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vendredi 18 septembre 2015

Noiser Asso

Niko Bastide

Shawn

Anciennement responsable du webzine U-zine.org. Actuellement chroniqueur éclectique et live reporter basé à Toulouse.

A Toulouse, les principales associations d'orga de concerts capables d'accueillir des groupes professionels de niveau internationaux se comptent sur les doigts d'une main. Il y a SPM, officiant autant dans l'extrême (Venom/Vader à la fin du mois) comme dans le plus grand public (Accept, Ensiferum...) prenant généralement les gros plateaux. Il y a Toulouse Hardcore Shows, qui dégote de jolis plateaux extrêmes mais qui aime diversifier ses lives dans le pop-rock ou dans des univers plus colorés encore. Et enfin il y a Noiser. Cette dernière asso, fête cette année ses 5 ans, l'occasion de faire le point avec Niko, son président, sur le chemin parcouru. Un échange profondément humain ...

 

Salut Noiser. On va commencer avec LA question ultra classique mais indispensable : pouvez-vous présenter l’association, son but et ses valeurs ?

Je suis un enfant du Bikini, j’ai fait mes premiers concerts bien avant ma majorité au sein de l’ancien Bikini et quand il y a eu AZF ça a été une grosse perte pour les Toulousains… tous ces plateaux qui nous ont fait rêver quand on était gosses ne passaient plus chez nous. Le but de Noiser au moment de la création de l’asso était de repositionner Toulouse sur la carte pour toutes les tournées des artistes estampillés musiques extrêmes tout en mettant en avant la scène locale.

Nos valeurs sont celles d’une asso de passionnés, nous mettons un point d’honneur à accueillir les groupes et leurs accompagnants comme nous accueillerions des potes, bonne bouffe, bonne picole. Nous n’avons jamais cherché à nous faire du blé mais plutôt à réaliser des concerts que nous avons envie de voir, et en en faire profiter le maximum de personnes au prix le plus raisonnable possible.

 

Vous existez depuis 2010, l’association a donc fêté ses 5 ans cette année. En regardant le chemin parcouru, quel bilan tirez-vous de ce que vous avez accompli ?

Le premier concert de l’asso, c’était Hangman’s Chair/Drawers au Saint des Seins, à l’époque on ne réfléchissait pas trop, je les ai contactés parce que mes compères de Drawers (NDLR : Niko est le chanteur de Drawers) étaient fans, ils ont été motivés direct, on avait fait quasi 200 entrées sans préventes, pure soirée, on s’est mis vraiment la tête à l’envers et on a eu envie de recommencer. Il faut être solidement ancré dans la réalité pour faire ce qu’on fait aujourd’hui, le modèle de fonctionnement qu’on a choisi est intégralement basé sur le bénévolat, il faut rester droit dans ses bottes et avancer. Continuer à faire ça par passion demande de l’abnégation et de la rigueur.

Quelqu’un du milieu m’a dit que c’était bien joli de faire ça, mais que ça ne durerait pas, et que notre modèle était trop fragile, du coup, on continue. Aujourd’hui nous produisons des concert qu’on aurait jamais imaginé pouvoir produire à la fondation de l’asso, Marduk, Napalm Death, Kruger, Nile, Biohazard, Raised Fist, Dying Fetus, Entombed, sont tous des groupes avec lesquels j’ai grandi, réaliser aujourd’hui des dates pour eux et les faire se sentir comme chez eux est un honneur. Nous essayons quand même de garder un pied dans le local malgré la croissance de l’asso, c’est aussi galvanisant d’arriver à produire une soirée avec des locaux et de la réussir que de faire un plateau de ouf.

D’une manière générale l’accès au live dans de bonnes conditions est assez difficile, de même que la promo, donc si on peut faire la même chose pour les moins gros que pour les gros c’est la branlée.

Initialement, l’association était très associée à la scène stoner, sludge, doom & psyché. Vous vous êtes élargis depuis au post-rock, au hardcore et au metal extrême. Comment voyez-vous cette évolution et les styles musicaux que vous proposez ?

C’était assez logique d’ouvrir le champ des styles musicaux qu’on propose, personne n’écoute un seul style musical et encore moins un seul style de Metal, ou alors c’est une grosse erreur. Il y a tellement de bonnes choses à écouter dans chaque style que l’ignorer serait tout simplement insensé.

 

L’une de vos marques de fabrique a longtemps été de proposer systématiquement un groupe local en ouverture de vos concerts. En quoi est-ce important à vos yeux de soutenir la scène locale ?

Si on part du principe que la seule vraie façon d’apprendre est au contact des maîtres, alors c’est le seul schéma viable à reproduire. Le Metal est un style figuratif, qui n’a jamais pris son air guitar pour mimer un riff de fou d’un groupe qu’il adule ? Soutenir la scène locale c’est aussi assurer la pérennité du public, beaucoup de réguliers qui sortent voir des concerts sont des zicos et on se déplace plus facilement pour voir un pote/une pote qui joue avec son groupe et alors quand la tête d’affiche défonce, c’est carton plein. Il ne faut jamais oublier que tous les groupes sont des groupes locaux quelque part dans le monde.

En 2013, vous aviez organisé le Noiser Fest, avec une série de 4 jours de concert consécutif (avec notamment Eyehategod et Walls of Jericho). Pourquoi ne pas l’avoir réitéré ?

Pour être tout à fait honnête c’était un putain de coup de bol, on a réussi à booker les deux têtes d’affiches suscitées sur deux jours consécutifs, du coup on a booké un 3ème jour avec uniquement des locaux et le 4ème avec des têtes d’affiches Françaises. Ne pas essayer de réitérer est un choix, la problématique d’entrer en mode festival est totalement différente de celle d’avoir une programmation à l’année. Pour le moment nous préférons largement travailler toute l’année sur une prog cool  et se gaver de concerts, même si tout ne marche pas tout le temps comme on le souhaiterait.

 

La venue à Toulouse du groupe de sludge/doom Weedeater a été l’accomplissement d’un travail de longue haleine. Pouvez-vous nous raconter les dessous de cette histoire ?

Ahah !
Weedeater c’est un groupe qu’on voulait faire depuis 2010 et on les fait en 2015 après 2 ou 3  annulations de tournées pour des raisons diverses et variées, coup de fusil dans le pied du chanteur 2 fois (oui oui tu lis bien), et incohérence de plannings pour une autre. Quand on a eu l’offre pour les faire en Juin 2015 on était un peu désabusé parce qu’on se demandait si ça allait encore capoter ou pas, finalement il y a eu quelques difficultés avec les premières parties qui ont changé 4 fois avant d’annuler tout simplement et de se retrouver avec uniquement Weedeater et Plebeian Grandstand (Black Metal made in Toulouse), la soirée n’était pas un franc succès en terme de fréquentation mais putain que c’était bien, rencontrer enfin ces gars qui n’ont aucun filtre de vie était incroyable, ils s’en battent tout simplement la race et ça fait du bien. Dans ce monde d’artistes beaucoup de personnes sont fausses et mal intentionnées, et font ça pour des raisons de quête de gloire personnelle et pas pour la musique, eux c’est l’inverse.

Par exemple quand j’ai demandé à Dixie, le chanteur du groupe si ils préféraient un hôtel en Espagne pour pouvoir se baigner au matin comme veulent 99% des groupes qui tournent en été, il m’a simplement dit « Tu sais, je vis sur la plage toute l’année, j’en ai rien à secouer, je préfère rester avec vous, et passer la soirée à me coller ».

No filter no problem, les gens simples sont tellement agréables.

Noiser est friand de concepts qui vont parfois au-delà du simple concert. Ainsi, vous avez notamment organisé Scott Kelly (Neurosis) directement au domicile du président de l’asso. Racontez-nous !

Hibooking nous a demandé un concert intimiste pour Mr Kelly, qu’y a-t ‘il de plus intimiste que son propre foyer ?

En gros on a mis 70 places en vente chez Vicious CircleToulouse (big up à Grégoire), on a acheté 200 bières et on a fait une soirée à la maison avec Ormes (quatuor à corde Toulousain typé musique orientale progressive en concert à Toulouse le 21/09/2015) Scott Kelly et Sandford Parker (de Minsk) aux machines, et c’était la branlée, ils étaient autant ravis que nous. Ce moment était particulier, je n’ai jamais été un die hard fan de Neurosis contrairement à certains membres de l’asso mais avoir ce monsieur et sa simplicité chez moi avec la famille Noiser et les amis c’était fou, intense et totalement humain, surtout qu’on s’est laissé dire par ce grand monsieur que c’était la meilleure date de sa tournée.

 

Votre salle préférée, quasiment devenu votre QG a longtemps été la Dynamo. Cette mythique salle du centre toulousain est menacée de fermeture depuis maintenant plusieurs mois à cause d’un projet immobilier. Quel est votre ressenti sur cette triste histoire ?

Franchement, La Dynamo c’était complètement fou. Une salle de concert de 300 places plein centre, avec un son quasi parfait (on l’appelait le petit Bikini) c’était une aubaine, Noiser n’aurait rien fait sans La Dynamo et son staff, ça nous a permis de grandir de nous structurer, d’apprendre de nos erreurs, de travailler avec beaucoup de monde, asso et groupes. Notre ressenti de but en blanc c’est tout simplement un immense gâchis.

Peu de villes peuvent se targuer d’avoir une salle avec une config parfaite, Toulouse l’avait, elle l’a tout simplement perdue pour de sombres histoires de magouilles immobilières et de promesses non tenues. Ça a beaucoup participé à la perte du peu de foi qui me restait en le système politique, aujourd’hui je ne vote plus, je ne considère plus que quelqu’un peut changer les choses en passant par les circuits traditionnels pourris.

La politique ne devrait pas être un métier, faire jouer Napalm Death était ultra significatif à titre personnel, c’était une manière de dire FUCK OFF !

Avec Nile et Suffocation le 13 septembre, vous avez organisé pour la première fois au Bikini, considéré comme LA meilleure salle de Toulouse. Comment vivez-vous cette évolution ?

Avec un putain de plaisir, maintenant que cette date est passée, je peux te dire que ça m’a fait avancer personnellement et professionnellement, c’est très important de se fixer des caps et de les tenir. A l’instar d’SPM qui fait des plateaux à très grosse jauge par rapport à nous, j’ai toujours eu la crainte de ne pas avoir un plateau qui nous permettrait d’arriver à remplir correctement cette salle. D’ailleurs ce n’est pas simplement une salle, pour moi ça représente la quintessence du son, l’équilibre parfait, le moment ou le coup de grosse caisse agrémenté d’une note de basse te transperce le thorax.

Nous avons immédiatement parlé de retravailler ensemble, j’espère que nous le ferons vite.

 

Une nouvelle saison va débuter d’ici quelques jours. Présentez-nous les concerts que vous organisez pour 2015/2016 … Avez-vous des pistes pour la suite de la programmation à l’horizon 2016 ?

Pour le moment on a simplement rajouté Kvelertak à notre programmation de fin d’année, normalement il devrait y avoir une ou deux dates de plus. Pour 2016 j’aimerais profiler un retour à la scène « locale » on a plusieurs contacts pour des releases parties de groupes qu’on suit depuis longtemps, et qui ont été impliqués à différents niveaux dans la vie de l’asso. J’aimerais aussi qu’on essaye de monter des plateaux qui ne sont pas déjà tout faits, aujourd’hui on a très peu de latéralité concernant le choix de ce qu’on fait jouer, les trois quarts des premières parties qui accompagnent les headliners payent pour être sur l’affiche, je n’aime pas du tout ce système, même si nous contribuons à le faire perdurer, comme dans tous les domaines, il ne faut pas de modèle dominant, car ça tue la diversité.

 

Avez-vous des « haut-faits » à atteindre (dans le style d’organiser un mini-festival, un groupe en particulier à faire jouer, ou quelque chose de très particulier à accomplir) ?

A ce stade de la vie de l’asso, nous avons encore des rêves, mais je suis un peu superstitieux à ce sujet, j’ai l’impression que si je dévoile tout ça va capoter, donc oui il y a encore beaucoup de choses à faire, et non je ne peux pas en dire plus.

 

Je vous laisse le mot de la fin si vous avez un message à faire passer à nos lecteurs.

Déjà un gros merci à toi, t’es une des seules personnes qui semble indéfectiblement dévoué à notre passion commune et ce depuis le début de Noiser, merci à Horns Up pour la fenêtre d’expression, et pour me laisser parler sans filtre.

Merci à tous les gens qui viennent aux concerts, qui payent leur place sans chicaner, qui ne demandent pas d’invitations une heure avant le début du show et qui continuent à acheter des disques.

Merci aux artistes, aux salles Toulousaines et aux bookers qui nous font confiance, je pense notamment à Charly Hibooking, Fred et Lorène de Garmonbozia, Nico et Kalchat de Rage Tour.

Merci à Soufiane « Papa » Djaffer Boss du Metronum à Toulouse, toujours prompt à donner des conseils et à nous éclairer.

J’aimerais dire un petit mot aussi pour un grand Monsieur qui nous a quitté Christophe Erhwein, fondateur de Kongfuzi, j’ai passé de longues heures à parler avec lui et à apprendre de son expérience incommensurable, grosse pensée pour l’équipe qui a la lourde tâche de continuer ce qu’il a commencé.

Ce qu’on essaye d’accomplir n’a pas vraiment de but si ce n’est de se faire plaisir et de vous faire plaisir, alors parfois on se plante, comme quand on ne choisit pas le bon cadeau pour un pote, mais c’est l’intention qui compte et qu’on fasse 70 ou 400 entrées le plus important c’est ce qui se passe sur scène… et au bar…

Puisque je parle en mon nom, je voudrais dire un putain de merci aux 10 personnes qui travaillent avec moi chez Noiser, Céline, Elise, Nash, Kdy, Rachel, Guillaume, Jérémie « the Amazing », Alexandre « El Molestador »,  Clément et Pierrick (pour supporter le QG d’une asso chez toi), sans vous Noiser n’est rien,  nous avons fait 60 concerts en 5 ans, et ça n’est que le début. Mention spéciale aux deux membres fondateurs légendaires de Noiser : Rk et Lisa.

 

Merci donc à Niko pour son temps, sa disponibilité et son engagement sur la scène ancré dans des valeurs profondément humaines.