Chronique Retour

Album

09 décembre 2014 - U-Zine

Mihai Edrisch

Un jour sans lendemain

LabelAutoproduit
stylePost-Hardcore / Screamo
formatAlbum
paysFrance
sortieaoût 2005
La note de
U-Zine
9.5/10


U-Zine

U-zine.org, webzine musical metal actif entre 2004 et 2015. Fermé en 2015 suite à sa fusion avec 2Guys1TV, ses articles (chroniques, live-report, interview, dossiers, ...) sont désormais disponibles directement sur Horns Up via ce compte !

Lorsqu'un ami vient de découvrir un groupe qui lui plait énormément dans un style qui ne vous plait absolument pas, il a pour habitude de systématiquement insister pendant de longues heures pour que vous daignez poser une oreille sur son groupe du jour, dans l'espoir que ça vous plaise, chose qui n'arrive que très rarement. C'est dans ces conditions que je craquais, que j'acceptais d'écouter cet album classé Screamo, qui plus est chanté en français. J'avais certainement envie de me moquer une fois de plus de ce style me paraissant ridicule, sans bien évidemment le connaître réellement. Mais je n'ai pas rigolé. Non, je n'ai pas pu m'égosiller à tout rompre face à la nullité d'un quelconque groupe de gaycore. Pour tout vous dire, je n'ai même pas osé. Je n'ai pas eu le choix, j'ai dû capituler et me ranger dans les rangs de sa majesté Mihai Edrisch.

Mihai Edrisch a donc, après un premier album tout aussi bon, décidé de renouveler l'exploit ici en nous offrant ironiquement sur un tapis rouge sang son second album. Première innovation qui attire la curiosité, la répartition des titres. Après une intro, la tracklist montre un enchaînement de titres à la caractéristique apparemment positive : Naître, Marcher, Vivre, Aimer. Puis vient une interlude significative débouchant sur une deuxième partie de l'album s'affirmant bien plus sombre et mélancolique : Souffrir, Espérer, Oublier, Survivre, et enfin Mourir. Les plus rapides d'entre vous auront donc compris le rapport entre chaque titre, ainsi Naître correspond à Mourir, Souffrir à Aimer, Vivre à Survivre et Marcher à Espérer.

Sur un plan strictement musical, Mihai Edrisch nous sert un Post-hardcore très mélancolique , sur laquelle se pose la voix très Screamo de Johan. Les passages planants débouchent sur les rythmiques sombres ,pessimistes et plaintives, encouragées par les guitares incisives et assassines. La variété est au rendez-vous grâce aux changements d'atmosphères et de rythmes, tandis que Johan surplombe le tout de sa voix prenante, torturée et profonde, offrant à lui seul une dimension supplémentaire à cette réflexion sur les tortures psychologiques d'une simple vie, tout en conservant une certaine spontanéité. L'ensemble de la musique des français s'avère ronde, écorchée, plaintive, réaliste et très profonde.

Mais dans cet ouragan désillusionné et désespéré, l'art musical est en rivalité avec l'art littéraire. En effet, si j'ai tant insisté précédemment sur l'intérêt porté sur la profondeur de cette musique, c'était irrémédiablement pour aborder tôt ou tard ces textes poétiques et romantiques. Alors, rassurez-vous, même si la comparaison est frappante, je vais vous épargner un cours sur l'art romantique du XIXème siècle, mais gardez bien dans un coin de votre tête que Beaudelaire se cache quelque part dans l'âme de ce talentueux Johan. Le réalisme de ses textes, son défaitisme et son cynisme offrent à sa déjà superbe voix une capacité étonnante à plonger l'auditeur dans les abysses et les méandres de ses réflexions et de ses métaphores captivantes. La preuve même que l'association de différentes formes d'art peut contribuer grandement à la qualité d'un album.

Pour nous emmener dans son univers ironique et dépressif, Mihai Edrisch a eu droit à une production irréprochable qui privilégie le percutant des guitares et la rondeur des plans aériens. Et puis, on entend très nettement la basse, ce qui vaut toujours la peine d'être précisé. Quant au visuel, une branche intrigante et blanche se fond dans la clarté certainement sarcastique de cette pochette sobre mais très agréable (lorsque l'on est totalement conquis par un album, on ne se plaint pas quand la pochette est simple mais belle !).

Un album qui ne s'oublie pas, un album surprenant, un album addictif, et un album s'approchant de la perfection en de nombreux points. Ici, chaque sentiment émergeant du romantisme est abordé et parfaitement transmis par les paroles, les guitares, les ambiances ou encore dans les rythmes. Cet album, malgré sa diversité, est tout de même très homogène et compact, ce qui renforce encore plus mon sentiment d'album irréprochable. Je vous invite donc, petits et grands, grindeux ou punks, blackeux ou Kornaddict à porter une oreille à ce chef d'œuvre de tristesse et de haine ici en transformée poésie musicale, agressive et assassine juste comme il faut.

1.Intro
2.Naître
3.Marcher
4.Vivre
5.Aimer
6.Interlude
7.Souffrir
8.Espérer
9.Oublier
10.Survivre
11.Mourir
12.Outro