Chronique Retour

Album

06 avril 2018 - Storyteller

WuW

Rien Ne Nous Sera Epargné

LabelProsthetic Records
styleDark Prog Ambiant
formatAlbum
paysFrance
sortiemars 2018
La note de
Storyteller
8/10


Storyteller

Why not ?

Rien ne nous sera épargné, c'est souvent la devise des oreilles du chroniqueur et du métalleux en général. Alors imaginez la situation quand on nous présente un album qui arbore cette phrase comme son titre. Un vrai challenge ! Il est difficile de trouver des traces des deux musiciens qui composent WuW. On dira que ce sont deux frères qui ont trainé leurs guêtres sur la scène musicale, allant du classique au jazz en passant par les formations plus typées metal comme Blaak Heat et ses sonorités orientales. Dans ce projet, ils ont voulu apporter une touche expérimentale à leur musique et surtout laisser leur inspiration les porter dans un monde où la lumière brille peu, à l'instar des caves voûtées parisiennes où la musique s'exprime en profondeur.

Le manque de lumière se fait ressentir au premier abord, la pochette est noire et grise et représente une porte délabrée dans une maison pas forcément au meilleur de sa forme. On arriverait même à imaginer la cabane de la sorcière dans le premier Blair Witch Project, sordide au fond des bois, avec on ne sait quelle créature vivant en ermite derrière la porte. Plus que les jump scares, on sent ici la noirceur de la suie qui va nous entraîner sur six titres dont les noms en français sont longs et seront les seuls éléments d'une histoire qui se jouera dans notre tête et nos oreilles, puisque seuls les instruments ont le droit de cité ici.

Le début de cette chronique ne sent pas l'optimisme et la joie de vivre et pourtant WuW n'est pas un groupe sinistre. Au contraire, le duo ne tombe pas dans l'écueil du trop sombre ou du trop expérimental. Ils distillent des touches d'originalité, des nuances qui n'envahissent pas les titres comme cette étrange sonorité aiguë, proche d'une guitare ou d'un clavier très saturé sur A l'Ecart des Chemins Fatigués de nos Habitudes. Certains titres donnent aussi l'impression de s'étendre à l'infini, Vivre à la Splendeur des Crépuscules, neuf minutes où la conclusion s'étire avec une guitare qui traîne et deux autres qui "jouent" les derniers rayons du soleil. Tout ceci fait penser à ces moments de plénitude face au soleil couchant jusqu'à ce que seules les ténèbres subsistent.

Les tempi sont lents et les chansons prennent le temps de respirer, les titres sont assez longs en général, entre cinq et neuf minutes. On sent parfois presque une touche d'improvisation avec des structures répétées qui vont évoluer au fur et à mesure. En dehors de cette habitude empruntée au jazz, on peut reconnaître des styles qui se rapprochent de domaines plus connus sous nos latitudes. Le guitare du shoegaze par exemple, toute pleine de lamentations, est présente tout comme une batterie sèche avec une très grosse grosse caisse pour faire exploser les sons.

Mais le travail des deux frères reste précis et fait de toutes petites choses qui font la différence. Voir en Même Temps l'Humour et la Tragédie débute avec des instruments exotiques comme des clochettes, et il faut une oreille très attentive pour voir les subtilités et les détails de ce titre très particulier. On a l'impression d'un montage progressif avec des boucles : chaque instrument joue une boucle et par dessus se rajoute une piste, basse, percussions, guitares. Tout ça donne un morceau intellectuellement pas aussi linéaire que ça puisque l'ensemble se dirige vers un climax plus tendu (guitares et percussions) avant de redescendre sereinement. De la même manière, l'ambiance de Une Barque Sans Rames prend de l'ampleur, du volume au fur et à mesure, et n'a pas besoin d'un excès d'artifices pour accrocher l'oreille et faire sentir un certain côté dramatique sur une structure relativement répétitive.

La question se pose en conclusion : dans quelles circonstances apprécier cet album ? On a clairement en face de nous un disque qui ne se prête guère aux soirées festives, aux trajets en voiture ou encore aux sessions découverte avec des non-initiés. Il faut une écoute attentive, un moment hors du temps ou une session live pleine de lumières et de fumée pour profiter de Rien Ne Nous Sera Epargné. Et on découvre un album, fruit d'un travail personnel et singulier, croisement d'expérimentations qui ne sont ni baroques, ni prétentieuses. Le côté progressif de la musique se lit dans la « progression » de chaque morceau qui suit son chemin particulier. A ne pas mettre entre toutes les oreilles mais je suis vraiment heureux d'avoir fait ce voyage aussi loin.

Tracklist :

1. Pour ce qu'il en restera
2. Vivre à la splendeur des crépuscules
3. Voir en même temps l'humour et la tragédie, en toute chose, à chaque instant
4. Nous étions venus au monde pour être des personnes
5. Une barque sans rames
6. À l'écart des chemins fatigués de nos habitudes
 

Les autres chroniques