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lundi 10 décembre 2018

Tyrant Fest 2018

Le Métaphone - Oignies

Nostalmaniac

Le Max de l'ombre. 29 ans. Rédacteur en chef de Horns Up (2015-2020) / Fondateur de Heavy / Thrash Nostalmania (2013)

Retour sur les terres du Nord pour la troisième édition du Tyrant Fest. Une édition importante pour les organisateurs qui peuvent s’appuyer sur une solide programmation et un lieu qui donne tellement de cachet à l'autoproclamé festival noir, le 9-9bis, un ancien site minier dans un bassin historique aujourd’hui inscrit au Patrimoine mondial de l’Unesco. Ainsi font face au Métaphone, les vestiges imposants que sont les deux chevalets et un terril. Un lieu particulier, où se mêlent modernité et histoire, qui participe inévitablement à l’identité du festival.

Mais voilà, en plus des paramètres habituels pas toujours contrôlables et des aléas que chaque organisateur peut connaître, le Tyrant Fest a du faire face, comme d’autres festivals prévus ce samedi-là, à un événement de taille à l'impact imprévisible : le mouvement des gilets jaunes qui allait paralyser l’Hexagone. Une source d’incertitude pour le festival et les festivaliers. J’ai moi-même été pris au piège avec quelques camarades le samedi au départ de la Belgique par de nombreux points de blocages, notamment aux abords de Lille, mais aussi de Oignies. Ce qui m’empêchera d’arriver à temps pour les premiers concerts (Throane et Zatokrev) mais juste à temps pour les Polonais de Thaw ! SADE m'accompagnait cette année. Place donc à nos récits et nos impressions...
 

Thaw
17:15

Nostalmaniac : Je ne vais pas refaire mon éloge de la scène polonaise, mais elle regorge depuis toujours et encore aujourd'hui de trésors, souvent injustement méconnus. Actif depuis 2010, Thaw est une formation déroutante depuis ses débuts, mettant l'expérimentation au service de son art noir. La France a Blut Aus Nord, la Pologne a Thaw ! Quand on déroute, on ne peut pas toujours taper juste et je reconnais avoir du mal avec leur dernier album, « Grains », à l’écriture un peu pataude et difficile à digérer. Je me dis néanmoins que ce genre de formation peut révéler tout son talent dans des conditions live et ça ne va pas rater… La prestation va s’avérer impressionnante. D’une part grâce au son qui est suffisamment puissant pour mettre en valeur les nombreux effets électroniques et psychés, mais surtout la lourdeur et l’atmosphère pesante qui émanent du combo. D’autre part, les quatre gaillards sont fascinants à voir jouer, surtout le vocaliste/claviériste. Le rendu live fait vraiment honneur à leurs compos, plus lentes et simples mais avec ce grain de psychédélisme qui rend ce live absolument captivant. Présenté comme la surprise du festival, c’est effectivement une excellente surprise.

 

 

Hangman's Chair
18:30

S.A.D.E : Si le Black Metal domine sur l'affiche du Tyrant Fest, le versant plus lent des musiques sombres a quand même sa place, particulièrement au début de cette première journée : après l'énorme set de Thaw, ce sont les Parisiens de Hangman's Chair qui investissent la scène. Avec son Doom/Stoner mélancolique mais pas dénué d'une lourdeur bien rendue en live, le quatuor impose lentement mais surement son atmosphère dans un Métaphone assez plein pour cette fin d'après-midi. Le son est excellent, les guitares et leurs mélodies en arpèges tristes filent des frissons tandis que la basse assure une charpente ronflante et épaisse. Mais c'est incontestablement le son de la batterie, et plus particulièrement de la caisse claire, qui donne toute sa saveur à ce concert : d'une profondeur impressionnante, la caisse claque avec puissance et écho, poussant immanquablement le public à se plier au tempo pesant des morceaux. Il est d'ailleurs temps de commencer un petit fil rouge sur les batteurs, parce que le week-end a été riche en cogneurs de qualité et, avec ses quatre paires de baguettes bousillées en un set, Mehdi Birouk Thépegnier obtient haut la main le titre de Bûcheron du fest. Quant au chant, il est également sublime, Cédric Toufouti posant sa voix avec une justesse fragile et maîtrisée, avec précisément ce qu'il faut de réverb' pour que l'on se retrouve envoûté sans même s'en rendre compte : quand les lumières se sont rallumées, je m'attendais à encore dix ou quinze bonnes minutes de musique.

 

Schammasch
19:45

Nostalmaniac : J’avais absolument hâte de voir le groupe helvète que je suis depuis son premier album et que je vois évoluer d’album en album avec beaucoup de satisfaction. Malheureusement, la faim m’a un peu trop tenaillé et je ne suis arrivé que pour la fin du set, assistant notamment à "Metanoia" , issu de leur dernier album. Un peu court pour juger mais le groupe en impose sur scène aussi bien par leur scénographie occulte travaillée et leur présence sur scène que leur son, assez carré et immersif. Une présence scénique certes statique, mais raccord avec leur Black dissonant où l'intensité est centrale. Bref, un goût de trop peu mais le groupe ne semble pas voler son statut et encore moins son public très attentif et visiblement conquis ce soir.

 

Der Weg Einer Freiheit
21:00

S.A.D.E : Si Stellar ne m'avait pas paru particulièrement intéressant, Finisterre, le dernier album en date des Allemands, m'a quant à lui vraiment retourné (la doublette Skepsis, ouch !). Côté live en revanche, je reste sur une note un peu négative avec leur prestation au Hellfest. Les conditions ne jouaient cependant pas en la faveur de Der Weg Einer Freiheit : sous la Temple en plein après-midi. Mais en cette soirée, la configuration est tout autre et la proximité aide sans conteste à s'immerger dans le set. Avec ses guitares froides et tranchantes, le combo enveloppe le Métaphone d'une chape de glace à la beauté scintillante mais qui n'en reste pas moins menaçante. Der Weg parvient avec brio à se situer sur ce point, aussi difficile à atteindre qu'à décrire, où l'on ne parvient plus vraiment à faire la différence entre la violence et la beauté, entre l'agressif et le sublime. Les titres de Finisterre passent sans accroc le cap du live, avec une mention spéciale pour Skeptis I (dommage qu'il n'y ait pas assez de temps pour la II !) encore plus prenant que sur album, possiblement un des meilleurs morceaux du groupe. Et, pour revenir sur notre fil rouge, petit détour vers la batterie derrière laquelle se trouve la Blast-o-machine du week-end : Tobias Schuler tiendra un bon deux tiers du concert en blast, et triggers ou pas, ça force le respect.

 

Aura Noir
22:30

S.A.D.E : Drôle de transition entre la froideur presque clinique de Der Weg Einer Freiheit et la rugosité cradingue d'Aura Noir, mais on s'y fait bien vite tant l'énergie thrashisante des Norvégiens remue la salle (un peu moins remplie que pour les Allemands, étrangement). Sans être un inconditionnel du groupe en studio, je dois dire que ce premier contact sur scène est une vraie bonne surprise : dynamique et assez déconneuse, l'ambiance qu'insuffle Agressor et sa bande m'embarque sans effort ("We're the ugliest band in the world !"). Le tempo ne ralentit jamais, mais sous ses airs de Black/Thrash un peu bas du front, Aura Noir est bien plus fin qu'il n'y paraît : le riffing de Blasphemer est vraiment intéressant avec plein de petits détails qui enrichissent le côté Motörheadien, et un jeu de batterie qui, sans être d'une originalité folle, parvient à surprendre avec des impacts forts sur des temps inattendus. Apollyon (qui prend en charge, avec talent, certains vocaux) sera donc l'Imprévisible Cogneur du week-end. Obligé de se reposer sur une chaise (à roulettes s'il-vous-plaît !) des suites de sa chute du quatrième étage d'un immeuble (!), Agressor n'est pas très mobile sur scène mais il compense avec sa gouaille et son allure de rockstar à la dérive, n'hésitant pas à rire du groupe : "Yeah, we've finally learned to write our name !" en référence à l'orthographe du dernier album, Aura Noire, qui respecte enfin les canons de la langue française contrairement au nom du groupe (ils ne doivent pas pouvoir la faire partout celle-là). Bref, une excellente prestation pour clôturer en beauté cette première journée !


Nostalmaniac : Quelques mois après le Brutal Assault, j’ai donc l’occasion de revoir une seconde fois cette année les Norvégiens et je ne boude pas mon plaisir. Certes, l'enchaînement avec Der Weg Einer Freiheit est un peu particulier (de la modernité au old school really quick) mais je le prends comme un retour aux sources après une déferlante étourdissante du groupe allemand. Le set démarre idéalement sur "Sons of Hades" issu de leur excellent premier méfait « Black Thrash Attack », nec plus ultra du Thrash blackisant (l’inverse marche aussi). J’ai par contre aussi l'occasion de les voir de plus près cette fois-ci et je n’avais jamais remarqué que Aggressor (voix/basse) jouait sur une chaise amovible à roulettes, bien que ce soit logique quand on sait que le bougre a chuté d’un building en 2005. Ca ne l’empêche pas d'être hyper enthousiaste dans un style qui le caractèrise et il peut compter sur le batteur (et second vocaliste) Apollyon pour faire le spectacle, lui qui est véritablement bluffant derrière ses fûts. Le set est plus consistant et enlevé qu’au Brutal Assault avec notamment des titres imparables comme "Swarm of Vultures", "Demoniac Flow" ou encore "Schitzoid Paranoid" que le groupe va jouer deux fois, feignant (avec malice) ne pas l’avoir déjà joué. Les morceaux s'enchainent à un rythme effréné, ponctué par quelques interventions d'Aggressor, et ça donne lieu à une sauterie Black/Thrash comme je le vois rarement. Peut-être too much pour certains mais Aura Noir nous rappelle surtout les fondements les plus rock'n'roll du Black Metal. Et ça fait du bien !

 

 

JOUR 2



Les chevalets



Le terril



Salle des douches

 

Nostalmaniac : La journée d’hier était particulière et je n’ai pas vraiment eu le temps de visiter l’annexe, ni de me balader sur le site. Je remarque certaines améliorations par rapport à l’an dernier, comme une tonnelle chauffée à proximité des stands de bouffe. Une très bonne idée car comme l'an dernier, le froid est bien présent. Le festival a eu la bonne idée de faire revenir certains stands de bouffe, comme le stand vg qui sera victime de son succès dès le samedi soir. Les stands merch/label ont été concentrés dans une autre pièce, plus à l’abri du froid que dans la grande salle des pas perdus. Plus convivial aussi. En préambule de cette deuxième journée, j'ai pu assister à une rencontre sur le thème Musiques extrêmes et arts graphiques (liens, inspirations et illustrations) en présence de Dehn Sora, William Lacalmontie, Vincent Fouquet (Above Chaos), Paul Nassaan (Emgalai), Infekt777 et Arkhoss. Une rencontre intéressante nourrie de questions du public qui a permis d'en savoir plus sur la vision et les sensibilités des différents artistes. J'ai d'ailleurs pu m'entretenir avec Dehn Sora peu après... 

Azziard
16:00

Nostalmaniac : Je regrettais en 2016 avoir vu Azziard au Ragnard Rock Fest, non pas à cause de leur prestation, mais du soleil et de la chaleur qui offraient un contraste un peu trop perturbant avec leur Black puissant. Le Métaphone s’y prête beaucoup mieux cette fois et je découvre ainsi le combo parisien encapuchonné. Malheureusement, j’ai rapidement l’impression que le coté rentre-dedans et violent est passé à la trappe, au détriment d’un Black plus occulte et maniéré. Visuellement, c'est indéniable et je peux passer outre mais c’est dommage, car j’avais vraiment le souvenir de titres plus tranchants et mémorables. Je ne sais pas si le groupe a cédé aux sirènes des tendances actuelles ou si c'est parce que j'ai raté le début, mais je trouve le set franchement barbant, inoffensif. On notera malgré tout le feat. convaincant de Psycho (AntilifeHats Barn) et je remarque que le public est réceptif, ce que le groupe retiendra probalement.  

 

Auðn
17:15

Nostalmaniac :  Pour être honnête, je ne savais pas vraiment à quoi m’attendre avec le set d’Auðn (qui se prononce "eun") même si j’avais en tête l’étiquette « Black atmo islandais » qui veut tout et rien dire avouons-le. Je passe volontiers outre l’aspect « gars classes en costumes noirs » qui peut en faire sourire certains, mais qui m’indiffère un peu, car je veux sincèrement concentrer sur la musique. Alors justement et... comment dire ? Si les riffs tremolo à outrance m'agace chez beaucoup de formations actuelles, Auðn représente pour moi l’overdose. Je peux être sensible à ce genre de Black, mais dans le cas présent je trouve ça... vide !  Ca manque d'une ambiance, de subtilités et surtout de vrais riffs ! Or ici, j’ai vraiment l’impression que tout repose sur le tremolo picking avec seulement quelques variations de morceaux en morceaux. Des variations qui n’apportent rien, si ce ne sont quelques bâillements de ma part. Un peu comme pour Au-Dessus l'an dernier. J'entends déjà que je ne comprends alors rien au Black atmo mais j'écoute beaucoup de Black atmo, assez pour savoir ce que je veux quand j'en écoute : de l'immersion. Pas juste des riffs qui tournent en rond. Paradoxalement, le son est l'un des meilleurs du week-end (avec ceux d’Hangman’s Chair et Arkhon Infaustus) mais ça ne m'atteint pas et je reste précisément passif du début à la fin. Je dois par contre reconnaître que leur batteur est excellent, un jeu très académique et plaisant à regarder. Sinon, je vois bien le brouillard islandais, mais à l’intérieur rien ne se passe. Auðn veut aussi dire en islandais "désert" et... c'est le cas.

 

The Great Old Ones
18:30

S.A.D.E : Chaque concert de The Great Old Ones auquel j'ai assisté a été mémorable : le combo Bordelais impose un respect total sur scène, de par sa maîtrise sonore et sa prestance aussi solide que naturelle. Et leur passage au Tyrant Fest confirmera cette constance. D'un bout à l'autre du set, TGOO tient le Métaphone sous sa coupe, tantôt en l'étouffant sous un magma épais, tantôt en instillant des miasmes dans l'atmosphère. Le passage à cinq membres n'ampute aucunement la force de frappe du groupe, les riffings sur les trois guitares reste impressionnant (ces leads glacés et maladifs, un régal !), et même si, forcément, la palette vocale est réduite, cela n'affecte pas la qualité de l'ensemble. Même si EOD : A Tale Of Dark Legacy m'a énormément plu, je garde une préférence pour Tekeli-li. Aussi, quand résonne Je ne suis pas fou, le prélude à Antarctica, j'ai déjà les cervicales qui se tendent et quand la tatane tellurique tant attendue explose, ce sont toutes les têtes qui s'inclinent en rythme devant les montagnes hallucinées que bâtissent les prêtres du Mal devant nos yeux. Je trouve d'ailleurs assez incroyable cette propension qu'a TGOO à être visuellement captivant sur les planches avec aussi peu d'artifices : les quelques minutes du set de Azziard que j'ai attrapé plus tôt, avec grosso modo le même style capuche de rigueur ces temps-ci, n'avait pas du tout la même aura. TGOO se pose en grand-maître de cérémonie sans avoir besoin d'en faire des caisses, et c'est à chaque fois aussi bluffant. Et, pour ne pas perdre de vue notre fil rouge du week-end, un dernier mot sur le batteur qui, étant donné le thématique porté par TGOO et sa capacité à être partout à la fois sur son set plutôt étendu, se voit décerner le titre de Pieuvre de ce fest.

 

Profanatica
19:45

Nostalmaniac : Après les déceptions, place à ma grosse attente du festival. Profanatica est un groupe que j’écoute depuis longtemps et qui a laissé sa marque au fer rouge dans mon imaginaire, de par ses visuels (oui, je parle aussi des photos promos à poil) mais aussi sa musique, blasphématoire et tellement sale. Je ne m’attendais pas à moins en live et je ne serais pas déçu. Plongé dans les lumières rouges, le trio américain va délivrer plus d’une heure de Black Metal bestial et brut. Trônant grimé derrière ses fûts, Paul Ledney martèle un jeu hyper basique et mécanique, mais ajoute à l’ambiance apocalyptique avec son chant râpeux, totalement possédé. On retrouve également ce son de guitare atypique, épais et vicieux qui colle si bien avec leur image, me donnant parfois la sensation d'un lance-flamme comme sur "Unto Us He Is Born". Leur répertoire contenant essentiellement des titres très courts façon grind, tout s’enchaîne rapidement, mais ça n’empêche pas une montée en puissance que je ressens et qui explose avec le fameux "Weeping In Heaven" et son « I vomit on god's child » éructé comme un crachat acide à la piété et... au bon goût. Car oui, ce set pue l'irrespect et le blasphème ("Broken Jew", "Spilling Holy Blood") et le trio le fait dans la plus grande simplicité qui soit. La plus grande efficacité aussi ! Groupe légendaire de la scène Black américaine, Profanatica ne l'est pas moins en live et sans détour, c'est ma plus grosse claque du festival. Ledney quittera la scène en mimant une éjaculation... 

 

Arkhon Infaustus
21:00

S.A.D.E : Voilà sans doute le concert que j'attendais le plus en ce froid week-end. Arkhon Infaustus fait partie des groupes qui m'ont ouvert grand les portes vers l'extrême violence musicale et, lors de leur split en 2007, je croyais bien n'avoir jamais l'occasion de les voir en live. Mais leur résurrection (si j'ose dire) en 2017 a enterré cette crainte. Un retour qui, en studio, ne m'avait pas complètement convaincu : si Passing the Nekromanteion est loin d'être mauvais, il m'a essentiellement donné envie de me replonger dans les précédents albums des Parisiens, ce qui le place dans un position un peu inconfortable. Et pour la mouture live de cet Arkhon Infaustus nouvelle génération, je vais aller rapidement à l'essentiel : la tuerie. Tout simplement. Dès les balances de la batterie, on a trouvé le BOSS FINAL du fest : avec des blasts d'une vélocité infernale, un jeu de jambes tout aussi rapide et une dextérité chirurgicale sur les toms (où l'aigu et le médium ont inversé leur position), la prestation du cogneur scellera notre grand concours du week-end (le batteur de Watain ne déméritera pas, mais passer après une telle machine vous fait d'emblée perdre des points). Et, au-delà de la batterie qui vous scotche à elle seule le cerveau au fond du crâne, c'est toute la prestation d'Arkhon Infaustus qui fait l'effet d'un déferlement de brutalité. Le son est absolument massif, possiblement le plus fort du week-end, avec une opacité noire et pernicieuse qui suinte la malfaisance. Idem pour le double chant, qui est toujours ce qui m'a le plus impressionné chez Arkhon, le mélange de la voix gutturale de Deviant et de celle plus écorchée de son acolyte est un mur de haine et de noirceur. DK Deviant aura d'ailleurs l'occasion d'haranguer (relativement sobrement, je m'attendais à quelque chose de plus corrosif) le public qui répond présent, avec quelques pogos dans les premiers rang. Si une bonne partie de la setlist s'est volatilisée de ma mémoire, ce dont je suis certain c'est que le titre que je souhaitais à tout prix voir ce soir a été joué : M33 Constellation. Ce morceau est la quintessence d'Arkhon, à la fois ultra-violent et rampant, empruntant des méandres tortueux entre le Black et le Death pour un résultat suffocant. Un titre à l'image du concert de ce soir.

 

 

Watain
22:30

S.A.D.E : Depuis le début de la journée, de grands draps noirs masquaient le décorum de Watain et, de retour dans la salle après une escapade dans le grand froid du Nord, je découvre finalement ce que recouvraient ces larges pans de tissus : deux grands murs d'amplis, un set de batterie des plus complets et surtout un backdrop en fer forgé (!) tout à fait classe. Ajoutons à cela deux tridents, quelques croix renversées et des braseros et vous avez un décor parfait pour la Grande Messe Noire que vont nous délivrer les Suédois. Watain en live c'est (pour caricaturer et d'après des avis rapportés, je les vois pour la première fois ce soir) : soit perçu comme du grand-guignol un peu réchauffé, soit vécu comme LE vrai rituel satanique qui sent le soufre et la charogne. Et pour cette première expérience, il ne me faudra pas plus de trente secondes pour me rallier à la cause des Suédois : après l'intro de rigueur et l'embrasement des éléments inflammables du décor à la torche, le groupe entame les choses sérieuses sur Storm Of The Antichrist, titre avec lequel j'ai découvert le groupe sur un blaster de feu Hard'n'Heavy : je ne pouvais donc qu'être immédiatement plongé dans l'ambiance impie et belliqueuse qu'instaure Watain. Le son est excellent, il retranscrit à merveille l'aura maléfique qui caractérise les mélodies du groupe. Si Trident Wolf Eclipse, le dernier album, ne m'a pas particulièrement convaincu, les morceaux joués s'insèrent sans accroc dans le reste de la setlist. Le meilleur des anciens albums est sorti des tiroirs, avec entre autres un Malfeitor fougueux et un Sworn To The Dark parfaitement fédérateur. Les jeux de lumières dans une ambiance rouge participent à rendre vivante la ferveur satanique que le groupe exprime dans sa musique. Parce que oui, bien que l'on sente le show rodé et millimétré, Watain parvient à nous faire entrer dans sa foi qui dépasse largement le simple artifice spectaculaire : lorsque Watain investit la scène, c'est pour célébrer un rituel à la gloire de Satan et, comme tout rituel religieux, ce dernier est extrêmement codifié. D'où une certaine absence de spontanéité mais qui pour le coup ne me dérange pas : si leur rituel doit se dérouler de cette manière, il n'en sera pas autrement. Les recueillements réguliers d'Erik Danielsson devant l'autel orné d'une tête de bouc participent à rendre tangible l'intégration profonde de cette composante spirituelle anti-cosmique qui fait la particularité de Watain : par ce geste simple et que l'on sent sincère, on comprend que Watain vit son art comme vecteur d'une foi. Je comprends sans problème que l'on puisse rester de marbre devant cette débauche d'effets, mais pour ma part j'ai été convaincu par la prestation du groupe, aussi réussi d'un point de vue musical que visuel !


Nostalmaniac :  Quand mon compère parle de rester de marbre, il parle de moi-même. Ce n’était pas la première fois que je voyais Watain et je gardais un bon souvenir de la tournée avec Deströyer 666 il y a cinq ou six ans. Pour être tout à fait franc, je n’ai jamais été un grand fan de Watain, même des premiers albums. J’ai toujours trouvé le groupe surestimé, mais si j’avais quand même trouvé intéressant et plutôt convaincant le tournant pris avec « The Wild Hunt » qui a du décontenancer pas mal de fans de la première heure. À tel point qu’en écoutant le dernier, « Trident Wolf Eclipse », j’ai l’impression que le groupe suédois veut rassembler sa meute, son noyau dur. Un album que j’ai écouté plusieurs fois et qui me laisse à chaque fois froidement impassible tellement je le trouve sans inspiration malgré que tous les ingrédients soient là (des riffs tranchants, des accélérations assassines, un feeling old school) mais le déjà entendu est accablant rendant la mixture bien fade, à moins d’avoir écouté très peu d’albums du genre. Et puis c'est l'impression général que j'ai sur la discographie du groupe, oscillant toujours entre de-mysteriis-dom-sathanas-core plus ou moins réussi et rip off de Bathory. Comme je m’y attendais, leur dernier album sera très représenté dans la setlist du soir - ce qui est logique - et je ne suis pas plus convaincu en live qu’en studio. Je ne dirais pas non plus que l’ennui est total, car  il y a bien des moments de fulgurance comme pour l’imparable "Malfeitor" ou l'incontournable "Sworn to the Dark" qui marchent toujours en live, mais tout retombe assez vite. Nous n’aurons même pas droit à la reprise de Bathory que j’ai vu sur d’autres setlist (ou alors c’est pire et je ne m’en suis pas rendu compte) mais je ne suis pas sur que ça aurait changer mon ressenti. Honnêtement, je peux comprendre qu’on soit émerveillé et convaincu par le show proposé, outre la pyrotechnie qui est vraiment impressionnante avec ces tridents en feu et l’impression que la scène toute entière s’embrasse, mais j’ai surtout l'impression d'avoir passé l’âge (malheureusement) et je suis moins de moins en moins sensible à ce genre de configuration, de grand-messe grandiloquente en carton pâte. Ca manque de sincérité et de spontanéité. Un peu comme quand Erik Danielsson remercie plusieurs fois Lille alors qu'il s'agit d'une petite erreur sur le flyer de la tournée qu'il répète. Oui c'est du détail mais ça indique une certaine routine. Watain est un headliner incontestable et je ne remets pas ça en cause (au contraire d’autres formations qui n'ont pas leur ancienneté) mais ça ne m’a fait rien ce soir. Le coté blockbuster sans doute puis ce rituel un peu fake tournant au ridicule surtout quand l’outro dure 10 minutes et laisse entrevoir un rappel, mais débouche seulement sur un morceau emblématique de The Devil’s Blood dans la sono. Les lumières se rallument et c’est tout.  Je ne pensais pas être convaincu ce soir mais pas non plus être aussi déçu...

 

 

Conclusion

 

S.A.D.E : Pour cette première participation au Tyrant Fest, j'ai été charmé en tous points par cet évènement à taille humaine : un site industriel d'exception, une programmation de qualité, pointue et pertinente, une organisation impeccable (la demi-heure de retard au début du jour 2 a été rattrapée sans problème dans l'après-midi), des stands de restauration vraiment sympas, plus des à-côtés tout à fait intéressants avec les conférences et les expositions. Le seul reproche que je ferai sur cette édition est l'utilisation de l'auditorium : programmer dans une salle avec une jauge de 80 personnes un groupe comme Monolithe, c'est l'assurance de laisser du monde sur le pas de la porte (mon petit coeur en est encore tout chagrin). Peut-être faudrait-il revoir légèrement à la baisse la renommée des groupes ou bien proposer comme le fait le Brutal Assault quelque chose de plus ciné et moins live. En tout cas l'auditorium a un potentiel mais qui reste, je pense, complexe à exploiter : quand la salle principale peut accueillir 1500 personnes, difficile d'établir un équilibre qui tienne la route pour la petite annexe.
Quoiqu'il en soit, cette troisième édition du Tyrant Fest m'a largement convaincu de revenir faire un tour du côté du 9-9Bis l'année prochaine !
 

Nostalmaniac : Malgré les embûches de la journée gilets jaunes, le Tyrant Fest a assurément réussi sa troisième édition. Je ne sais pas pour les chiffres mais si on parle de l’organisation, c'est impeccable. On sent vraiment le lieu mieux exploité avec des points noirs corrigés, notamment sur l’extérieur avec la tonnelle chauffée. On sent vraiment aussi une volonté de développer d’autres aspects, comme les conférences et rencontres. Même si je n'ai pas pu y prendre part, la randonnée est une excellente idée. S'il faut mettre un bémol, ce sera un peu trop d’ambition sans doute pour la partie ciné-concert dont j'attendais beaucoup. Je n’ai pas pu assister à un seul des concerts prévus à l'Auditorium même si je me doutais bien qu’il fallait mieux venir à l’avance mais le programme au Métaphone est déjà assez dense. C’était donc rapidement plein (un vigile empêche l’accès au-delà de 120 personnes) mais ça reste une idée qui mérite d’être creusée avec peut-être des artistes plus périphériques à l’univers Metal, comme le fait la Keep Ambient Lodge du Brutal Assault à une autre échelle. Treha Sektori, Throane ou Monolithe suscitent plus que la curiosité. On peut penser même à de simples projections, comme c'était le cas en 2017 avec le docu Bleu Blanc Satan. En tout cas, le lieu mérite d’être mis en valeur et apporte véritablement un plus au festival qui se révèle une véritable expérience. On ne vient pas que pour assister au concert de son groupe préféré et repartir boire des bières sur le parking.

Pour mes claques de cette édition, je retiens surtout Arkhon Infaustus, Aura Noir, Thaw et Profanatica qui effacent les quelques déceptions.

On ne peut que souhaiter longue vie au festival qui a démontré son savoir-faire pour concocter une affiche digne d'intérêt ni trop grand public, ni trop pointue et je suis très curieux de son évolution mais très confiant quant à son futur. Comme j’aime le faire, je glisse quelques suggestions pour la programmation de l’an prochain : Year of No Light, Amenra (après l'annulation en 2017...), The Ruins of Beverast, Aluk TodoloEsoteric ou encore Lamia Vox pour un ciné-concert. Nul doute que l'édition 2019 se prépare déjà !


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Crédits :
Textes par l'équipe Horns Up.
Crédits photos : Matthias Bertrand et Slaytanic Pix