transition par l’énorme Black Magic… Je m’offre alors un ultime passage dans le pit avant de réaliser que Deicide a commencé depuis 20 minutes. Vite, laissez-moi passer ! Satan est décidément sur toutes les scènes ce soir !

Deicide
Altar
00h00 - 1h00

Sleap : En 2016, je n’avais pu voir que les 40 premières minutes de Deicide pour cause de King Diamond en face. C’est aujourd’hui exactement l’inverse qui se produit (car adieux de Slayer oblige)… Et, même si j’en loupe à chaque fois une partie, les shows des Floridiens finissent toujours par figurer parmi les plus surpuissants que j’ai pu voir.

Bien que celui de ce soir n’égale pas l’intensité de leur enchaînement d’ouverture en 2016, je vais également prendre une seconde claque tout aussi méritée. Premier constat : à l’inverse de Slayer qui ralentissait ses morceaux, Deicide, au contraire, accélère les siens. Non content de conserver sur scène toute la bestialité de leurs enregistrements studio, ils les interprètent en plus à la vitesse supérieure. Ce groupe est vraiment possédé. À commencer par le seul et unique Glen Benton. En plus de maltraiter son instrument, celui-ci accélère également son débit de paroles à l’instar d’un Corpsegrinder de la grande époque. Et, tout comme ce dernier, il alterne également à merveille entre growls abyssaux et envolées criardes totalement bestiales ; le tout avec les yeux révulsés. Quoi qu’on en dise, Benton reste de très loin l’un des frontmen les plus imposants de la scène Death US.

Même si je rate le début, la setlist est absolument parfaite. Une bonne partie est consacrée aux trois premiers chefs-d’œuvre, et on a même droit à quelques titres des années 2000. C’est là que le véritable point fort de ce show saute aux yeux : le nouveau guitariste. Arrivé tout récemment au sein du groupe, celui-ci exécute à la perfection les soli de feu Ralph Santolla. Là où son collègue s’était lamentablement viandé en 2016 sur Homage for Satan, le petit nouveau réinterprète note pour note les légendaires sweeps de son illustre prédécesseur. Je suis en extase. Moi qui pensais avoir raté ce tube en début set, le voici joué en fermeture au milieu des ultimes Suicide Sacrifice et Lunatic… Mais la véritable surprise est le retour de Deicide dans la setlist. Le fantastique titre éponyme du premier album est repris par nombre de fans dans le public, malgré le peu d’affluence. Un régal ! J’attends désespérément de nouvelles dates françaises en salle de la part du combo de Tampa, mais leurs deux shows au Hellfest survolent déjà bien d’autres concerts de Death Metal, à commencer par tous ceux de cette édition 2019, pourtant fertile en la matière. À genoux !

Tool
Main Stage 1
00h35 - 2h05

Di Sab : Salut la Terre du Milieu ! C’est un honneur de vous rencontrer au Elfes Fest. Voulez vous vous joindre à notre quête ? Non je déconne, on va juste jouer des chansons. Mettre fin à 12 ans d’attente par une private joke que peu ont compris sur le moment, comment Tool aurait pu mieux débuter son concert ? Après coup, cette saillie s’expliquerait par le fait qu’en 2014, Keenan avait trouvé que les festivaliers, sales, ressemblaient à des hobbits et que le Hellfest aurait du s’appeler le Elf Fest.

A cette heure, tout a été dit sur le « concert » de Tool. A mon sens, les guillemets se justifient car ce que proposent les américains se situe à l’extrême limite du concert au sens traditionnel du thème. Pour Jean Jacques Schuhl dans Rose poussière, un concert (des Pink Floyd en l’occurrence) revient à écouter de l’électricité, une électricité qui n’appartient au groupe pas plus qu’au public. Carrey, Jones, Keenan et Chancellor n’ont aucune importance tant la musique de Tool les transcende et écrase tout. Car s’il fallait retenir une seule chose de ce concert, c’est ce son. Jamais je n’ai fait l’expérience d’un tel équilibre entre la force et la limpidité et jamais je n’ai autant eu la sensation d’écouter un CD dans une sono à pleine puissance. Tout était d’une précision qui, quand on connait la méticulosité des mixages des CDs, relève presque du miracle. Meynard est hyper limpide, et je suis surpris de son jeu de scène. Alors que je le pensais en autarcie totale, il va régulièrement voir du côté de Jones ou alors, il tourne en rond, un peu survolté, le dos louche comme Blanka (dont il partage la coupe de cheveux).

La setlist est, à mon sens, hyper bien amenée. Un début très « catchy » avec des titres courts et/ou célèbres (enchainement AEnema/The Pot / Parabol – Parabola), un milieu de set un peu plus difficile d’accès avec les deux nouveaux titres de 15 min chacun entrecoupés par Schism, afin de ne pas perdre l’audimat et un final en apothéose à base de Vicarious, de 46 & 2, de Stinkfist, de Jambi et un surprenant Part of Me pour la caution puriste. N’ayant pas écouté en préview les deux nouveaux titres, j’ai vraiment accroché à Invinsible alors que Descending ne m’a pas subjugué à la première écoute. Néanmoins, les titres grandiront d’eux-mêmes à partir du 30 août. Tout a été dit, commenté sur l’aspect visuel de ce show avec toujours ce mapping montrant du vivant, fragile, en quête de sens au sein d’un environnement hostile et industriel. Perso toute cette dimension m’a toujours évoqué Cronenberg et ses excroissances de chair. Le plus trippant restant les déclinaisons des visuels d’Alex Grey ultra psyché où l’œil lacrymal joue, forcément, le rôle central.

Les détracteurs ont toujours reproché aux fans de Tool une espèce d’idolâtrie envers un Veau d’Or méprisant, capricieux et prenant un plaisir malin à la frustration de ses adorateurs. Pour leur grand retour live en Europe, Tool a balayé ces critiques. L’expérience Tool en live est à (re)vivre le plus rapidement possible. Espérons que le nouvel album soit l’occasion d’une nouvelle tournée européenne. Pas moyen d’attendre 12 ans.  

Sleap : Je vais tenter de ne pas en rajouter une couche – d’autant que je débarque en milieu de set, Deicide ayant à peine fini. J’arrive donc sur Schism et constate, comme mon collègue, que le son est certainement le plus clair de tous les concerts Main Stage du week-end. Celui de basse en particulier parait tout droit sorti des albums studio. Concernant le public, je suis agréablement surpris. Moi qui pensais que leurs shows en open air seraient l’occasion pour les « fans » de sortir leurs smartphones et autres caméras, je ne peux que constater avec émerveillement le respect de l’audience pour l’atmosphère qu’essaie d’installer le groupe. Même depuis le fond du site, l’ambiance est délectable. Les animations sur les écrans et le jeu de lights conviennent parfaitement à un show de nuit ; c’est presque comme si nous étions en salle. Bien que je ne connaisse qu’Aenima et Lateralus, la totalité des morceaux joués sont pour moi un vrai plaisir visuel et auditif. La voix de Keenan est d’ailleurs particulièrement bluffante. Quelle clarté ! Moi qui, d’ordinaire n’est que très peu friand de voix claire – du moins dans le Metal moderne –, j’apprécie chacune des montées et descentes vocales du frontman. Ou plutôt devrais-je dire « backman » tant celui-ci reste à l’arrière de la scène. Et que dire des patterns de batterie, tantôt simples et hypnotiques, tantôt complètement progressifs. Tool est vraiment pour moi l’exception de la scène Metal moderne. En studio comme en live, ce groupe possède une aura vraiment unique, et c’est, je l’avoue, une merveilleuse conclusion pour un week-end tel que celui-ci !

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Sleap : Ainsi s’achève cette nouvelle édition du Hellfest. Un festival qui, on peut le dire, semble avoir atteint tous ses objectifs, même les plus hauts. Après une quinzaine d’années, l’événement de Ben Barbaud est aujourd’hui le plus grand festival de France ainsi que l’un des plus gros événements Metal du monde. Et, même si cela va souvent de pair avec une « touristification », le Hellfest reste tout de même un incontournable pour quiconque possède des goûts variés en matière de musiques extrêmes. C’est le cas depuis le début, et m’est avis que ça le restera encore longtemps !

Jour 1 / Jour 2


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Crédits photos : Leonor Ananké - Hard Force
Textes par l'équipe Horns Up.

Photos