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Album

15 novembre 2016 - ZSK

Derealized

Isolation Poetry

LabelFinisterian Dead End
styleTechno-Prog-Death-Black-Metal
formatAlbum
paysFrance
sortieoctobre 2016
La note de
ZSK
7.5/10


ZSK

"On est tous le boomer de quelqu'un d'autre."

Et voilà une nouvelle trouvaille de la part de Finisterian Dead End, qui a toujours le nez creux pour dénicher quelques formations prometteuses par chez nous. Quitte à bien s’éloigner de son lieu de villégiature, le bout du Finistère, enfin la Bretagne plus généralement, voire le Grand Ouest. Avec Derealized, on est bien plus à l’Est, du côté de Besançon précisément. Formé en 2014, Derealized peut passer pour un jeune groupe, mais si ses membres ne sont pas des vieux de la vieille ils ont déjà pu emmagasiner un peu d’expérience au sein de formations comme Diluvian, Ignis Fatuus, Redeeming Torment ou encore Malevolentia. D’ailleurs le quatuor n’a pas perdu de temps et balance directement un premier full-length, Isolation Poetry, sans démo ni EP préalable manifestement. On va pouvoir immédiatement constater les qualités de Derealized qui a choisi d’évoluer dans un style assez complexe et retors, et assez particulier, entre Death technique et Black progressif. Grosso-modo.

Derealized a donc choisi de marier la technique d’un Techno-Death plutôt moderne et l’agressivité d’un Black qui est cependant quelque peu raffiné, le tout sous couvert de menues progressions. La promo nous parle d’Anata, d’Aosoth et du vieux Opeth, le groupe en reste lui à une classique étiquette « Death/Black Metal ». Personnellement, si je devais rapprocher Derealized d’un autre groupe en particulier, ça serait Asmodée, le seul groupe qu’on pourrait qualifier de « Techno-Black » d’ailleurs. Pas dans les spécificités propres, mais dans l’esprit de proposer un Black-Metal mélangé à du Death technique, même si Derealized fait un peu le chemin inverse. Entre des séances de sweeping à la Necrophagist, on retrouve donc des éléments musicaux Black et des ambiances assez blackisantes, le tout étant accompagné de la voix éraillée de Myriam car nous avons une nouvelle fois affaire à un groupe « à chanteuse » pour un style extrême. Enfin et de toute manière, on pourrait citer un tas de groupes légitimes pour situer les influences de Derealized et jouer aux comparaisons mais le groupe de Besançon réussit déjà une bonne chose : sonner comme une dizaine d’autres groupes sur des détails mais au final ne ressembler qu’à lui-même.

En 9 morceaux et 53 minutes, Isolation Poetry va se révéler comme un album complexe mais aéré, qui se laisse écouter du moment qu’on connaît bien le style et ses particularités techniques. Les sweepings et autres blasts subtils se taillent bien évidemment la part du lion, mais Derealized se réserve aussi de la place pour des passages plus lourds, plus pétris d’ambiances, avec même quelques breaks acoustiques. On évite certains clichés du genre comme la basse fretless qui fait « tou dou dom dom » à tout bout de champ, mais l’instrument demeure bien présent dans le mix comme pour tout bon album de Death technico-progressif qui se respecte, seulement Derealized ne joue pas dans la cour des groupes canadiens à la Beyond Creation ou Augury même si un Death fait probablement partie de ses influences de base. "Devil’s Got Green Eyes" nous introduit immédiatement dans l’univers musical de Derealized, en présentant tous ses éléments distinctifs, entre plans techniques furibonds et passages plus Black que ça soit dans les rythmiques massives ou lourdes, les mélodies ou les ambiances. Les Bisontins sont lancés et enchaînent ainsi sur le fleuve "The Opium Den", 9 minutes à la toise, démontrant toute la richesse et le touché du groupe avec des passages variés et toujours très inspirés, des moments sombres et intenses et des envolées techniques maîtrisées. Et Derealized fait vite le tour de son petit monde avec le single "Torment’s Work", lui nettement plus sombre et lourd même si les accès Techno-Death et les blasts sont toujours de la partie, une complexité et une diversité qui résument bien l’essence de la formation de Besançon.

Un "Hollow" résume encore bien tout ce que Derealized a à nous proposer pour son premier album, en étant tour à tour sombre et agressif puis technique tout en étant mélodique. Le quartet joue avec ses contrastes quitte à pour le moment risquer de cloisonner ses sous-styles par moments, un "…and Tie My Arms With Ivy" étant plus axé sur les mélodies blackisantes tandis qu’un "Derealized" jouera un max sur la technique au tempo rapide. Pour son premier album, Derealized fait montre de grandes qualités mais peut bien sûr aller encore plus loin, passée l’adaptation au mix Techno-Death-Prog / Black et du moment qu’on est mordu du style avec les influences sous-jacentes, on fait plutôt vite le tour de Isolation Poetry qui s’essouffle un peu sur la fin d’ailleurs ("A Late Letter" est un peu plus anecdotique malgré son final très épique, et "Isolation Poetry" se traîne un peu en longueur après un super départ où les musiciens se lâchent). Mais outre les défauts d’un « premier album » (son un peu sec par moments, chant manquant de variété, fusion des styles pas encore totale), la maîtrise et le minimum d’originalité sont bien là en plus de l’accroche pour l’auditeur, et Derealized se range sans trop de mal aux côtés de formations françaises prometteuses dans un style Death technico-progressif « avec un plus », comme Livhzuena, Mahestrya et Slatsher, succédant à Symbyosis, Lyr Drowning ou Fate Of Fallacy en leurs temps. C’est même qu’on tiendrait presque le Black Crown Initiate français, en une version autrement plus nocturnale. Bref, voilà un premier jet très convaincant qui plaira sans mal ceux qui cherchent un Metal complexe mais pas trop cérébral et qui a su se créer une ambiance singulière, et espérons que Derealized progressera encore sur ces bonnes bases pour devenir le « prochain grand machin ».

 

Tracklist de Isolation Poetry :

1. Devil's Got Green Eyes (4:41)
2. The Opium Den (8:59)
3. Torment's Work (5:00)
4. Cover my eyes... (2:30)
5. ...and Tie My Arms with Ivy (5:08)
6. Derealized (6:05)
7. Hollow (5:24)
8. A Late Letter (6:18)
9. Isolation Poetry (8:54)