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jeudi 24 mars 2016

Mgła + Aosoth + Deus Mortem

Le Ferrailleur - Nantes

Dolorès

Non.

Après avoir vu les désormais fameux Polonais de Mgła à Dublin en ouverture de Primordial il y a tout juste un mois, nous revoici face à eux, chez nous, à Nantes. Introduits par Aosoth et Deus Mortem, les trois groupes constituent une petite tournée européenne, avec notamment la veille, une date au Magasin 4 de Bruxelles, et les jours qui suivaient, Paris et Colmar. Garmonbozia ouvre les portes à l'heure, et c'est parti.


Deus Mortem

Dolorès : Encore des Polonais, avec un seul album à ce jour, « Emanations Of The Black Light », mais quel album ! Je dois avouer qu'il s'agit pour moi d'un parmi d'autres, écouté par hasard un jour, réécouté quelques fois, et dont je ne pensais pas voir les auteurs sur scène un jour. Excellente surprise, donc, lorsque j'ai vu qu'ils ouvraient pour Mgła, et il faut avouer qu'il y a déjà pas mal de monde pour eux.

20h30, « It Stars to Breathe Inside », et tiens, prends ça. C'était évident qu'ils la joueraient mais je ne m'attendais pas à prendre en pleine face ce morceau en ouverture. Certains semblaient d'ailleurs souhaiter « Emanation », qu'ils placeront plutôt en fermeture.

Il semblerait qu'on ne soit pas tous d'accord sur la qualité du son selon les groupes ce soir. Alors que certains m'ont dit qu'ils avaient trouvé le son assez mauvais, j'ai entièrement apprécié le set massif qui m'a été proposé. Bien dosé, laissant le chant s'élever sans souci, et permettant d'apprécier toutes les subtilités du groupe. Parce que oui, Deus Mortem ce n'est pas que de l'ultraviolence, bien que les membres empruntés à Infernal War soient prêts à prouver le contraire. Ce qui m'a le plus surprise, dans le bon sens du terme, a été que les passages plus lancinants ou les petits détails mélodieux des guitares étaient tout sauf gênants, malgré le contraste avec les instants plus hargneux. Pour faire court, j'avais peur que ces moments affaiblissent la performance, créent de l'essoufflement alors qu'ils n'ont fait que lui donner de la consistance et mieux relancer la part de violence.

Si la majorité de la performance se déroule sans défaut notable, il faut avouer que j'ai été quelquefois embêtée par le fait que le second guitariste-chanteur vienne doubler le premier. Sa voix beaucoup plus grave que celle du chanteur principal pourrait se mêler à merveille, rendre l'ensemble plus convaincant, s'ils arrivaient tout simplement à se synchroniser. Là, il s'agissait des instants qui rendaient le plus « brouillon » alors qu'ils auraient dû justement faire partie des moments forts.

Une très bonne expérience tout de même, 45 minutes équilibrées, une performance simple et efficace.
 

DM : Je crois que ce serait un euphémisme de dire que j'étais pas franchement en état de passer le meilleur concert de ma vie. Fiévreux et complètement à l'Ouest, je pense pouvoir affirmer sans trop de soucis que si il n'y avait pas eu Deus Mortem j'aurais revendu ma place et dormi pendant 10h de plus. Parce que Aosoth ok c'est bien mais je m'en tape, et Mgła j'ai déjà vu quelques semaines avant et je peux parier que je les reverrai au moins deux fois d'ici la fin de l'année. Mais voilà, des Polonais avec des membres d'Infernal War à Nantes, désolé mais ça se rate pas. Et bien évidemment, j'ai eu bien raison de finalement me présenter au guichet ce soir parce que niveau concert de Black Metal qui met à l'amende une écrasante majorité du reste, ça se posait là.

Et du coup, après avoir fait le tour du proprio et vu l'énorme tourbus (eh ben dites donc, le Black Metal de l'Est, ça a l'air de sacrément bien payer en fait), à 20h30 pétantes le concert démarre. Certains se sont plaints du son, perso rien à redire il était parfait d'où j'étais, et nos gentils petits Polonais déguisés en grands méchants ont livré une prestation absolument impériale. Okay ça bûchait grave, mais on avait un énorme lot de riffs ultra efficaces qui dévissent la tronche ainsi que de surprenants passages plus mélodiques, un peu plus fragiles et lancinants, distillés de manière très intelligente avant que ça reparte de plus belle. Bien que globalement la musique reste brute, incisive et bien ancrée dans les codes de ce qui peut se faire de nos jours en Europe de l'Est. Du coup belle claque que cette première partie, regroupant absolument tout ce que je peux aimer dans le Black Metal, le chant arraché souvent doublé se la jouant toujours plus conquérant, prenant, ça enchaîne sans temps mort (bien que j'aie eu l'impression que tous les morceaux annoncés s'appelaient genre "The First Impurity" alors qu'absolument aucun titre du groupe ne ressemble à ça) et ça tire sa révérence de manière sobre. On part à la guerre, on fait pas de prisonniers, et malgré tout ça reste musicalement pas du tout si crétin que ça. L'efficacité incarnée. Bravo les mecs.

 

Aosoth

Dolorès : Histoire de résumer un peu la chose, deux éléments, principalement, n'ont pas aidé à ce que j'apprécie le concert des Français, et ont fait que je ne suis pas restée jusqu'au bout. D'une, Aosoth est un peu le groupe à part de la soirée, bien moins rentre-dedans. Ce qui ressort de leur performance est très différent de Deus Mortem et Mgła qui, eux, ont une certaine cohérence dans la composition à la fois frénétique et subtile, la petite touche polonaise dirons-nous. De deux, je l'avoue, je n'apprécie déjà pas le groupe sur album. Je pense, comme beaucoup, qu'Aosoth est une formation assez pro, carrée, propre, qui propose une dissonance bien comprise et exploitée mais, tout simplement, leur musique ne me touche et ne m'accroche pas.

C'est quand même avec curiosité que j'entre dans la salle, le groupe ayant quelques minutes d'avance et je reste bloquée dans la partie la plus lointaine de la scène, l'avant étant bien blindé. Tout n'est pas perdu, et il y a en effet du bon chez Aosoth. Néanmoins, les morceaux mettent parfois beaucoup trop de temps à s'établir solidement, selon moi. On a de belles explosions, des idées qui fonctionnent bien, mais qui arrivent trop tardivement. Ce n'est peut-être pas le cas de tous les titres qu'ils ont joué et qu'ils ont composé, mais c'était tout de même une impression qui revenait souvent lors de ce live.

Mais le gros point noir du live reste le chant, car non seulement on l'entendait très peu (bien que le reste du son était très bon de là où j'étais), mais de manière plus générale il ne me parle absolument pas et j'ai trouvé le chanteur assez peu charismatique. Après la furie qu'on avait pour Deus Mortem, celui-ci semble assez statique, créant une dynamique complètement différente et plus lente que ses musiciens (j'ai eu l'impression que c'était le bassiste qui tentait de faire le show).

A l'inverse, l'élément que j'ai le plus aimé était les petites parts d'originalité qu'on trouvait du côté de la rythmique. Le batteur n'a pas la précision et la frappe qu'ont ceux des deux autres groupes, mais la batterie, parfois plus ronde ou tribale ici, a pu me séduire parfois (je pense notamment à « Ritual Marks of Penitence »).

En bref, pas un mauvais live, mais pas réussi à rentrer dedans. Pas de photos car je n'ai pas pu me faufiler tout devant pour réussir à en prendre.
 

DM : Euh... Alors j'ai écouté plusieurs fois "An Arrow In The Heart" et j'aime bien hein. Mais là va falloir m'expliquer le délire. D'accord, on a affaire à une formation beaucoup moins rentre-dedans, à tiroirs et portée sur des ambiances, sorte de nappe atmosphérique entre les deux missiles Polonais de la soirée. Mais sérieux. Le son était bien trop compact, on ne comprenait pas grand chose à ce qu'il pouvait se passer et ça transformait la musique en une sorte d'énorme masse, un brouhaha de basses sur lequel on rajoutait de temps à autres de grosses dissonances, le tout porté par un frontman qui se la jouait bien mais dont on se demandait si le micro était bel et bien branché.

Donc tout ça c'est agréable en bruit de fond mais pendant 10min. Au final, ça m'a juste permis de comater comme il le fallait. Un mal pour un bien parce que fallait bien profiter du géant à venir. Pas mauvais dans l'absolu pour ceux qui viennent en connaissance de cause mais sacrément mal inséré dans l'affiche de ce soir.


Mgła 

Dolorès : On va se répéter en disant que je les ai déjà vus il y a moins d'un mois à Dublin, dans une salle exceptionnelle, au milieu d'une soirée incroyable. Du coup, c'est évident qu'ils avaient placé la barre si haut qu'il semblait difficile de renouveler l'expérience. A l'inverse de mon collègue DM, j'ai quand même ressenti de la déception.

Si le jeu de scène très statique, cagoules et dédain au rendez-vous, ne me gène absolument pas et fait bien partie de l'aura visuelle du groupe, la comparaison se fait immédiatement au niveau du son. The Academy, à Dublin, disposait d'une salle parfaitement équilibrée, et bien que placée exactement au même endroit dans chacune des deux salles (premiers rangs, centre-droit), la scène du Ferrailleur m'a imposé 70% de basse pour 30% du reste. Bon, certes, pour une fois personne ne se plaindra qu'on n'entend pas la basse dans un groupe de Black, mais il se trouve que j'entendais assez peu la guitare lead (tout à gauche de la scène). Cette dernière est quand même l'un des éléments les plus emblématiques du groupe, elle qui donne ce coté fluide, qui lie l'ensemble et accentue les élans les plus épiques, ce qui crée un énorme contraste avec ce que j'entends : une basse bien agressive, saturée, qui surplombe toute mélodie autre.

Niveau setlist, c'est quasiment la même chose, et ils semblent très peu la modifier depuis la sortie de « Exercises in Futility » de toute manière. Je comprends qu'ils aient sans doute envie de jouer des titres d'albums moins récents, mais ils savent très bien que la majorité de leur public les a découverts grâce aux deux derniers, ou les préfèrent largement au reste (bien que ce ne soit pas forcément le cas de tout le monde, bien sûr). Changer la setlist en partant de ce principe permettrait d'avoir une setlist un peu plus homogène et de faire honneur à certains titres qui méritent largement d'être rendus vivants sur scène (tous les autres titres de ces deux albums, en fait, pour ne pas les citer).

Bon, comme tout le monde, j'ai implosé lorsqu'ils ont joué « With Hearts Toward None VII » et « Exercises in Futility VI », les morceaux les plus prenants qu'ils ont pu composer selon moi. Mgła reste un énorme rouleau compresseur en live, qui arrive quand même à te prendre par les tripes et les sentiments quand il faut, c'est cette tension constante qui crée quelque chose d'assez magique.
Cependant, c'est sans doute le fait d'avoir eu quelque chose de parfait dès la première fois qui rend cette seconde impression légèrement en dessous, tant au niveau du son que de l'effet de surprise manquant.
 

DM : J'ai déjà entendu des potes se plaindre des prestations de Mgła. Ah, jamais pour dire que c'était mauvais hein, mais davantage que c'était presque aussi surprenant qu'un concert de Behemoth. Du genre, vus 5 ou 6 fois, et 5 ou 6 fois strictement le même set, au mouvement près (enfin vu ce que ça bouge...). Bref, je les avais déjà vus à Dublin il y a peu, le concert était absolument énorme, et ce soir, ce fut exactement le même. Setlist identique, sortie de scène identique, et même prestance absolument déshumanisée. Après, j'ai tellement pris une violente claque les deux fois que je risque pas de m'en plaindre.

Mgła sur scène est juste un monstre. Une putain de machine de guerre qui force à fond son imagerie sans en être trop ridicule. Toujours avec leurs superbes cosplays de Détraqueurs de Harry Potter, zéro jeu de scène, pas un mouvement, et on t'envoie un mur du son ultra épique dans la gueule qui va te faire voyager dans l'espace. Petit regret pour le son cette fois cependant, avec une guitare lead quand même vachement effacée. Mais sinon c'est que du bonheur. La setlist a pas bougé, et on se rend toujours compte que le groupe ne met pas tant l'accent sur son dernier album, allant même jusqu'à commencer le set par deux vieux titres ouvrant respectivement leurs deux Eps "Mdłości" et "Further Down the Nest" avant de rendre tout le monde fou avec le titre d'ouverture de l'acclamé "Exercise in Futility". Et là ils arrivent à effectuer le tour de force qu'est prouver que l'on est un groupe de scène sans bouger d'un seul pas tout au long des 45min de show. Show qui atteindra bien entendu son apothéose sur les deux derniers titres qui mettront tout le monde d'accord, le superbe "With Hearts Towards None VII" m'ayant collé les plus gros frissons de tout le set lors de ses premières envolées, et la fin sur le dernier titre du dernier opus et son riff de clôture que tout le monde voudrait voir durer pendant des heures.

Et donc, nos pionniers du Black Orthodoxe confirment une fois de plus leur statut. Montant toujours plus en puissance sans trahir leur musique, s'imposant sur le devant d'une scène toute entière et ne faisant que prouver tout le bien qu'on peut en penser. Jusque là assez élitistes, et ne s'étant imposés à un public encore plus large qu'avec leur dernière sortie, et tournant maintenant dans tous les sens et pas avec n'importe qui (en plus de cette tournée là, on les revoit avec... justement... Behemoth à la fin de l'année), notre petit Polak est devenu un géant, et vu les prestations qu'il arrive à nous servir, eh ben ce statut lui va à ravir. Merci les gars, à la prochaine, on verra bien à partir de combien de fois je commencerai à me lasser.

Merci Garmonbozia, merci le Ferrailleur, et à bientôt Mgła puisqu'on vous revoit bientôt dans l'Hexagone pour soutenir Behemoth et Secrets Of The Moon.

 

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