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jeudi 18 avril 2019

Author & Punisher + Lingua Ignota

Le Ferrailleur - Nantes

Dolorès

Non.

Alors que je me prépare pour rejoindre le Ferrailleur en ce lundi 15 avril pluvieux (et il faut bien avouer que le Quai des Antilles, à Nantes, est complètement déprimant par temps de pluie), j’apprends comme tout le monde que Notre-Dame de Paris est en flammes. Si, depuis, l’émotion est retombée pour la plupart du grand public, ce n’est bien sûr pas encore le cas des spectateurs du concert de ce soir-là qui se retrouvent vers 20h30 dans une curieuse ambiance de cœur serré. Bon ou mauvais timing pour l’événement de Black Speech ? Difficile de trancher.

 

Lingua Ignota

J’espérais pouvoir me changer les idées. Je connaissais de réputation Lingua Ignota, dont on m’avait assuré un set de 30 minutes fascinant et original. Il est peut-être maladroit de projeter des images de paysages qui s’enflamment pendant 30 minutes ce jour-là, mais il faut avouer que l’atmosphère est posée. Je découvre cette chanteuse, musicienne et artiste hors norme, qui enchante le public de ses compositions entre douceur et rage, poussés chacun à l’extrême. De hurlements sur fond de musique plutôt noise, on passe à des montées en puissance ou des parties plus lyriques maîtrisées sur quelques accords de piano. Elle a le mérite de réussir à nous surprendre constamment, et même ses manières de chanter les moins agréables à entendre deviennent un élément indispensable de son éventail de possibilités, une curiosité parmi d’autres, où l’agréable et le doux ne sont plus l’objectif. Univers de musique liturgique et références à Dieu y sont repris et réinterprétés à sa manière, pour réussir à s’inclure dans sa performance de 30 minutes sans réelle pause, sans qu’on sache bien où Kristin Hayter souhaite nous emmener.

Indéniablement, l’univers de l’artiste me rappelle les merveilleux méfaits d’Anna Von Hausswolff. Plus étrangement, lorsque les compositions au piano permettent à la voix de poitrine de cette blonde au visage particulier de s’échapper avec puissance, elle me rappelle forcément Lady Gaga ! Et c’est un compliment, oui. Elles ont par ailleurs la même capacité à transmettre une émotion extrêmement forte, où on croirait qu’elles vont se mettre à pleurer de rage ou de chagrin. Par ailleurs, sa reprise de « Jolene » semble dénoter au milieu des univers sonores qu’elle nous propose mais c’est une très belle réussite, très convaincante. On peut aussi y voir un écho à Diamanda Galás, ou d'autres artistes aussi loufoques qu'extraordinaires.

Je ressors de ces intenses 30 minutes à demi-endormie, et un peu mal. C’est à la fois si beau et si éprouvant ! Kristin Hayter ressemble à une âme perdue dans les limbes ou les ténèbres, accompagnée (ou armée ?) de son micro, qu'elle se plaît à ne pas toujours utiliser vu la puissance de ses cris et la capacité de la salle, et toujours suivie de sa lanterne, même lorsqu'elle vient se mêler au public, déambuler et s'asseoir dans la salle. Cette lanterne, seule lumière jaune et étrange dans la noirceur de la salle de concert et le mouvement des flammes projetées sur scène. Comme un tableau inévitable, une présentation d’un état inaltérable, c’est une présentation intime et artistique que nous expose Lingua Ignota.



Author & Punisher

Pour être honnête, j’étais beaucoup moins emballée par le nom d’Author & Punisher sur l’affiche. Si le concept d’homme-machine est fascinant, la musique industrielle n’est pas spécialement ma tasse de thé. Si quelques échos à Ministry ravissent mes goûts sombres eighties & nineties, le côté très moderne, notamment sur son dernier album en date Beastland, ne m’attire que très peu.

Toutefois, si je trouve le set un peu redondant et que je n’adhère pas du tout au chant clair de Tristan Shone, il faut avouer que je resterai tout au long du concert scotchée par l’aspect visuel du live : avec les lumières, très pertinentes entre celles que le musicien installe au sol et les spots de la salle du Ferrailleur ce soir-là, tout à fait immersives, ainsi que le matériel sur scène. Il semblerait que le musicien soit également ingénieur en mécanique et fabrique ces machines qui lui permettent de jouer sur scène ! One-man-band d’un musicien futuriste mais aussi d’un chanteur, on remarque vite qu’il est plus que convaincu et convaincant par le show, l’allure et l’investissement qu’il met dans son concert. Les hurlements me séduisent plus, et correspondent mieux à la lourdeur des beats et de l’ambiance qu’il pose. Certes, je ne serai pas dans l’espèce de transe qui habite une bonne partie du public à ce moment-là, sans doute familier et réceptif. Mais de nombreux passages m’auront fait remettre en question ce que je connaissais du style et finalement bien apprécier la performance.

Toujours pas ma tasse de thé, la musique industrielle, mais je dois avouer que je ne regrette pas d’être venue assister à la soirée et de repartir avec deux belles découvertes en tête.


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Un grand merci à Black Speech Production pour l'invitation.
Crédits photos : Mathias Averty / Violent Motion