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Album

11 octobre 2016 - ZSK

Thy Worshiper

Klechdy

LabelArachnophobia Records
stylePagan/Folk Metal shamanique
formatAlbum
paysPologne / Irlande
sortiemai 2016
La note de
ZSK
7/10


ZSK

"On est tous le boomer de quelqu'un d'autre."

Avec le Ragnard Rock Fest, on vous parle souvent ici de groupes de Metal à tendance folklorique, mais attention pas les trucs pouet-pouet que nous balancent à tour de bras les labels allemands. Tout ça pour dire qu’un groupe comme Thy Worshiper aurait tout à fait sa place sur l’affiche du festival de Simandre-sur-Suran, aux côtés de ses compatriotes de Percival Schuttenbach d’ailleurs. Et ce même si le groupe originaire de Wrocław crèche désormais en Irlande… mais il est resté résolument « Polonais ». Thy Worshiper est même un vieux de la vieille, qui existe depuis 1993 ! Mais la première formation n’a tenu que 3 ans, le temps de pondre tout de même deux démos et un album (Popiół (Introibo Ad Altare Dei), 1996). Thy Worshiper, sous sa forme actuelle, est réapparu en 2005, pour l’album Signum. Un album qui donnait dans une sorte de Pagan Metal mélancolique à violon, et après une nouvelle absence de 9 ans, la musique du groupe a quelque peu évolué pour œuvrer désormais dans un art assez folklorique mais aussi résolument shamanique et rituel. Thy Worshiper en est presque devenu le plus Folk des groupes de Pagan, ou aussi le plus Pagan des groupes de Folk. Après le remarquable Czarna Dzika Czerwień (2014) et un bon EP (Ozimina, 2015), Thy Worshiper est déjà de retour pour son 4ème full-length, Klechdy.

Je ne vais pas vous faire un exposé sur la musique traditionnelle polonaise ni sur les instruments folkloriques employés (tous joués par Tomasz « Grabaż » Grzesik) par manque de connaissances dans le domaine, mais toujours est-il que Thy Worshiper sonne résolument est-européen. De son Metal surtout amené par quelques riffs acérés et des voix bien sombres, se dégage un important bagage folklorique qui est agrémenté par d’autres oripeaux rituels et tribal. Diverses percussions, instruments acoustiques et chants plus ou moins incantatoires jalonnent Klechdy comme ils jalonnaient déjà Czarna Dzika Czerwień. Niché entre Negura Bunget et une palanquée de groupes Pagan/Folk penchant est-européen comme de nombreuses formations ukrainiennes ou hongroises (comme les méconnus Virrasztók), Thy Worshiper chasse aussi sur les terres de Arkona (le Russe) de par le chant souvent présent de Anna Malarz. Et si par le passé elle se contentait surtout de vocalises genre « hey hey oh hey yey yey yey hey yaa », elle va prendre une autre dimension sur ce Klechdy autrement plus aéré. Le départ sur "Gorzkie Żale" le confirme déjà, où elle use de lignes quasi-orientales ou à la Din Brad. Et le morceau en lui-même, très mélodique et atmosphérique, va montrer un Thy Worshiper particulièrement enivrant.

Et pour cause, Klechdy ne dure pas moins de 80 minutes ! L’album est même divisé en deux CDs. Après un Czarna Dzika Czerwień entraînant et accrocheur, Thy Worshiper va donc en profiter pour développer ses atmosphères, même si son style n’évolue que très peu. L’aspect rituel très aérien, et donc souvent mystique et 100% shamanique, prend toute son essence pour un morceau comme "Wila". Au rang des petites nouveautés qui confirment l’aspect plus forestier et possédé de cet opus, on notera tout de même l’apparition de moments carrément psychédéliques, notamment au sein de "Wschody", de la deuxième partie de "Słońce" ou encore dès le début de "Dziady". Pour le reste, Thy Worshiper reste bien évidemment une formation de Metal, même si ce n’est pas cet aspect de son art qui est le plus remarquable. Des moments durs sont quand même au rendez-vous ("Marzanna" qui devient plus enivrant et entraînant par la suite, le très sombre "Grzyby", le départ très rugueux de "Anielski Orszak"), et le chant masculin bien éraillé et rocailleux assure aussi la caution « chant Metal » à tout moment. De toute manière, outre l’ambiance shamanique omniprésente on s’arrêtera sur les nombreux passages folk qui font partie du fonds de commerce de Thy Worshiper. Et outre les diverses percussions ou instrumentations acoustiques que l’on croise partout, on se laissera emporter par les somptueux interludes que sont "Post Coitum" avec son Didgeridoo furibond, le très tribal début de "Słońce" ou encore l’envoûtant "Żywot".

Le problème, car il y en a un, c’est que 80 minutes, ça fait trop. Thy Worshiper a des idées à revendre et dispose de nombreux instruments pour épicer son œuvre, mais tourne un peu en rond. Czarna Dzika Czerwień était plus immédiat et Klechdy est parfois trop atmosphérique et moins entraînant. Certains choix sont salutaires, comme une utilisation plus poussée du chant d’Anna ou encore ces moments très mystiques et psychédéliques bienvenus, mais on a du mal à rentrer dans Klechdy comme on a paradoxalement l’impression d’en faire vite le tour une fois dedans. 80 minutes d’un style assez personnel, ce n’est pas facile à digérer quoi qu’il en soit, et des morceaux comme "Halny" et "Zioła" sont plus anecdotiques et donc dispensables, allongeant de trop l’album. Paradoxalement encore, ce sont les morceaux les plus longs qui sont les plus intéressants, comme le très complet "Dziady" de 11 minutes, ainsi que "Gorzkie Żale" (8 minutes et demie) et "Wschody" (presque 11 minutes aussi, passionnantes grâce aux mélodies). Bref, alors qu’il tourne chez moi depuis un moment, je ne sais toujours trop quoi penser de Klechdy et de ses paradoxes, la seule chose qui est sûre c’est que je lui préfère son prédécesseur. Si vous ne connaissiez pas Thy Worshiper, autant donc commencer par Czarna Dzika Czerwień qui est plus accessible, mais si l’aspect très rituel de la musique des Polonais ne vous fait pas peur, Klechdy vous ira à ravir également. Ce qui est important de noter, c’est la qualité de la musique des Polonais, qui maîtrisent parfaitement leur style Pagan/Folk est-européen et shamanique, agrémenté de nombreuses instrumentations et jeux de chants et d’ambiances, qui raviront à coup sûr les amateurs de trucs Folk en mode « transe devant le feu dans la forêt la nuit ». A voir sur scène dans un prochain Ragnard Rock Fest alors ?!

 

Tracklist de Klechdy :

1. Gorzkie Żale (8:30)
2. Wila (4:47)
3. Marzanna (6:07)
4. Halny (6:43)
5. Post Coitum (2:25)
6. Wschody (10:46)
7. Zioła (7:21)
8. Słońce (5:08)
9. Grzyby (6:30)
10. Dziady (11:01)
11. Żywot (2:16)
12. Anielski Orszak (8:12)