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Album

30 juin 2019 - Gazag

Unleash The Archers

Apex

LabelNapalm Records
stylePower
formatAlbum
paysCanada
sortiejuin 2017
La note de
Gazag
9/10


Gazag

         Un long et désagréable réveil, après un interminable sommeil cryptique. La conscience regagne le corps, les yeux s’ouvrent douloureusement. Les articulations grippent, tout est ankylosé. Les membres remuent, de ça de là, ils reprennent une existence. La roche craque et relâche sa douleur en cris aigus. Encastré dans un flan de montagne, le titan se libère de sa prison. Les poussées du géant détruisent le décor, génèrent poussière et éboulement. Un vacarme roque et plaintif accompagne en fond le chaos. La terre accouche de son enfant, une nouvelle fois. Le colosse arrache les arbres dans ses mouvements patauds. Il reprend son séant, le voici sorti, né à nouveau. Il bombe le torse et se met debout, parfaitement accompli. Son regard balaye l’horizon. Il est arrêté par un point, au loin. La mise en marche débute. Le premier pas est lent. Les dernières pierres encore présentes sur le corps bringuebalent, se décrochent, et s’échouent en météorites sur la plaine. Le coeur de la montagne est ouvert, saigne, et réclame son enfant. La fatalité lui donnera raison : in fine, le titan retrouvera la cavité béante qu’il vient tout juste de quitter.

Gromino’s Pizza

Ils font du Power rapide, épique, mais surtout over the top. Unleash The Archers, c'est trois albums ras la gueule d’effets, avec des productions inégales, et un empilement de plans et d’idées dans le plus grand des désordres et des hasards. Une pizza bien trop épaisse avec du gras partout. Le tout catapulté direction la Lune par un songwriting et des vocals médiocres ; la pizza se plie et se retourne en vol, perdant ses ingrédients dans les airs. Une fois dans l’assiette, difficile de reconnaître le plat ; entre un cliché qui sent mauvais, et une bonne idée qui a de toute évidence mal tournée. Résolument, les Canadiens mettent beaucoup d’énergie pour atteindre les étoiles, mais restent bloqués, plein gaz, plaqués contre un plafond inflexible, les laissant constamment à mi-chemin entre l’intention et la réalisation. La frustration est d’autant plus grande que la musique garde un aspect naïf, et humain ; l’histoire de Frodon Sacquet contre les horreurs cosmiques, dont le vainqueur est déjà connu. Puis vient Apex, l’album de cette chronique. Album qui prend son bon gros neuf sur dix de la solidité, album qui prend tout le monde de court : le One Punch Man de 2017. Terminé la justice, les destinées glorieuses et les bons sentiments. Place à l'action, à l'injustice, à la violence aveugle. L'espoir se change en fatalité. Le danger change de camp. Au revoir Frodon, bonjour Elric.

Pleine puissance monsieur Sulu

Le groupe commence enfin à ranger sa chambre, à dégager ce qui n’est pas utile, pour capitaliser sur ce qui fonctionne. Unleash The Archers fait toujours du hors-piste, mais reste en bordure de son fil rouge. Les balades larmoyantes passent par la fenêtre, basta le chant crié et multiple, les pianos, et toutes les guirlandes d’effets. Au revoir le riffing éméché, qui titube et suit ses potes dans la rue. Terminé les montées en puissances oniriques qui se délitent. L’aspect épique contemplatif est détruit et remplacé par de l’épique de caractère et d’action. La batterie bombe le torse et devient caractérielle. La voix devient actrice et partie prenante. Les guitares courent en cascades et cavalcades, fusils d’assauts à la cadence soutenue, plantés vers la même cible. La production est plus profonde et compacte, faisant émerger un obélisque droit vers l’Espace. Sans perdre son ADN Jackson Pollock à en foutre partout, Apex évolue dans une forme plus brute. Une lame lourde, pleine de fêlures et émoussée, impossible à manier pour le commun des mortels, mais qui éclate tout pour qui en possède la maîtrise. La rapière aiguisée et perforante est mise de côté, voici la longue palissade massive et écrasante de Guts.

L'enchevêtrement de plans hétérogènes tourne parfois au patchwork d'influences, avec un main theme épique, un refrain en tapping, puis les WhOooo Ooo OoOo typiques du Power, avant un solo piquant, et enfin un pont bien lent, en marteau de guerre. Du riff Heavy, tantôt Thrash, parfois Death, pour les petits et les grands. L’équilibre est précaire, et l’album menace parfois de se dérober, mais à la faveur d’une écriture attentionnée, le cocktail garde son assiette. La chanteuse s’est enfin décidée à utiliser son éventail d’octaves au bon endroit et au bon moment, amélioration non négligeable. On obtient une carte des boissons surprenante et rafraîchissante. Même si de rares expérimentations mettent le doute et font perdre à cet Apex son fragment de note ultime, cette version revissée du Tequila Sunrise est séduisante.

The Goliath & The Matriarch & The Montain

Quand un groupe déclare travailler sur un concept album, l'effet d'annonce tourne le plus souvent au pétard mouillé : manque de sens, trop d’ambitions, simple coup marketing, aussi, parfois. Les promesses sont belles, mais la réalisation est décevante. Raconter une histoire complète sur plusieurs pistes est un exercice hautement plus périlleux que de sortir un album avec un récit par morceau. Il faut intégrer la dramaturgie non plus sur quatre mais sur quarante minutes. La composition de cet Apex est plus linéaire, les expérimentations sont plus cloisonnées : la cohérence se renforce. Les chapitres se distinguent. L’histoire est simple et originale, les textes sont accessibles, les paroles sont articulées, la chronologie est respectée. Les conditions sont donc réunies pour que cet Apex puisse exposer ses sentiments multicolores. Awakening inspire la persévérance, Ten Thousand Against One la fatalité, Apex la grande relâche, et Cleanse The Bloodlines ; le poing fermé dans la salle du trône, la mâchoire cadenassée et le regard résigné. Le bras et le poing qui aspirent de l’énergie. L’ambiance tamisée qui se brise. Le saut vertical tendu, stratosphérique, regard planté vers les étoiles. L'éclatement du plafond en dôme, transpercé par la vélocité du saut. L'arrivée dans le ciel, en lévitation au dessus du bâtiment éventré, les yeux en contrebas. Le poing fermé, dirigé vers le sol, qui se contracte ; Le rayon chaotique instable qui s'en échappe, qui fend l'air et oblitère les structures à l’impact. Et Earth and Ashes, un espoir mélancolique.

Faisant corps avec son géant immortel, Unleash The Archers est sorti d’un long sommeil paradoxal, pour aller, contre toute attente, dans une direction fixe et inflexible. Tous les pétoires sont dans le même sens. Les gerbes et torrents de puissance donnent de la force au vaisseau, qui cette fois quitte l’orbite terrestre, et avance, bien décidé, vers les étoiles. Malgré de rares tentatives échouées et des longueurs sporadiques, le bail de cet Apex, c’est attente : zéro, réception : dix mille. A retenir qu’une disco de merde n’enterre jamais vraiment un artiste. Il faut continuer de lever les yeux au ciel à la mention d’Unleash The Archers, mais à partir de maintenant, il le faut pour des raisons bien différentes. A l'écoute de Cleanse The Bloodlines et The Coward's Way, faites un coucou. Après, vous serez trop haut, et je ne vous verrai plus.

Awakening
Shadow Guide
The Matriarch
Cleanse the Bloodlines
The Coward's Way
False Walls
Ten Thousand Against One
Earth and Ashes
Call Me Immortal
Apex