Chronique Retour

Album

23 mai 2016 - DarkMorue

Fallujah

Dreamless

LabelNuclear Blast
styleDeath Technique de gros fragile
formatAlbum
paysUSA
sortieavril 2016
La note de
DarkMorue
9/10


DarkMorue

Un mec qui écrit des trucs.

Si y'a un album que j'ai attendu cette année, c'est bien lui. D'ailleurs dans l'absolu ça faisait un bon moment que j'avais pas autant attendu un album. Parce que vu le flot continu de sorties on tend désormais à faire un abattage industriel, faire "ouais okay à dans 1 mois" quand on voit un truc cool apparaître. Là, c'est sorti de nulle part, ils ont envoyé en orbite l'énorme chef d'oeuvre "The Void Alone" et j'en pouvais plus je bavais sur mon bureau et tentais par tous les moyens possibles d'accélérer le temps jusqu'à la sortie de ce "Dreamless". Genre truc de dingue. La dernière fois c'était pour du Devin Townsend et j'étais mineur. Et maintenant il est là, avec sa pochette qui se cale d'emblée dans les plus grosses claques visuelles de l'année. Et on a pas attendu en vain. Merci.

Fallujah est, et restera visiblement un moment, ce qui a pu se dégager le mieux de la nouvelle scène Tech Death qui flirte avec le Deathcore. Au milieu de ce renouveau qui s'est fait dans les années 2010, nos Ricains ont dès leur premier album imposé une personnalité extrêmement forte, en foutant dans leur Deathcore Technique des ambiances froides, proches du Black Atmo parfois, et surtout un talent mélodique lancinant très particulier. C'est bien simple, Fallujah est un des seuls groupes au monde dont j'écoute les solos. En moyenne ça m'emmerde les branlettes de guitare, mais là on a une touche, une pertinence ultra-mélodique chiadée qui change absolument tout. Sur cette base, puissance mélodique léchée faisant juste passer le groupe pour un diamant bleuté étincelant au milieu de la scène, on a eu par la suite le superbe EP "Nomadic" et l'album charnière "The Flesh Prevails", qui est objectivement le meilleur mais sa surproduction abominable me le rend tout simplement inécoutable. De moins en moins Deathcore, de plus en plus technique et progressif, et nous voilà maintenant là, en 2016. Avec une nouvelle bombe différant bien des précédentes.

Le groupe a déclaré vouloir simplifier sa musique, que "Dreamless" serait un album plus humble et plus personnel. Jackpot. On est en plein dedans. On a toujours une bonne partie de l'album dans la droite lignée de leurs travaux précédents, mais ici l'accent est mis sur les aspects les plus aériens, les notes claires se faisant lancinantes, attrapant doucement et envoyant voyager dans l'éther. Tout le monde a pris sa claque sur "The Void Alone", premier single balancé, mais je suis obligé d'en remettre une couche. Ce morceau est un chef-d'oeuvre. La pièce de Death Technique la plus sensible qui soit, aux leads d'une beauté frappante, avec son pont central chanté par Tori Letzler et la reprise en chant Black la plus poignante de tous les temps. Tori Letzler ? Qui ça ? Oh, rien de moins qu'une chanteuse (plus mignonne on fait pas) qui bosse avec Hans Zimmer et qu'on a récemment entendu dans les BO de American Horror Story. D'ailleurs elle est loin d'être seule au micro puisque si on croise sa petite voix sur trois titres, trois autres voient des apparitions d'une autre chanteuse issue du groupe de Prog Chiasma, ajoutant encore au côté aérien et spectral de l’œuvre. Bien que ça n'éclipse en rien le chanteur principal, dont les growls et hurlements Black sont plus puissants que jamais.

Un certain nombre de titres sont dans la droite lignée de ce qu'a fait le groupe par le passé. Après l'intro semblant se construire d'elle-même, "Adrenaline" sert de bûchage charnière. Tout comme les tabassages de "Scar Queen", le soubresaut final "Lacuna" ou "Amber Gaze" pour le coup taillés pour le live. Mais si on trouve dans la première partie de l'album tout ce qu'il y a de plus direct, par la suite la plus grande dominance se fait sur la facette purement mélodique. Et y'a pas à dire, c'est beau. Alors okay on pourrait reprocher au groupe d'utiliser souvent les même gimmicks, tant des fois on a l'impression qu'ils ont juste choppé 2 ou 3 notes qui vont bien et les font pleurer au détour de chaque lead, mais merde, comment ça fonctionne. On a des titres hybrides entre Metal et plongée stratosphérique comme l'autre single "Abandon" ou "The Prodigal Son", mais en dehors on a aussi des pavés entiers dans un genre autre.

On peut parler de la plongée dans la tristesse qu'est "Wind for Wings", mais la transcendance n'est pas là. On aperçoit ses couleurs électro sur l'interlude "Fidelio". Mais là où on frappe le plus fort c'est en réussissant à sculpter des paysages musicaux. En virant toute la section Metal, et ce sur un bon 20min de l'album. D'abord pour le titre éponyme, véritable mer de cristal, envoûtant et objectivement magnifique, qui prend le temps de créer son univers et voit même une apparition d'un certain guitariste étant passé dans Cynic sur le solo. Et sur le titre que j'avais pas vu venir du tout, "Les Silences", qui pourrait lui juste se faire éditer chez Tympanik Audio (mon label de musique électronique préféré, si vous voulez être gentils avec vos tympans faites y un tour, recommandant en priorité Stendeck, Access to Arasaka et Subheim) en électro délicate, finement ciselée et émouvante. Véritables bulles d'air au sein d'un album sinon complètement lumineux, et relativement isolé dans la scène actuelle. Fallujah a grandi et n'en a plus rien à foutre de distribuer des tartes, ni besoin de prouver quoi que ce soit techniquement. Alors ils se contentent de se recentrer, et frapper en plein cœur, en ne jouant que les notes les plus belles comme l'aurait dit Miles Davis.

"Dreamless" est une claque. Un tout petit peu moins monumentale que je ne l'attendais mais j'ai tout de même de sacrés marques. Le groupe y passe un cap. On est à un tout autre niveau, et bien qu'on ait des résurgences fonceuses du passé avec un tiers des titres de l'album qui tapent majoritairement dans le gras, l'atmosphère qui finit par se dégager du tout est captivante. La pochette convient mieux que jamais à l’œuvre complète. Alors, qui que vous soyez, si vous avez un petit cœur fragile et que vous avez quand même envie d'entendre des growls et des grosses guitares, jetez au moins deux oreilles là-dessus. Parce qu'il serait de mauvaise foi de dire qu'on n'a pas là une des sorties de l'année. Et pourtant ça enchaîne. Entre ça et First Fragment, le Death Technique tout entier est mis en PLS. Espérons que ça continue...

Tracklist :

1 – Face of Death
2 – Adrenalin
3 – The Void Alone
4 – Abandon
5 – Scar Queen
6 – Dreamless
7 – The Prodigal Son
8 – Amber Gaze
9 – Fidelio
10 – Wind for Wings
11 – Les Silences
12 - Lacuna