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Album

12 mai 2017 - ZSK

Ulsect

Ulsect

LabelUnderground Activists / Season of Mist
stylePost-Death Metal
formatAlbum
paysPays-Bas
sortiemai 2017
La note de
ZSK
9/10


ZSK

"On est tous le boomer de quelqu'un d'autre."

Dodecahedron ne sort un album que tous les cinq ans et n’en a sorti que deux. Cela ne vous suffit pas et je vous comprends. Ulcerate n’est pas spécialement productif non plus, Gorguts s’est reformé mais n’a pas encore sorti de successeur à Colored Sands (2013) si ce n’est un EP, Mitochondrion donne de ses nouvelles tous les tremblements de terre et ne parlons pas de Deathspell Omega qui n’a rien trouvé de mieux que de sortir l’an dernier un (hum) « album » de 29 minutes, quatre ans après Drought et six ans après Paracletus. Tout cela pour dire qu’il vous faut probablement dès à présent une nouvelle dose de Death/Black post-chaotique. Mais alors que le dernier Ulcerate est encore un peu chaud (le « dernier » DsO aussi, d’ailleurs) et que Dodecahedron vient à peine de sortir son second méfait, voilà du neuf et du clinquant dans le registre voulu avec ce premier album d’Ulsect. Pourquoi j’ai commencé en parlant de Dodecahedron me direz-vous, c’est tout simplement parce qu’Ulsect est un projet parallèle de deux Dodecahedron, le guitariste Joris Bonis et le batteur Jasper Barendregt, rejoints ici par Dennis Aarts qui fut bassiste de Textures de leurs débuts jusqu’à l’album Drawing Circles (2006), ainsi que deux autres membres (le chanteur Dennis Maas et le guitariste Arno Frericks). Et d’une certaine manière et si on voudrait faire un raccourci grossier quoique pas totalement faux, Ulsect est la version Death-Metal de Dodecahedron. Oh, cet « autre » groupe néerlandais est tout de même moins schizophrène et frappadingue que le Dodécaèdre, mais on retrouvera forcément le même touché dissonant et chaotique, et les ambiances occultes et apocalyptiques. « Post-Death Metal », l’étiquette est lâchée et semble même désormais vouée à vraiment définir ce Metal complexe et retors, mais aéré et sombre, délivré par Ulcerate, Setentia et les autres descendants de Gorguts. Et voyons désormais ce que Ulsect, ce nouvel avatar de Metal d’une autre dimension, a dans le ventre.

Basse vrombissante, ambiance inquiétante, section rythmique tapageuse, arpèges et breaks sinistres, chant possédé, dès "Fall to Depravity" nous comprenons que nous avons avoir affaire à quelque chose d’énorme. En près de 7 minutes, Ulsect nous montre déjà toutes ses capacités, ainsi que son inspiration avec à la clé des riffs monstrueux et des structures parfaitement agencées. Ce Death-Metal blackisant, chaotique et terreux, noir et malsain, fait montre d’un potentiel redoutable, et vu le background (pourtant pas si étoffé que ça) des musiciens, on peut déjà dire que Ulsect confirme et se pose comme une splendide révélation. Rien que ça et oui, en un seul morceau s’il vous plaît. Il est sûr qu’il va falloir tenir la cadence mais Ulsect a toutes les cartes en main. Se basant certes sur des influences et des éléments de fond et de forme connus, le groupe néerlandais ne demande qu’à exploser et à se poser directement comme une des formations majeures du style, même si ce n’est qu’un début. On retrouvera donc tout du long des 42 minutes de ce premier album éponyme des compos résolument chaotiques, même si la complexité de l’ensemble n’est jamais étouffante, un ensemble de toute manière aéré par de nombreux breaks, ainsi que par les arpèges inhérents au style qui se taillent la part du lion, et par de savants ralentissements de tempo. Un peu plus digeste qu’un Ulcerate et qu’un Deathspell Omega finalement, Ulsect bénéficie en outre d’une production parfaitement claire, et si la verve des deux Dodecahedron se ressent à chaque instant, l’homme en vue est aussi l’ex-Textures Dennis Aarts vu comment sa basse écrasante domine l’espace sonore de cet album, lui donnant un souffle et un cachet insoupçonnés en plus de participer à l’atmosphère d’apocalypse. Un ensemble qui m’évoque le Nadir de Beyond Terror Beyond Grace, mais en mieux encore. Encore un autre monstre sorti des profondeurs terrestres…

"Our Trivial Toil", le morceau le plus long de l’album (presque huit minutes) nous montre un Ulsect qui tutoie déjà les abysses et les étoiles à la fois. Entre des rythmiques ultra pesantes, des arpèges bien glauques, et des trémolos et mélodies épiques, le groupe néerlandais complète son répertoire et excelle sur toutes les composantes d’un Post-Death Metal bien torturé. Et encore une fois, on est submergé par ce vrombissement de basse si sidérant et puissant, avec à la clé des moments particulièrement massifs, parvenant à donner un côté monumental à cette ambiance morbide, portée par un long break bien occulte. A mi-chemin entre la violence et la lourdeur, Ulsect terrasse son auditoire de toutes les manières possibles, et continue sa messe abyssale avec le très rampant "Diminish", où le chaos musical nous réserve tout de même des compos cossues, avec des riffs bien râpeux. L’interlude de luxe "Moirae" devrait nous permettre de respirer un peu mais non, Ulsect est bien déterminé à nous maintenir sous terre à grands coups de riffs percutants. Et enchaîne d’ailleurs avec un autre monstre, le mortel "Unveil", morceau le plus efficace et véloce d’Ulsect où le groupe démontre encore une fois qu’il jouit d’une inspiration sans faille et d’une maîtrise parfaite de ses schémas chaotiques. Et savant comme il est, Ulsect tempère de suite cette déferlante par une piste bien lourde et désenchantée, "An Augury", ou encore une fois le son tellurique fait son œuvre avec brio. La formation n’a déjà plus qu’à définitivement confirmer ses premiers efforts et "The Endling" est là pour montrer qu’Ulsect n’a déjà presque plus rien à prouver à personne, en livrant quelque chose de maîtrisé de bout en bout, entre dissonances et martèlement de riffs bouillonnants, le tout porté par un chant classique et bien dosé sans des tonnes d’effets. Une authenticité, une simplicité dans la complexité, qui a accouché d’une belle créature dans le registre du Death-Metal apocalyptique.

Une dernière plage bien noire et possédée, "Maunder", et Ulsect nous quitte déjà pour cette fois mais laisse derrière lui une première œuvre déjà totalement aboutie. On attendait limite rien de ce side-project de Dodecahedron sorti d’un peu nulle part sur le même label, et la claque n’en est donc que plus grande. En 8 morceaux, Ulsect déglingue déjà les 2/3 du roster actuel de Dark Descent Records, même s’il est vrai que la formule des néerlandais est plus propre, plus « produite », plus accessible mais le fond est le même, du chaos, de la terreur, des ténèbres, de l’apocalypse. C’est pas du Portal, c’est quelque chose avec une puissance de frappe plus assumée, fait pour rivaliser avec Ulcerate et Deathspell Omega et qui y arrive aisément, se mettant direct au niveau des grands maîtres. Il n’y a même rien de bien neuf mais Ulsect est un véritable exploit tant le groupe a tout compris, a fait dans le détail pour nous livrer d’emblée une œuvre totalement et absolument réussie pour le style. Avec un son du feu de Satan porté par un Dennis Aarts qui provoque de menus séismes avec ses grosses cordes, Ulsect déroule ses compos inspirées, tour à tour percutantes et écrasantes, parsemées d’arpèges et de dissonances occultes comme jamais. Un modèle de chaos contrôlé, qui n’a pas attendu d’avoir quelques années de carrière et d’expérience pour se faire remarquer. On savait que Dodecahedron avait un énorme potentiel, et de deux ses musiciens viennent de le faire exploser ailleurs. Kwintessens doit encore être confirmé mais ironiquement et quelques semaines plus tard seulement, Ulsect lui dame le pion dans un registre plus Death. C’est sûr, il se passe quelque chose d’énorme aux Pays-Bas, et si Dodecahedron ainsi que les formations néo-zélandaises ne vous ont pas suffi, Ulsect arrive à point nommé avec un premier opus particulièrement saisissant. Ne cherchez pas longtemps la révélation de 2017, la voilà avec un album sensationnel qui a les moyens de faire date dans un giron dédié au chaos, qui est en train de vraiment s’affirmer, le giron du « Post »-Death Metal.

 

Tracklist de Ulsect :

1. Fall to Depravity (6:45)
2. Our Trivial Toil (7:58)
3. Diminish (5:52)
4. Moirae (2:20)
5. Unveil (4:23)
6. An Augury (3:58)
7. The Endling (4:42)
8. Maunder (6:32)