Chronique Retour

Album

16 septembre 2016 - ZSK

In The Woods...

Pure

LabelDebemur Morti Productions
styleAvantgarde Dark Metal
formatAlbum
paysNorvège
sortieseptembre 2016
La note de
ZSK
8.5/10


ZSK

"On est tous le boomer de quelqu'un d'autre."

En voilà un retour que l’on attendait pas. Peut-être parce In The Woods… était resté témoin d’une époque où le Metal norvégien était au firmament de sa créativité, avec la naissance de sa célèbre scène avant-gardiste au milieu de tous ces blackeux, et qu’il appartenait donc à ce passé glorieux, à l’instar de Ved Buens Ende ou Fleurety. Peut-être parce que beaucoup s’étaient rabattus sur Green Carnation, le groupe qui avait « pris la suite » même si le style avait changé. Peut-être parce que pour un certain nombre de fans, c’était surtout HEart Of The Ages (1995) qui était l’apogée du groupe, Omnio (1997) et Strange In Stereo (1999) ayant ensuite été diversement appréciés. Mais alors qu’on espère encore une réactivation de Ved Buens Ende un jour et que Arcturus avait signé un formidable retour ponctué par le sublime Arcturian (2015), voilà que In The Woods… pointe à nouveau le bout de son nez. Certes, il y a encore de quoi faire au niveau du genre avant-gardiste norvégien (Virus, Code, Dystopia Nå!, Khonsu, Vulture Industries…), mais voilà une reformation qui a de quoi faire plaisir. Et s’il vous plaît, avec la quasi-totalité du line-up d’origine, dont Anders Kobro (Carpathian Forest, lui aussi en attente d’un hypothétique retour…) et les Botteri (Christian qui entre-temps a fait partie des excellents Emancer), seul le vocaliste Jan Kenneth Transeth n’est plus de la partie, et après avoir balbutié avec Tommy Sebastian Halseth (Manes), In The Woods… s’est trouvé un inattendu vocaliste de talent qui va grandement participer au succès de Pure, quatrième full-length du groupe qui nous arrive en parallèle de concerts, et qui va remettre sur le devant de la scène une formation qui a encore les moyens de nous émerveiller metalliquement.

Mais sous quelle forme musicale revient In The Woods… ? Même si je dois bien faire l’historique, je ne vais pas me poser comme un expert de la discographie du groupe, que je connais assez mal finalement… Mais les norvégiens semblent avoir choisi un équilibre entre tradition et modernité. De prime abord, Pure me semble être dans la lignée d’un seul morceau du groupe : "Closing In", qui ouvrait Strange In Stereo. Mais en creusant un peu, on peut tout à fait trouver des bouts de HEart Of The Ages dans les 67 minutes de Pure. Pour autant, In The Woods… a pas mal changé et ne va pas signer son retour sous le joug d’un quelconque passéisme, même si le souffle du Metal avant-gardiste norvégien des 90’s demeure bien présent. En réalité, l’art de In The Woods… pour cette cuvée 2016 se rapproche pas mal de celui de leurs compatriotes d’Arcturus. Ce qui d’ailleurs provoque en moi un certain enthousiasme, et ce sont les vibes Arcturusiennes d’un morceau comme "Cult of Shining Stars" qui ont titillé ma curiosité pour la reformation d’In The Woods… et plus si affinités au bout. Utilisant tantôt des oripeaux décadents descendants de La Masquerade Infernale, tantôt quelques écarts légèrement spatiaux à la The Sham Mirrors/Sideshow Symphonies, In The Woods… n’est pas pour autant devenu un disciple sans personnalité d’Arcturus. Et se distingue finalement grâce un goût assez particulier pour les riffs durs et gras, l’ensemble donnant une certaine personnalité à Pure. C’est là que In The Woods… trouve sa singularité, frôlant parfois le Doom traditionnel (de l’orgue se fait même entendre) dans cette science des riffs pesants mais classieux. Tout cela justifie l’étiquette donnée par Debemur Morti d’« Epic Dark Metal » pour un Pure assez retentissant, traditionnel mais visionnaire, comme à la grande époque finalement…

Et pour couronner le tout il fallait un chanteur qui a la charge de succéder aux étrangetés de Jan Kenneth Transeth. Le chant soprano féminin n’est d’ailleurs plus de la partie et seul un vocaliste mâle est présent. Il s’agit de l’anglois James Fogarty, connu pour Ewigkeit ou Old Forest mais aussi en tant que Jaldaboath, du groupe du même nom et surtout ex-The Meads Of Asphodel. Et bien loin de ses bizarreries habituelles (citons encore The Bombs Of Enduring Freedom), « Mr. Fog » va ici nous délivrer un chant clair assez délicieux, entre des vocalises de Doom trad’ là aussi et les habituelles lignes claires de la plupart des groupes avant-gardistes du marché. Maîtrisée et variée, sa voix illumine chaque moment chanté de Pure, album qui porte finalement bien son nom car il est d’une pureté saisissante. A la fois percutant et aérien, Pure est un album qui a tout compris au Metal avant-gardiste, piochant dans l’extrême et le progressif pour faire sa tambouille d’étoiles. Dès le morceau-titre, on comprend à quoi on va avoir affaire. Avec une simple alternance de parties de guitares abrasives mais toutefois mélodiques quand c’est nécessaire, et de breaks Arcturusiens envoûtants en plus de légères aspirations psychédéliques, Pure démarre sur les chapeaux de roue et James Fogarty se pose également d’emblée comme un très talentueux maître de cérémonie, avec un refrain déjà inoubliable : « A shining future waiting, a promise of the Pure »… Et la performance de l’anglais ne s’arrête pas là et connaît même sa quintessence dès "Blue Oceans Rise (Like A War)", performance théâtrale de haut niveau qui accompagne le morceau le plus pesant et mystique de Pure, le morceau le plus « dark », qui montre que In The Woods… a encore un plein potentiel et des choses à montrer, 17 ans après Strange In Stereo.

Capable de proposer un riffing très terre-à-terre et de se laisser emporter par la lumière stellaire, In The Woods… va jouer avec les contrastes tout du long de Pure. Déjà avec "Devil’s At the Door", qui de la même manière que "Pure" alterne moments d’évasion et assauts metalliques, ici assez salvateurs et ça sera d’ailleurs une des seules fois qu’on entendra James « Jaldaboath » Fogarty s’égosiller comme à la grande époque de The Meads Of Asphodel. Un Vulture Industries n’est jamais loin (et Fogarty n’a rien à envier à Bjørnar E. Nilsen), qui aurait piqué les breaks du Arcturus le plus récent, et In The Woods… ne renie jamais ici son côté « norvégien ». Un groupe norvégien (bon, aux trois-quarts) en grande forme, qui a soigné son retour avec quelques pépites. Si le génial et inspiré single "Cult of Shining Stars" a déjà pu remporter l’adhésion, il est entouré de deux belles pièces. D’abord l’entraînant "The Cave of Dreams" aux riffs entêtants, mais aussi aux atmosphères léchées qui entourent la partie centrale très grasse et croustillante. Et ensuite le plus mélodique et très progressif "Towards the Black Surreal", qui s’offre aussi des moments très lourds et cossus contrastant avec les ambiances cosmiques, mais surtout une seconde partie assez épique et dantesque où Fog' se lâche dans des chœurs et des phrasés à fleur de peau. Et que dire de l’autre bijou de Pure, le remarquable "This Dark Dream" où tout y est : riffs appuyés bien mordants, breaks venus d’un autre univers, orgue vintage discret mais important, vocaux prenants et sublimes de James Fogarty, montées épiques vers un final libérateur… Il n’y a pas de doute à avoir, In The Woods… signe avec Pure un retour particulièrement classieux.

Une classe qui s’exprime aussi par de pures atmosphères, sans autre but que de nous faire planer. Ce qui est réussi sans mal par le très cotonneux "The Recalcitrant Protagonist", où les mélodies enlevées et les vocaux enivrants de Fogarty nous emmènent dans un monde musical résolument onirique. Un Fogarty qui se tait d’ailleurs pendant les presque 11 minutes de "Transmission KRS", laissant les guitares s’exprimer pour un déluge de mélodies et de psychédélisme, qui témoigne aussi des influences progressives de la formation. Mais le côté quelque peu astral voire même rétro-futuriste est toujours présent, en témoigne encore la conclusion de l’album sur le fabuleux "Mystery of the Constellations", évoluant toujours entre riffs râpeux et breaks gracieux mais la lumière est au rendez-vous, James livre ses derniers souffles épiques et Pure se clôt dans de somptueux solos. Comment ne pas succomber à une telle classe ? Certes In The Woods… n’a ici rien inventé et lorgne même parfois trop du côté des compères d’Arcturus, mais les norvégiens ont néanmoins réussi à se réinventer eux-mêmes et à trouver une nouvelle personnalité dans leurs choix de compos, de structures et d’atmosphères, au détriment de la stricte originalité. On pourra trouver quelques redondances et le côté parfois « brouillon » des riffs fera jaser (le groupe ayant parfois la réputation de ne pas être du tout carré en Live…), mais In The Woods… vient tout de même de livrer un album assez fantastique de Dark-Metal avant-gardiste, ce qui est d’ailleurs assez inédit en soi. Inspiré et maîtrisé, varié et riche en morceaux forts, et à la fois accrocheur et envoûtant, Pure est un diamant, dur mais qui brille de son éclat en toutes circonstances. Génial rythmiquement et au niveau des ambiances, et bien sûr du chant qui est la surprise et une des grandes forces de cet opus, Pure signe le retour d’un groupe que l’on attendait pas ou plus, pas à ce niveau peut-être, mais qui lui donne une seconde jeunesse et le replace sur l’échiquier du Metal avant-gardiste norvégien, avec une réussite presque insolente qui couronne un album d’une grande classe.

 

Tracklist de Pure :

1. Pure (7:21)
2. Blue Oceans Rise (Like A War) (5:40)
3. Devil's At the Door (5:47)
4. The Recalcitrant Protagonist (5:42)
5. The Cave of Dreams (4:54)
6. Cult of Shining Stars (5:55)
7. Towards the Black Surreal (7:01)
8. Transmission KRS (10:45)
9. This Dark Dream (7:17)
10. Mystery of the Constellations (7:02)

En écoute intégrale ici.

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