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Album

20 septembre 2016 - Dolorès

SubRosa

For This We Fought The Battle Of Ages

LabelProfound Lore Records
styleDoom Metal
formatAlbum
paysEtats-Unis
sortieaoût 2016
La note de
Dolorès
9/10


Dolorès

Non.

J’ai cru que « More Constant Than The Gods » avait lâché une bombe chez les fans de Doom, que tous, comme moi, étaient follement tombés amoureux du quintet de Salt Lake City. En réalité, cela n’a pas eu un tel effet, et bien qu’il s’agissait réellement pour moi du genre de découverte qu’on a envie de hurler sur les toits comme pour prêcher la bonne parole, le monument de 2013 n’a pas tout à fait été vu comme tel par tout le monde. La preuve en est, une seule date en France pour leur tournée européenne de l’automne, dans une salle pas exceptionnelle de ce qu’on m’en a dit. Beaucoup ont pris leur claque lors de leur performance au Hellfest 2014, mais ça s’arrête là, le groupe est loin d’avoir gagné une notoriété à la hauteur de leur talent en France.

Voilà que trois ans sont passés pour qu’on découvre finalement « For This We Fought The Battle Of Ages », et autant dire que si la pochette, et toute l’identité visuelle du groupe se retrouve sur ce nouvel opus, la musique est également dans la lignée directe du précédent. C’est finalement ce qui est étonnant ! On pensait que « More Constant Than The Gods » était une perle, unique, une petite bulle de perfection aux contours lisses et bien délimités, à la fois merveilleuse et surtout singulière. Il n’en est rien, c’est un peu comme si cette bulle avait éclaté pour en former une seconde, reflétant les mêmes teintes, et volant dans l’exacte même direction. Ces deux albums sont bien plus liés, et dans une continuité évidente, que les premiers albums ne pouvaient le faire avec leurs successeurs.

Comme j’ai pu le dire au-dessus, rien que la pochette est un écho direct à celle de l’album précédent, pour sa figure féminine froide et poétique, toujours réalisée par Glyn Smyth de Stag & Serpent. Le livret reprend les motifs qu’on a vus sur tout le merch qu’ils ont proposé à la sortie de l’album : illustrations à l’ancienne de certaines plantes, rose évidemment comme écho au nom du projet, muguet, jusquiame et feuille d’absinthe. Autant dire qu’on retrouve un thème récurrent chez SubRosa, cette confrontation entre la beauté et la dangerosité. Le groupe a toujours eu ce feeling extrêmement paradoxal, de proposer quelque chose de mélodieux, agréable à l’écoute mais toujours teinté d’une noirceur, de tous les maux du monde.

Autant dire que les titres de ce « For This We Fought The Battle Of Ages » n’ont pas ce goût d’inédit qu’avaient ceux du précédent, ils reprennent un peu ce qui a déjà marché, mais il est important de faire remarquer dès maintenant qu’en aucun cas cela n’a un goût de recyclage. A savoir que l’album s’inspire d’un roman paru en 1921, une dystopie à la George Orwell, écrite pourtant plus tôt par Yevgeni Zamyatin. Même sans le savoir, il n’est pas difficile de discerner une aura apocalyptique, une angoisse massive, une tension insoutenable tout au long de l’heure entière que forme l’album. La particularité de SubRosa est tout de même que le groupe continue de rendre cette obscurité complètement accessible, par ses mélodies, cet aspect incroyablement lumineux, finalement le paradoxe dont je vous parlais dans le paragraphe précédent.

SubRosa a tout compris quand on voit à quel point ils prennent leur temps pour poser leurs titres sans se presser (la majorité des titres durent plus de dix minutes sur cet album), avec quelques longueurs complètement pertinentes disséminées sans abus. On finit toujours par revenir sur une ligne de chant entêtante qui, si le reste du titre a réussi à vous mettre en bonnes conditions, a parfois de quoi vous percer l’âme. On retrouve aussi toujours nos violons aux élans cinglants, « Killing Rapture » en étant le meilleur exemple.

Je pense aussi à « Wound Of The Warden » qui ravira tous les fans du précédent album, en reprenant tous les éléments habituels, et en leur insufflant une intensité encore plus forte. Il s’agit d’un des titres dévoilés avant la sortie de l’opus, peut-être est-ce pour ça que j’ai une affinité particulière avec, ayant pu l’écouter un peu plus en boucle que le reste. Reste que la progression du titre est juste millimétrée pour vous fendre de part en part.

« Not one misstep, not one mistake, all calculated for our sake. Like children we’ll step into the fire. »

Difficile de ne pas dire à peu près la même chose de « Black Majesty » et ses quelques lignes de chant qui restent en tête à vie, entre les mots scandés de Rebecca et l’ajout vocal de l’une des violonistes au chant cristallin mais perçant.

« We love the taste of false perfection – the more the lies, the more we laud. »

Parmi les originalités de l’album, on note l’interlude surprenant mais bien intégré « Il Cappio », une petite minute trente de lyre et d’italien chantant l’amour d’une manière un peu particulière, on en redemanderait presque. Il permet aussi de donner un peu plus de place à Sarah Pendleton, l’une des violonistes mais aussi chanteuse. Et, évidemment, n’oublions pas le final « Troubled Cells » au thème complètement inédit, cher à Rebecca Vernon, tout à fait personnel mais devenant un engagement du groupe par ces presque huit minutes. Elle y évoque son incompréhension et son rejet d’une nouvelle voie empruntée par l’Eglise mormone aux Etats-Unis, excommuniait tous les couples homosexuels de la communauté, refusant le baptême de leurs enfants, aux conséquences désastreuses car ayant mené à des suicides. Si l’initiative est de Rebecca, tout le groupe s’est vite senti impliqué, ayant pour résultat un titre puissant dans ses émotions et ses intentions.

SubRosa n’a pas véritablement changé. Comme on le remarque souvent, un groupe a trouvé sa voie, et a mûri pour donner un album supplémentaire dans la même veine, sans sonner comme un recyclage de ce qui a déjà fonctionné. Dans l’ensemble, les titres sonnent peut-être moins violents pour certains, même si SubRosa n’a jamais été un exemple d’agressivité dans ses compositions. J’ai pour habitude de les décrire comme un groupe de Doom qui n’en est pas un, tant leurs titres sont aérés, respirent la poésie et le rêve, dans cette atmosphère d’angoisse. Le seul petit défaut que j’aurais pu relever est que l’album semble un peu trop hétérogène parfois, contrairement au précédent. C’est ce qui peut arriver quand on propose des albums qui dépassent l’heure d’écoute, mais autant dire que c’est à peine un détail, car tous les titres sont excellents, et forment une nouvelle perle.


1. Despair Is A Siren
2. Wound Of The Warden
3. Black Majesty
4. Il Cappio
5. Killing Rapture
6. Troubled Cells