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Album

26 juin 2018 - ZSK

Sphæra

Teratology

LabelSpheres Records
styleDeath Metal progressif
formatEP
paysFrance
sortiejuin 2018
La note de
ZSK
7.5/10


ZSK

"On est tous le boomer de quelqu'un d'autre."

Ceux qui ont écumé les concerts lorrains ces dernières années ont peut-être eu l’occasion de voir sur les planches le groupe originaire de Jarny qu’était Slatsher. Une formation prometteuse dans le domaine du Death-Metal technique et progressif, qui progressait à vue d’œil sur scène et annonçait du lourd, avec en sus un excellent premier album sorti en 2013, Human Light Leakage. Une sensation était en marche, mais si vous lisez bien, vous aurez remarqué que je parle au passé… car Slatsher a malheureusement splitté en 2017. On ne saura donc jamais ce qu’aurait pu donner la formation sur la durée, elle ne nous laissera que le souvenir de concerts maîtrisés et d’un album très réussi. Mais l’aventure ne s’arrêtera pas là. Tout du moins du côté du style pratiqué par Slatsher, le Death progressif. Si le guitariste Hugo Florimond s’est déjà fait remarquer avec le groupe Fractal Universe qui a sorti l’an dernier le bien bon Engram Of Decline, l’autre gratteux Yan Binot a embarqué avec lui le dernier bassiste de Slatsher Dimitri Kurzepa pour former un nouveau groupe, Sphæra, complété par le chanteur Vled Tapas (ex-claviériste de DespairHate) ainsi que le guitariste lead Kévin Neiter et le batteur Clément Legouverneur. Et Fractal Universe d’un côté et Sphæra de l’autre vont ainsi poursuivre une partie de l’œuvre musicale de Slatsher. Si Fractal Universe, qui existait tout de même avant le split de Slatsher, a pris le parti technique sans négliger l’aspect progressif, Sphæra va donc tenter des choses plus originales et appuyer sa personnalité et ses oripeaux progressifs. Si leur premier EP C8H11NO2 sorti l’an dernier était assez classique mais démontrait sans mal les qualités des musiciens, c’est avec Teratology, nouvel EP de 3 titres, que Sphæra va vraiment se démarquer.

Tératologie (et non pas Tétralogie vu que cet EP ne comporte que 3 titres…) ou l’« étude des anomalies et des monstruosités des êtres vivants », tel est donc le concept de Teratology, et le groupe l’a d’ailleurs développé sur une série de posts sur sa page facebook, je vous conseillerai donc d’aller y fouiller pour trouver plus de détails. L’occasion aussi de présenter cet EP avec une pochette travaillée, qui va annoncer la couleur. Sphæra se serait-il pour autant mis au Circus-Metal ? Pas du tout, mais Teratology va tout de même développer quelques facéties… Arrêtons-nous déjà sur la base, Sphæra pratiquant donc un Death-Metal progressif aux compos techniques et complexes, dont les influences sont nombreuses, et qui bien évidemment évoque la plupart du spectre employé par Slatsher en son temps. Là-dessus se greffent les vocaux de Vled Tapas, qui oscillent entre growls assez classiques et vocaux plus clairs, une seconde catégorie vocale qui va être à la base des originalités de Teratology. Mais on commence par un "Proteus" dans la lignée des morceaux de C8H11NO2, avec des riffs techniques remuants et râpeux, et des leads enjoués, le tout évoluant dans un registre tour à tour bavard et lourd. Mais les parties en vocaux claires amènent déjà un petit aspect épique et même accrocheur, un peu à la manière de certaines œuvres d’Obscura. Sphæra maîtrise la forme, ce qu’on pouvait attendre de lui avec le bagage de Slatsher de toute façon, même si on ne retrouve pas encore l’excellence de la production de Human Light Leakage. Et Teratology, du haut de ses 14 minutes à peine, va faire évoluer le fond, avec un "Freaktion" qui privilégiera les compos plus écrasantes, alors que le chant clair amènera là-dessus une ambiance particulière. C’est là que Sphæra commence à développer une ambiance plus théâtrale, un poil plus barrée même, qui atteint déjà son paroxysme avec ce break avant-garde/cabaret du plus bel effet, d’autant qu’il était inattendu.

Et ce n’est pas fini car Sphæra va sur cette lignée se lâcher pour (déjà) le dernier morceau de Teratology, "The Fallen". Les compos complexes sont déjà particulièrement inspirées, mais Sphæra surprend ici avec des parties de chant clair complètement folles, avec une musique qui se met au diapason. De Obscura, on passe donc presque à certains moments les plus barrés de la discographie de Devin Townsend ! Le tout avec une certaine cohérence vu qu’on ne part jamais dans tous les sens et les compos demeurent accrocheuses et efficaces, la base restant un Death-Metal technique tout à fait digeste. 5 minutes vraiment réussies et passionnantes (le dernier passage est vraiment savoureux) concluent cet EP qui peut paraître frustrant vu qu’on attendait peut-être déjà un premier album après C8H11NO2, mais Sphæra profite de ces formats courts pour poser son évolution. Qui donc, s’avère prometteuse, s’éloignant de certains pans de la musique de Slatsher pour proposer quelque chose de plus personnel, toujours avec cette base Death-Metal prog’ où les musiciens n’ont plus grand-chose à prouver. Je regrette encore le split de Slatsher qui aurait pu aller bien loin, mais Fractal Universe faisait déjà une partie du boulot et Sphæra le complète et promet d’aller aussi voire plus loin que Human Light Leakage en changeant légèrement le registre, en façonnant une nouvelle personnalité, en appuyant un aspect progressif plus original. En faisant les dernières améliorations de forme nécessaires et en poursuivant l’effort de fraîcheur entrevu sur "Freaktion" et "The Fallen", le futur premier full-length de Sphæra va très probablement être tout à fait excellent. On espère donc que la formation lorraine pourra aller cette fois-ci au bout de ses ambitions, il ne nous reste plus qu’à attendre en restant pour le moment sur la surprise et la satisfaction concoctée par les 3 compositions de Teratology. Et on peut toujours se repasser Human Light Leakage, si ce n’est pas déjà fait

 

Tracklist de Teratology :

1. Proteus (3:45)
2. Freaktion (4:55)
3. The Fallen (5:05)