Chronique Retour

Album

23 juillet 2018 - ZSK

Bestia Arcana

To Anabainon Ek Tes Abyssu

LabelDebemur Morti Productions
styleBlack Metal occulte
formatAlbum
paysUSA
sortiemars 2018
La note de
ZSK
8.5/10


ZSK

"On est tous le boomer de quelqu'un d'autre."

Il y a environ un an, nous vous parlions de Bestia Arcana à l’occasion de la sortie de son second méfait, Holókauston. Qui nous laissait sur divers constats. Le premier, c’est que la galaxie Nightbringer (rappelons que Bestia Arcana est un projet parallèle de Naas Alcameth qui fait un peu la même chose que Nightbringer, comme Akhlys par ailleurs), « c’était mieux avant », et que même si cet album réussissait à faire un peu mieux que les 3 derniers albums de Nightbringer, son prédécesseur To Anabainon Ek Tes Abyssu (2011) restait au-dessus. Eh bien, l’occasion va nous être donnée de replonger dans le glorieux passé de la carrière de Naas Alcameth, à l’époque encore accompagné de son binôme Nox Corvus. Debemur Morti nous a en effet proposé cette année de redonner une seconde chance au premier album de Bestia Arcana sorti en décembre 2011 par Daemon Worship Productions. Un digipack sobre avec un CD noir « carbone » comme DMP sait si bien en faire, pour un groupe et un album qui respirent l’occultisme et qui en transpirent par tous les pores. S’il le faut encore, passons par un petit rappel stylistique concernant la galaxie Nightbringer, Black-Metal très occulte qui retranscrit constamment une ambiance de messe noire, avec force trémolos chaotiques, vocaux possédés et atmosphère infernale. Et si au fil de sa discographie Nightbringer a privilégié la violence, Bestia Arcana ainsi que Akhlys ont plutôt creusé les ambiances, sans oublier le Black-Metal infernal mais en le dosant différemment. Et To Anabainon Ek Tes Abyssu reste aisément ce que Naas Alcameth et Nox Corvus ont fait de mieux. Avec Death And The Black Work, le tout premier album de Nightbringer sorti en 2008… année où a également été enregistré To Anabainon Ek Tes Abyssu. Ce n’est pas un hasard et c’est là que le duo américain était en grande forme.

En 5 morceaux, ce premier opus de Bestia Arcana va donc constituer ce qui se fait de mieux en matière de Black-Metal occulte. Pourtant, si on le découvre maintenant ou même si on l’avait découvert en 2011 après avoir déjà saigné Death And The Black Work et Apocalypse Sun de Nightbringer, il n’y aura aucune surprise, du moins dans un premier temps. "Cup of Babylon" démarre ainsi cet album dans le pur style de Nightbringer sans grandes fioritures, dans l’apocalypse musicale habituelle du combo américain, mais le démarrage se fait en fanfare et demeure digne du meilleur de Nightbringer, inspiré et efficace. Les trémolos virevoltent déjà et maintiennent une intensité constante, alors que l’ambiance chaotique si chère aux formations de Naas Alcameth se met en place progressivement, se tournant vers un Black-Metal frénétique assez monumental. Les 3 albums de Nightbringer sortis depuis 2011 n’égalent pas ce que Bestia Arcana faisait à l’époque en termes de puissance, c’est une certitude. Mais attention, Bestia Arcana n’est pas un simple copié-collé de Nightbringer et To Anabainon Ek Tes Abyssu va vite le montrer. Si "The Poison of Manasseh" demeure classique, avec cet aspect incantatoire très prenant là aussi cher aux projets de Naas Alcameth, la suite va nous amener ailleurs, nous faire franchir un portail dimensionnel à force d’incantations. "The Pit of Sheh-ohl" sera alors un morceau central totalement ambiant, bardé de vocaux incantatoires du plus bel effet. C’est là que Bestia Arcana se démarque, en passant du côté ambiant de la Force pour mieux nous entraîner dans sa messe occulte, et il réussit donc à amener un second souffle au BM Nightbringerien en poussant plus loin ses atmosphères, et en n’hésitant pas à épurer son propos pour mieux l’assombrir et nous emmener dans des contrées musicales différentes et sidérantes.

To Anabainon Ek Tes Abyssu s’avère être un album parfaitement cohérent et travaillé, passant par diverses humeurs, et l’ambiant de "The Pit of Sheh-ohl" nous amène donc logiquement à un morceau tel que "Feverwind", nettement plus épique et particulièrement prenant ceci dès les premières montées de leads assez fantastiques. Des abysses où il pratique ses incantations, Bestia Arcana se tourne vers le filet de lumière des divinités. Et pourtant, même avec quelques mélodies libératrices, Bestia Arcana est toujours aussi noir et malsain, surtout au niveau des vocaux toujours très possédés. Mais To Anabainon Ek Tes Abyssu est assurément l’album le plus varié et le plus passionnant de toute la discographie de Nightbringer, Akhlys et Bestia Arcana réunis. Et "Feverwind" en est une des œuvres les plus marquantes, car en marge du BM frénétique pratiqué d’habitude, mais sans perdre l’occultisme. Des composantes qui se retrouvent néanmoins sur le fleuve "Shepherd of Perdition" de clôture, qui boucle la boucle en retrouvant le BM Nightbringeresque du début d’album, sa violence et le chaos de ses trémolos, il subsiste toutefois un aspect plus épique grâce à certains leads, et le duo donne toujours dans une forme d’apocalypse monumentale. 7 ans après et alors que de l’eau a coulé sous les ponts, entre un Nightbringer qui stagne sévèrement, un Nox Corvus qui n’est plus de la partie et un second album de Bestia Arcana assez hétérogène, To Anabainon Ek Tes Abyssu se redécouvre et remet en avant toute sa grandeur. C’est sans conteste ce que Naas Alcameth a produit de mieux en termes de BM occulte, avec Death And The Black Work de Nightbringer, et avec le recul il lui est même un peu supérieur en amenant plus de variété avec notamment une partie centrale plus atmosphérique totalement bluffante et sans équivalent. Si l’effet de surprise a disparu depuis bien longtemps (ce qui est aussi le problème des derniers Nightbringer soit dit en passant), cette réédition du premier album de Bestia Arcana est tout de même indispensable tant elle montre un duo américain qui était au sommet de son art et n’a malheureusement jamais été aussi inspiré depuis. Le Nightbringer/Bestia Arcana de la fin des années 2000 était un monstre de Black-Metal occulte, il n’a hélas jamais confirmé son terrible potentiel, ce qui confère un statut relativement culte à un album comme To Anabainon Ek Tes Abyssu aujourd’hui.

 

Tracklist de To Anabainon Ek Tes Abyssu :

1. Cup of Babylon (8:32)
2. The Poison of Manasseh (4:42)
3. The Pit of Sheh-ohl (8:43)
4. Feverwind (7:21)
5. Shepherd of Perdition (10:32)

 

Les autres chroniques