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lundi 8 octobre 2018

Tyrant Fest

Alex Lang

Nostalmaniac

Le Max de l'ombre. 29 ans. Rédacteur en chef de Horns Up (2015-2020) / Fondateur de Heavy / Thrash Nostalmania (2013)

J'avais été charmé l'an dernier par le Tyrant Fest, festival situé à Oignies dans l'ancien bassin minier du Nord. Charmé par le lieu historique, mais surtout une cohérence et des choix pertinents dans la programmation. Un festival dont la troisième édition en novembre prochain (du 17 au 18) s'annonce plus importante et marquante que jamais grâce à une programmation élargie et quelques nouveautés. Pour en parler, j'ai pu discuter avec Alex Lang...
 

 

Nostalmaniac : Bonjour Alex, peux-tu d’abord te présenter à nos lecteurs et nous préciser ton rôle ? 

Alex Lang : Bonjour Max, tout d’abord, je te remercie de me donner la parole dans Horns Up !
En quelques mots, j’ai fondé Nao Noïse en 2003, structure avec laquelle nous développons des solutions de booking et de communication pour le monde du spectacle et organisons le Tyrant Fest en co-production avec le 9-9bis de Oignies. Evènement désormais majeur de notre structure pour lequel je suis en charge de la programmation et coordination générale depuis sa création en 2016.
 

Nostalmaniac : Comment présenterais-tu le Tyrant Fest ?

J’ai l’habitude d’employer le terme festival noir, car c’est vraiment le concept qui a germé en premier, pas forcement un festival de black metal même si c’est le style le plus représenté, mais de groupes ayant pour point commun une certaine noirceur dans l’interprétation de leur musique en studio comme en live. Ça passe pour moi par le black, le death, le doom, le sludge et leurs occultes variantes. 
 

Nostalmaniac : On peut dire que le festival a bien grandi depuis la première édition à Amiens en 2016. C’était quoi au départ vos motivations et vos objectifs ?

Le festival est né suite à l’annulation d’une date à la Lune des Pirates que nous produisions et c’était la première fois que j’étais contraint d’annuler une date complète. Piqué au vif, j’en ai profité pour reprogrammer certains de ces artistes ainsi que de nouveaux et décidé de faire évoluer la chose en deux soirées consécutives le tout basé sur le travail graphique de Gustave Doré, illustrateur incroyable que j’apprécie depuis mes premiers livres scolaires de littérature ou d’histoire. Par la suite, le festival a effectivement bien évolué via sa nouvelle implantation sur le site du 9-9bis ce qui nous a permis de développer les idées que nous avions depuis le début en particulier la partie annexe aux concerts.


Nostalmaniac : Quel bilan tirez-vous du Tyrant Fest 2017 ?

Alors, même si dans les chiffres nous sommes légèrement déficitaires, rien de dramatique tout est rattrapable en une édition, le bilan est plus que positif. La machine est grosse quand on exploite un site comme le 9-9bis et nous-même n’avions pas assez de recul sur une telle implantation. Cette année sera l’année de la confirmation afin de savoir si le festival est viable. Le public semble plutôt conquis par le concept global et en interne les bénévoles comme l’équipe du 9-9bis apprécient de travailler sur le projet qui permet une certaine créativité. 
 


 

Nostalmaniac : Vous avez pu compter sur beaucoup de festivaliers étrangers je crois. Géographiquement, le festival est bien situé, non loin de la frontière belge…

Oui et c’est ce qui nous a le plus surpris pour la seconde édition. La frontière belge a effectivement permis d’attirer des Flamands qui commencent à avoir l’habitude de venir au Métaphone pour des dates bien précises, mais il y avait aussi des Néerlandais, des Britanniques, des Grecs, des Catalans et des Allemands. C’est à la fois étonnant à notre niveau, mais logique puisque l’affiche est très ciblée et réunit des artistes qui sont très rarement réunis sur des affiches communes. Cette année il y a même un Canadien qui a déjà pris son billet d’avion et son pass 2 jours, c’est incroyable.  
 

Nostalmaniac : Avez-vous eu des retours sur la programmation de cette année ? Elle frappe fort et il y a six groupes de plus que l’an dernier...

Les retours sont très positifs, le fait que nous programmions plus de groupes y est pour beaucoup, cela nous permet d’élargir le spectre vers des groupes comme Hangman’s Chair ou Treha Sektori ou d’internationaliser un peu plus les choses. Quand on programme, on espère que les étoiles vont s’aligner, ce n’est pas toujours le cas, mais cette année nous allons offrir au public un très bon cru. Le challenge sera désormais pour nous de réitérer l’exploit sur les prochaines éditions et de surprendre encore et encore.


Nostalmaniac : Tu es confiant ? Les préventes sont encourageantes ?

Nous avons mis en place la billetterie cet été et avons enregistré pas mal de ventes de pass 2 jours, ce qui est positif. Depuis la rentrée, les pass partent de manière régulière chaque semaine alors que la grosse communication n’a pas encore réellement commencé donc nous sommes pour le moment dans les clous. Il y a des billets en vente partout sur les réseaux habituels et des pass seront, selon le stock encore disponible, en vente sur place le jour J. Le prix du billet (30 € le pass 2 jours) est une fois de plus incroyablement faible pour une telle affiche et nous allons tenter de garder cette attractivité sur les prochaines éditions, cela permet aussi au public de se faire plaisir sur les nombreux stands de merch.


Nostalmaniac : Ce qui plaît beaucoup je pense c’est qu’on sent une certaine cohérence dans la programmation qui n’est ni trop pointue, ni trop grand public. En dehors de ça, c’est quoi vos critères de sélection pour la programmation ? Des coups de coeur ?

Effectivement la cohérence de programmation est vraiment importante, pour ma part j’essaye de proposer des artistes qui ne seraient pas visibles dans la région car trop ciblés. Les salles de provinces sont assez timides sur les artistes de ce type, on voit des grosses pointures mais jamais des groupes comme Thaw ou Schammasch par exemple c’est donc un véritable plaisir de les accueillir dans de si bonnes conditions techniques et logistiques. J’aimerais adresser un clin d’œil au In Theatrum Denonium (ndr : festival qui se tient à Denain) et leur équipe pour leur travail de programmation osé et rafraîchissant, j’y ai découvert personnellement Furia dans un cadre exceptionnel. Pour revenir à mes coups de cœur, je citerai clairement Schammasch car je les suis depuis le début, Aura Noir pour le coté vraiment culte du groupe et enfin les Islandais, Audn, qui feront une date unique en France a l’occasion du Tyrant Fest !


Nostalmaniac : L’an dernier Amenra a été annulé, ce n’était pas possible de les faire revenir cette année ? Ca reste dans les projets ?

Ta question me permet d’éclaircir la chose puisque la question revient souvent. Amenra a effectivement été recontacté cette année, mais leur tournée australienne ayant été confirmée en cours de programmation, nous avons opté pour notre autre coup de cœur disponible, Aura Noir. Leur venue au Tyrant Fest reste bien entendu possible sur une prochaine édition. 


Nostalmaniac : Le Tyrant Fest n’est pas un simple festival. J'avais beaucoup aimé l'an dernier l'idée du cinéma avec la diffusion du docu Bleu Blanc Satan. Apparemment, cette année, l'Auditorium va s'ouvrir à des ciné-concerts avec 4 groupes. Tu peux m'en dire plus ?

C’est incontestable, le 9-9bis nous a permis de développer le festival comme nous le projetions avec une zone annexe et ses différentes divisions (Vigo, Xpo, Kino, Dialo, Demo, Devo). Pouvoir occuper un site de cette taille permet une certaine créativité, quand nous avons su que nous allions pouvoir utiliser l'Auditorium, beaucoup de possibilités ont été émises en terme de projection, nous avons choisi Bleu Blanc Satan l’année dernière pour la partie Kino, car nous pouvions avoir les droits de diffusion. Cette année, ce sera Throane, Treha Sektori, Dirge et Monolithe qui s’y produiront sous forme de ciné-concert, prestations que je peux annoncer comme exclusives en France. Et pour tout dire nous n’avons pas réussi à avoir les droits du long-métrage que nous souhaitions, mais on retentera en 2019. J’invite tes lecteurs à se renseigner sur le site web du Tyrant Fest pour connaître la totalité des choses proposées dans l'Auditorium.


Nostalmaniac : Ça ne va pas se chevaucher avec le running order normal ? Combien de personnes peut contenir l’Auditorium ? 

Le planning est serré, mais nous nous sommes arrangés pour que ça se cale bien. En revanche l’Auditorium ne faisant que 120 places quand le Métaphone peut en contenir dix fois plus, il est certain que tout le monde ne pourra pas assister aux concerts qui se dérouleront dedans.


Nostalmaniac : Est-ce qu’il y aura comme l’an dernier une conférence en introduction du festival ? Tu peux m’en dire plus aussi ? 

Oui, on réitère la conférence qui avait remporté un franc succès sur la précédente édition. C’est Nicolas Bénard, docteur en histoire bien connu des métalleux pour ses différentes publications sur le sujet qui s’y colle le samedi sur le thème Les différents imaginaires Metal : représentations et sources d'inspiration. Le public pourra aussi participer et échanger le dimanche avec les artistes graphistes de la zone Xpo lors d’une rencontre ayant pour thème : Musiques Extrêmes et Arts Graphiques : liens, inspirations et illustrations.


Nostalmaniac : J’ai noté une petite nouveauté, c'est la rando pédestre sur le terril ! Comment ça se passera ? 

Oui, nous tenons à inclure le site du 9-9bis au maximum dans le festival, pour nous il est primordial de permettre au public de découvrir l’histoire de la région au travers du site. Donc cette année on intègre la visite de site sous forme de randonnée qui existe déjà dans le cadre du pôle patrimoine du 9-9bis. Le public (groupe de 30 personnes maximum) part du parking principal accompagné d’un guide pour une heure de marche sur le fameux terril 110 qui jouxte le site du festival. Il y a un départ chaque jour à 11h30, au retour à 13h00 la zone resto est déjà ouverte pour se restaurer et bien démarrer le festival qui ouvre à 13h30, les inscriptions se font sur le site du Tyrant Fest. Il y a une autre nouveauté, c’est la zone Demo, qui sera située au niveau des studios du 9-9bis et dans lequel notre partenaire Euroguitar va développer un showroom...


Nostalmaniac : Il y a d’autres choses que vous aimeriez développer par rapport à l’annexe dont l’accès est libre si je ne m’abuse ?

Oui, tout à fait, l’accès à la partie annexe du festival est gratuit, seuls les concerts au Métaphone nécessitent un pass pour y assister. Une chose dont nous n’avons pas encore parlé, c’est le remodelage du site, cette année Vigo (stands exposants) ne sera pas dans la superbe salle des douches. La raison est simple, une exposition temporaire est déjà en place au moment du Tyrant Fest, nous avons donc pris le parti, en accord avec le 9-9bis, de laisser cette exposition enrichissante culturellement afin de compléter l’accès au patrimoine et utilisons une autre partie du 9-9bis non exploitée en 2017, à savoir, les Chaufferies. Cela permet aussi de rendre l’accès plus simple aux différentes sections de l’Annex et de disposer d’un bar digne de ce nom en dehors du Métaphone. Le public peut déjà découvrir le nouveau plan d’implantation sur notre site web.

 


Nostalmaniac : Comment ça se passe avec les institutions locales ? Votre projet est-il bien perçu ?

Nous n’avons pas vraiment de dialogue avec les institutions locales dans le sens ou nous sommes en co-production avec le 9-9bis qui eux-mêmes sont en lien direct avec toutes ces institutions. L’essentiel pour nous est d’entretenir un dialogue régulier et ponctuel avec la structure qui accueille le festival. Un événement de cette taille c’est beaucoup d’idées mais aussi beaucoup de compromis pour aboutir finalement à une chose concrète qui tient la route. Sans le 9-9bis et son équipe, il n’y aurait clairement pas de Tyrant Fest sous sa forme actuelle. Nous travaillons ensemble depuis l’ouverture de la salle en 2013 sur différentes dates (Satyricon, Suicidal Tendencies, French big 4 …) et avons donc pris un rythme de croisière en termes de travail qui facilite aussi la mise en place de nouvelles idées ou de gestion des problèmes.


Nostalmaniac : J'imagine que vous avez encore des envies ou des idées à réaliser pour les prochaines éditions...

Évidemment, oui, il y a beaucoup d’idées que nous avons depuis la première édition et que nous ne pouvons pas encore réaliser même si les choses ont grossi et qu’il y aura pas mal de nouveautés, pour ne pas dire surprises cette année. En revanche, on a gommé ce qui a mes yeux était le seul vrai point noir, la zone resto qui était peu confortable et qui sera cette année augmentée d’une grande tente chauffée pour se détendre et se restaurer. Coté programmation, je suis un grand fan de Danzig depuis mon adolescence et j’aimerais beaucoup le convier sur une de nos prochaines éditions sous le line-up originel, mais là, ce n’est plus une envie, c’est plutôt un rêve ! Electric Wizard serait pour moi aussi une sorte de Graal personnel et la meilleure démonstration que le Tyrant n’est pas un festival de black metal mais bien un festival noir !
 

Nostalmaniac : En tant qu’organisateur et face à des grosses machines, tu as l’impression que les gens réclament de plus en plus des festivals plus spécialisés comme le tien ? Quels conseils donnerais-tu à quelqu’un qui voudrait lancer le sien ?

Pour moi, on ne peut pas scinder le public à outrance et réclamer des salles pleines, même sur une date ponctuelle de trois groupes, je cherche toujours la cohérence. Le public metal est un public de connaisseur qui veut qu’on respecte ses goûts, même sur un gros festival comme le Hellfest les différentes tentes permettent aux fans de death, de black ou de doom de s’en prendre plein les oreilles pendant trois jours, c’est une machine gigantesque avec une programmation éclectique certes, mais découpée en chapelles qui font aussi le succès de l’événement. Le Rock in Bourlon est un bon exemple régional, un concept fort, des groupes en mode découverte et des pointures, le tout dans une ambiance estivale qui colle bien au concept et au public rock stoner et doom, résultat des courses, un carton chaque année !
Pour les conseils, c’est simple, on m’a toujours dit que travailler dans la musique, qui plus est dans le metal était voué à perte, ce qui est certainement vrai pour ceux qui veulent devenir millionnaires, mais nous sommes encore là aujourd'hui avec un projet aussi excitant humainement que professionnellement donc je conseillerais juste de suivre sa voie malgré les critiques, les désillusions et les revers et de rester passionné, objectif et créatif !


Nostalmaniac : Je te laisse la conclusion de l’interview et je te remercie pour le temps accordé...

Je finirai juste sur deux précisions. Pour commencer nous ne sommes pas subventionnés et nous ne sommes pas rémunérés pour notre travail sur le festival en amont comme le jour J, le soutien du public est donc primordial pour conserver ce genre d’événements dans notre region. Et pour finir, sans le noyau dur qui m’entoure, je ne pourrais pas organiser un évènement de cette taille. On responsabilise chaque personne qui souhaite nous donner un coup de main et en ça, c’est déjà énorme, je tiens donc à remercier Justine, Céline, Hyacinthe, Elise, Clothilde, Mario et Corentin pour leur soutien indéfectible sur ce projet.


https://www.tyrantfest.com/

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Interview réalisée en octobre 2018.