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Album

14 novembre 2017 - Thirsty

Monarch!

Never Forever

LabelProfound Lore Records
styleFuneral Doom / Drone / Sludge
formatAlbum
paysFrance
sortieseptembre 2017
La note de
Thirsty
8.5/10


Thirsty

Malgré le retour à un dynamisme économique important dans la zone euro en cette année 2017, il semblerait que Monarch! ne soit toujours pas en quête de vivacité dans son dernier méfait. Soyez sans crainte, composé de l'imposant bassiste tatoué Mic, du divin Shiran à la guitare (aussi chez les transcendants Year Of No Light), de la mystique chanteuse/crieuse Émilie (aka Eurogirl), du nouveau batteur Nemri et de l'élégant Stéphane à la guitare, le groupe de Bayonne ne semble pas exposé à la médiocrité, bien au contraire. Comme gage de qualité il est à noter que Monarch! appartient à l'écurie canadienne Profound Lore Records depuis 2014. Label qui se situe plutôt à l'avant garde de la scène Metal et qui signe des groupes dont le point commun le plus frappant est l'excellence (Agalloch, Krallice, Altar Of Plagues, Bell Witch, Ash Borer, Full Of Hell, Old Man Gloom, Cobalt... ma liste pourrait faire toute une page alors je m'arrête là). Mine de rien, le groupe est présent depuis plus d'une décennie et n'a bien heureusement toujours pas décidé de troquer son Funeral Doom dronique et sludgesque contre du Power Sympho à chanteuse ou du Thrash en jean slim déchiré et baskets hauts sommets blanches. Never. Forever.

Honnêtement, rares sont les groupes de Funeral Doom qui ne me fassent pas chier. Ce style est soit génial soit bien souvent ennuyeux à mourir pour ma part. Je vais être direct et ne laisser aucun suspens inutile. Vous pouvez dès à présent mettre Monarch! dans la première catégorie, dernier album inclus.

Le groupe, et c'est encore plus visible sur ce Never Forever, propose une musique lente, triste, belle, profonde mais aussi variée, ce qui n'est pas inhérent à ce style.

Le son de ce nouvel album, c'est un peu un ménage français qui aurait un peu trop viré vers le satanisme.

D'abord, il y a le chef de famille. Vêtu de son shirt Discharge, Corrupted ou Disclose, il affiche une mine un peu grognon sur les bords. Il abuse parfois un peu trop de l'alcool aussi, ce qui le rend violent et imprévisible. Faut dire, très pris par son travail, il se montre parfois stressé et dépité et l’alcool est son seul remède, même si son comportement n'est pas excusable. On le retrouve tout au long de l'album. D'abord dans le jeu de batterie lent et accablé sur « Of Night, With Knives » ou sur « Diamant Noir ». Ce jeu de batterie, légèrement en arrière-plan dans le mix, se veut volontairement nonchalant, froid et répétitif. Il semble que celui-ci trace son chemin en solitaire. Ce chemin semble interminable et ô combien monotone. Le père l'emprunte car il n'a pas d'autre choix pour subvenir aux besoins de sa famille. Au fond de lui, il sait qu'il n'arrivera jamais au bout. Alors il gronde dans la nuit quand tout le monde est endormi. La basse très présente sur ce premier morceau et sur « Lillith », le dernier, illustre bien ce père qui grogne et ronfle la nuit à en faire trembler les murs. Lorsqu'il est seul, il en profite pour éructer sa frustration (8'51 à 9'01, le chant guttural de Mic sur le premier morceau). Ça ne dure jamais bien longtemps. Il doit faire figure d'autorité et incarner la stabilité, il ne doit pas se permettre ces moments de faiblesse.

Un élément est marquant chez Monarch!. Ce groupe, même s'il puise parfois de bons gros riffs virils dans les classiques du genre (Winter, Thergothon... Tiens j'avais pas parlé de groupes de Funeral Doom qui me paraissaient chiants précédemment ?) dégage une finesse et une douceur gorgée de féminité. C'est évident me direz-vous, étant donné qu'une femme occupe le chant. Non, ce n'est pas évident. Prenez le groupe mythique Thorr's Hammer. Une très jolie demoiselle Runhild Gammelsæter officie derrière le micro, pourtant leur unique album ne sonne pas du tout féminin à mes oreilles. Monarch! développe une sensibilité très féminine sur cet album  et globalement dans toute sa discographie (et pas seulement Émilie). Cela va de la pochette du dernier album avec ses papillons funestes, au nom du groupe (le monarque étant un type de papillon), aux noms des morceaux (« Diamant Noir », « Cadaverine », qui pourrait être un joli prénom féminin à l'instar de Constantine ou de Philippine, je rigole bien sûr), et du contenu des morceaux.

Comme chez Year Of NoLight, Shiran Kaïdine maîtrise sur le bout des doigts l'art de l'harmonie sonore. Chaque larsen, chaque bruit... est là quand il le faut et sonne comme désiré (Mon Dieu ce travail du son sur « Lillith » !). Cette mère semble apporter un peu d'harmonie dans cette famille tourmentée. Elle l'adoucit par sa quiétude et sa délicatesse. Le chant super envoûtant d’Émilie tout au long de l'album atteste de cela (surtout sur « Cadaverine » où le chant est à certains moments très rassurant). D'une pureté rare, il transcende l'auditeur. En tout cas moi il me transcende. Ce chant se fait même joyeux à certains moments, ce qui fait vraiment du bien. Le reste de l'album s'avérant quand même très triste il faut le dire. Cependant, cette mère, comme le reste de la famille, est quand même bien possédée par Satan. Elle récite des poèmes lors de rituels obscurs qu'elle organise, et répète inlassablement son inquiétante locution « le sang des innocents » sur le premier et le troisième morceau. Sur « Of Night, With Knives » à 4'40 elle chantonne toute seule avec gaieté. Ce passage complètement hypnotisant m'évoque la femme du radiateur dans le premier film de David Lynch, Eraserhead. Cette femme porte toute la gentillesse et la candeur du monde. Elle porte un visage souriant et apaisant mais qu'est-ce que ce passage peut être dérangeant et malsain à la fois !

Enfin, il y a l'unique enfant. L'adolescent, émotionnellement heurté par le comportement violent de son père, crie toute sa rage et son mal-être malgré les murmures de sa mère qui viennent le raisonner (« Of Night, With Knives »). Chez Monarch! il y a aussi un côté très adolescent en effet. Le groupe a sorti un 7'' nommé « Sacrifice your parents, Satan wants you to » au nom limite risible il faut l'avouer. J'ai hésité à acheter le t shirt parce-qu’il y avait écrit cette phrase dessus également (bon, finalement je l'ai pris, parce que c'est Monarch! quand même). Alors oui, l'adolescent écoute en boucle du Slayer qu'il vient de découvrir afin d'affirmer sa personnalité et pour exprimer sa haine. Surtout le morceau « Angel Of Death ». Il adore le passage « Monarch to the kingdom of the dead ». Il joue un morceau de Kiss avec ses potes. Le classique « Black Diamond ». Monarch! reprend en effet un morceau de Kiss. Ce n'est pas pour la première fois que le groupe fait un cover (ils avaient repris un morceau des Misfits auparavant) mais celui-ci est du plus bel effet. Cette reprise de Kiss est méga osée. Le refrain est si beau. Le morceau initial perd son côté rock n' roll évidemment mais cette reprise est juste super intelligente. Je sais bien que reprendre un morceau d'un style complètement différent est chose courante. Ça fait rire le métalleux moyen, mais là c'est différent, c'est super fin et très bien vu. Ça colle parfaitement avec le Doom du groupe, sans pour autant transformer complètement le morceau initial qui garde son groove mais qui revêt un caractère plus solennel et funeste.  De plus, ce morceau est vraiment frais. Heureusement qu'il est présent même. L'audace de cette reprise redonne le sourire alors que l'auditeur avait tendance à plutôt froncer les sourcils jusque là. L'adolescent écoute aussi un peu les musiques de papa. Il est tombé sur une cassette de Tangerine Dream l'autre fois. Le dernier morceau de « Never Forever » commence par une partie de clavier minimaliste. On dirait en effet un morceau du groupe allemand Tangerine Dream. La batterie et la guitare viennent peu à peu se greffer sur ce clavier, puis la basse et le chant. Ce morceau s'éloigne des profondeurs du Doom que pratique Monarch! pour rejoindre le ciel. Mais l'enfant se remet à crier. Sa souffrance doit sortir. Elle est le fruit d'un secret de famille trop longtemps gardé. Il appelle et implore Satan comme dernier secours.  L'album prend fin sur un riff de guitare lent et désespéré. Aucune solution à cette souffrance n'a été trouvée. La fin de ce récit est quand même appréciable. L'album est doté d'un degré d'émotion puissant qui ne laisse pas sans séquelle l’auditeur. Il était temps que cela se termine malgré tout.

Comme je le disais précédemment, Monarch! est un des seuls groupes de Funeral Doom qui m'enchante vraiment. Cela est dû au fait que les musiciens possèdent une maîtrise solide de leurs instruments mais ne perdent pas en feeling pour autant et n'hésitent pas à les jouer à un volume indécent sur scène. De plus, particulièrement sur cet album, le son du groupe est varié, surtout au niveau du chant (murmures, incantations, spoken words, chant aérien, cris...). L'album est très prenant émotionnellement et possède une vraie délicatesse, une esthétique très féminine et raffinée. Je m'excuse d'avoir véhiculé dans cette analyse certains stéréotypes de genre. Non, l'homme ne doit pas forcément être violent et viril, non la femme n'est pas forcément calme et délicate. Seulement, ces images me sont venues directement en tête à l'écoute de l'album et je trouvais stupide de les réfuter alors qu'elles me sont apparues naturellement. La première impression étant souvent la bonne !

Tracklist :

1. Of Night, With Knives
2. Song To The Void
3. Cadaverine
4. Diamant Noir
5. Lilith