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jeudi 15 décembre 2016

Age of Woe (Sonny)

Sonny Stark

Nostalmaniac

Le Max de l'ombre. 29 ans. Rédacteur en chef de Horns Up (2015-2020) / Fondateur de Heavy / Thrash Nostalmania (2013)

Vous les avez peut-être vus il y a quelques mois dans l'Hexagone. Les Suédois de Age of Woe sont venus défendre leur nouvel opus, « An Ill Wind Blowing ». Une collision entre Death Metal, Sludge et Crust pour un résultat sombre, viscéral et crasseux absolument jouissif. J'ai taillé le bout de gras avec son leader, Sonny Stark.

Nostalmaniac : Salut Sonny, comment vas-tu ? C'est la première interview de Age of Woe pour un 'zine francophone ?

Sonny : Je vais bien, je t'en remercie, et toi ? Je ne suis pas certain que ce soit notre première interview pour un 'zine francophone mais c'est fort possible.
 

Je vais bien aussi et très heureux de m'entretenir avec toi. Avant de se plonger dans le nouvel album, j'aimerais te parler de votre dernière tournée. Comment ça s'est passé ?

Sonny : La tournée qu'on a pu faire en octobre/novembre était vraiment cool, surtout qu'on a pu jouer en France et en Belgique. Nous n'y avions jamais joué auparavant. C'était donc très excitant. On a joué à six reprises en France et une fois en Belgique. C'était super d'essayer quelque chose de nouveau. Les dates en France et en Belgique ont été bookées par Florian (GDQ Bookings/Department of Correction) et il a fait du très bon boulot. On a également joué en Allemagne, en Suisse et aux Pays-Bas durant cette tournée. Tout ce que je peux dire c'est que c'était une tournée réussie, la première pour promouvoir notre nouvel album « An Ill Wind Blowing ».
 

Vous avez donc joué six fois en France en octobre dernier. Tu as un bon souvenir en particulier ? ... ou un mauvais ?

Sonny : On s'est bien amusés et la plupart des groupes et des promoteurs ont été très gentils avec nous. On a beaucoup de bons souvenirs en France et les concerts étaient très bons. Je crois que les gens venus à nos concerts ont apprécié.
 

Vous organisez donc vous-mêmes vos tournées la plupart du temps ? C'est un choix délibéré ? 

Sonny : Oui et non. Je veux dire que je m'occupe principalement de planifier et booker la plupart de nos concerts et de nos tournées depuis des années mais bien sûr, on travaille aussi avec des bookers et des agences de temps en temps. Je pense que cette manière de travailler est la meilleure pour nous en ce moment, mais on est toujours à l'écoute pour de nouvelles coopérations. 
 

J'ai pu vous voir en Belgique et il y avait malheureusement très peu de gens...  C'est les risques du DIY ?

Sonny : Ah oui, je me souviens bien, c'était à Lens, en Belgique. Un village tranquille au milieu de nulle part. Ce n'est pas ce qui était prévu au départ et il semblait évident qu'il n'y aurait pas beaucoup de monde. C'est difficile de ramener des gens là-bas apparemment. En plus, c'était un lundi... Mais bon, on s'est bien amusés. C'est comme ça une tournée, parfois il n'y a personne et ça, tu peux trouver plein de raisons, mais tu fais ce que tu dois faire en jouant ta musique et en t'amusant. C'est le plus important. Après oui, les samedis, lundis et mardis sont toujours les jours les plus difficiles pour les tournées.
 

Votre nouvel album, « An Ill Wind Blowing », est donc paru le 14 octobre dernier via le label allemand War Anthem Records (Bombs of Hades, Cliteater, Darkened Nocturn Slaughtercult). Tu connaissais déjà ce label ? Les Allemands sont-ils plus réceptifs à votre style de musique ?

Sonny : Oui, je connaissais déjà le label et je suis fan de certains groupes de leur roster actuel ou passé comme Bombs of Hades, LIK ou encore Asphyx. On a aussi pu rencontrer les gars du label à plusieurs reprises durant notre tournée. À Weimar, en Allemagne, par exemple. C'est vraiment des gens bien. On s'est toujours bien plu en Allemagne et c'est un plaisir de venir jouer là-bas. Je ne sais pas s'ils sont plus réceptifs, mais ils ont l'air d'apprécier ce qu'on fait. En tout cas, je suis satisfait du boulot du label et les chroniques sont très bonnes jusqu'à maintenant.
 

Pour vous, cet album est un grand pas depuis « Inhumanform » (2013) ? Comment s'est déroulé le processus de composition ? Vous aviez une idée précise de l'album que vous vouliez ?

Sonny : Un nouvel album est toujours un grand pas et celui-ci ne fait pas exception. « An Ill Wind Blowing » nous a demandé beaucoup de temps et beaucoup de raisons peuvent expliquer cela mais on a travaillé vraiment dur dessus. Chaque riff, chaque idée a été traitée et on a essayé beaucoup de choses avant que tout se mette en place correctement. On écrit et on essaye de nouvelles choses constamment. On compose la plupart de nos morceaux dans notre local de répétition en élaborant des idées. On écrit la musique qu'on ressent et je ne veux pas dire qu'on a une idée de comment ça va sonner. On préfère laisser évoluer, germer. Une chose que je peux dire, c'est que cet album a vraiment capturé les ténèbres et le désespoir que nous ressentons au regard de ce qui se passe dans le monde et dans nos contrées. 
 

Y a-t-il des groupes qui vous influencent plus que d'autres ? En écoutant l'album j'avais en tête Entombed, Amebix et ... Neurosis ....

Sonny : J'ai toujours été un gros fan d'Entombed, Amebix et Neurosis et je sais que Neurosis est un groupe que nous aimons tous particulièrement. Donc oui cela a eu un impact sur comment on sonne à certains degrés. On écrit ce qu'on aime entendre et je pense que les influences sont inévitables, mais on ne pense jamais à sonner d'une manière spécifique ou d'essayer de ressembler à tel ou tel groupe. Je pense que tout ce que nous écoutons peut affecter notre façon de composer. De la funk des années 70 au Death Metal des 90's. Et tout ce qu'il y a entre.
 

Ce que j'ai beaucoup apprécié dans cet album, c'est ce côté viscéral. On ressent comme une colère intérieure qui gronde et explose à certains moments avec également des passages qui inspirent la désolation. C'est quoi qui te rend furieux et triste dans le monde actuel ?

Sonny : Merci pour ton ressenti. Concernant ta question, elle est juste mais malheureusement très compliqué à répondre. Il y a tellement de mauvaises choses dans le monde actuel qui me font ressentir de la colère, de la tristesse et de la frustration. J'ai beaucoup apprécié ces dernières années d'être dans Age of Woe car j'avais besoin d'un exutoire et je pense que tous nos sentiments à propos de ce qui se passe sont incorporés à notre musique. Le fait est que les gens sont centrés sur eux-mêmes et ils préfèrent croire à des mensonges flagrants plutôt que la vérité et les faits car ça convient mieux à leur vision du monde. C'est écœurant.
 


 

Dans les paroles de "Heavy Clouds", on peut lire : "c'est la fin et nous restons alignés attendant la tempête qui va nous emporter". C'est cinglant. Il y a quand même des choses qui te rendent optimiste ?

Sonny : Bien sûr qu'il y a des choses qui me rendent optimiste. Il y a des gens qui se battent et qui font des choses. Les Amérindiens et les activistes écologistes de Standing Rock ont gagné une grande bataille contre une entreprise avide d'argent qui voulait construire un immense oléoduc en exploitant davantage des gens marginalisés et une nature fragile. Il y a des choses positives qui arrivent tout le temps.
 

Vous allez participer au festival allemand Grind the Nazi scum en mai 2017. Le message de ce festival est clair. Dans la sphère metal, cela te paraît particulièrement important ?

Sonny : Oui. Je pense que c'est important dans toutes les situations de montrer que le nazisme, le racisme et les discriminations ne sont pas acceptables. C'est juste triste d'avoir toujours ce problème.
 

Pour approfondir un peu plus le sujet, j'aimerais avoir ton point de vue. Sans nier qu'il y a des groupes ouvertement néo-nazis, tu ne penses pas qu'il y a une chasse aux sorcières ? Je m'explique. Certains groupes qui parlent de leurs racines et de leur culture avec fierté sont parfois victimes d'amalgames et taxés de racistes, ce n'est pas simpliste ? Barney de Napalm Death disait récemment dans une interview (après l'annulation de NP au Blastfest) : "Tu sais, je ne suis pas du genre à pointer quelqu'un du doigt en disant, « c'est un fasciste ! ». Non, ce n'est pas mon genre, ce serait nier la complexité des individualités et des modes de pensée. Tu peux être un nationaliste convaincu, un nationaliste « extrême », sans être pour autant un fasciste ou un nazi.". Tu es d'accord avec lui sur le fait que c'est plus complexe ?

Sonny : Bien sûr que c'est complexe et parfois, tu dois être prudent par rapport à ce que tu fais et ce que tu dis. Je préfère débattre que pointer du doigt des gens et hurler, mais si tu es un nationaliste ou un nationaliste extrême, tu dois comprendre que les gens vont réagir et tu dois accepter qu'ils puissent en avoir marre et vont vouloir te défier. C'est le nationalisme. Et le fascisme est facilement utilisé comme un gros mot ou comme l'expression de ce que les gens ressentent mais c'est une idéologie et, malheureusement, elle est très populaire de nos jours.
 

Et bien, retour à la musique ! C'est quoi votre background musical dans le groupe ?

Sonny : Nous sommes tous des amoureux de musique et on a joué dans différents groupes ou projets avant Age of Woe. Pour moi, c'était juste une étape logique de fonder ce groupe. J'ai toujours joué dans des groupes hardcore, punk et d-beat mais j'ai toujours aimé le Metal, c'était donc le moment d'explorer ce style et je ne peux plus m'arrêter.
 

Qui est venu avec le nom du groupe et qu'est-ce que ça représente pour toi ?

Sonny : Je pense que c'était moi mais je ne suis pas sûr à 100% . Le truc c'est qu'on voulait un nom qui représente notre musique. C'est important. Et que ça se remarque un peu aussi. Pour moi, il représente tout, les tribulations personnelles et globales, mais aussi une force positive et créative.
 

Vous êtes originaires de Göteborg qui est forcément associé au mélodeath. C'est quoi la réalité actuelle ? Comment se porte la scène underground ?

Sonny : Je pense que Göteborg est stigmatisé pour toujours avec le mélodeath mais la scène musicale à Göteborg est très intéressante. Il y a beaucoup de bons groupes et d'artistes qui viennent de cette ville ce qui donne une atmosphère très spéciale. Aucune autre ville de Suède n'est comparable à Göteborg. Cependant, on manque cruellement de bonnes salles et d'endroits pour que des petits groupes puissent jouer et c'est triste.
 

Il y a des groupes français que tu aimes ?

Sonny : Bien sûr. Il y a beaucoup de groupes français que j'aime. Je vais t'en citer six qui me viennent en tête : Monarch, Year of No Light, Deathspell Omega, Cult of Occult, Eibon et Cowards.
 

J'ai entendu que tu vivais en Islande. Il y a une raison ?

Sonny : La raison principale de pourquoi j'ai bougé, c'est l'amour. Avoir une relation à distance n'est pas facile surtout quand on vit en Suède et l'autre en Islande. C'est juste logique. Bien entendu, la nature m'a beaucoup aidé.
 

Ce serait quoi l'aboutissement ultime pour Age of Woe ? Faire la première partie de Neurosis ? Quelque chose d'autre ?

Sonny : J'aimerais beaucoup faire ça un jour, ce serait tellement bien. Sinon, on veut continuer à tourner, faire des live, composer et faire ce qu'on aime ensemble. Découvrir de nouveaux endroits aussi. 
 

Age of Woe sera de retour en France et en Belgique l'année prochaine ? C'est quoi vos projets futurs ?

Sonny : 2017 sera une année intense pour nous. On est au milieu d'un d'un cycle d'albums et on a beaucoup de choses qui attendent d'être annoncés. On a déjà commencé par annoncer quelques festivals et concerts, mais d'autres vont suivre. Alors suivez-nous sur les réseaux sociaux pour savoir ce qu'il va se passer. Bien sûr, on prévoit de revenir en France et en Belgique. On espère durant l'automne 2017. Il y a tellement de belles villes et de bonnes salles dans lesquelles nous n'avons pas encore joué qu'on aimerait revenir.
 

Merci à toi, je vais te laisser le dernier mot. Si tu as un message à passer, tu as carte blanche !

Sonny : Merci beaucoup à toi pour l'interview. C'est super de voir qu'en France il y a une communauté Metal très forte. Si ce n'est pas déjà fait, allez sur notre site. Vous pouvez également nous écouter sur Bandcamp ou Spotify. On espère vous voir très bientôt !
 

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Propos recueillis le 6 décembre par Max Nostalmaniac.
Crédits photos : Anna Synnerö et Dolorès Anapeste (https://www.facebook.com/dolores.anapeste.photo/)