
Matthieu, 24 ans, basé à Nantes. Ancien membre d'U-Zine et de Spirit of Metal. Vous me retrouverez pour les chroniques et live reports de divers styles musicaux.
Combien d’entre vous ont versés toutes les larmes de leurs corps en 2013 lorsque Guttural Secrete annonçait sa séparation tout juste après avoir accouché de son deuxième album, Nourishing the Spoil ? Moi je l’avoue, quitte à renoncer à ma virilité, l’annonce du split de l’un des meilleurs groupes de Brutal Death, auteur d’un des meilleurs albums du genre, à savoir Reek of Pubscent Despoilment (oui rien que ça), m’a bien attristé. Vous imaginez donc ma joie lorsque j’ai appris un peu plus tard dans l’année que Blue Jensen (voix) et Randy Thompson (guitare/basse) venaient de fonder un nouveau projet avec à la batterie Richard Nunez, batteur de Cerebral Incubation. Euphegenia venait effectivement de voir le jour. Et il aura fallu peu de temps pour avoir quelque chose à se mettre sous la dent. Fraichement signé chez le nouveau cador du genre, New Standart Elite, le trio sort son premier EP en juillet 2014. La bête, horriblement illustrée par Regurgitated Arts, se nomme Telexistent Depravity.
« Are you ready for pain ? Are you ready for suffering ? If the answer is yes, then you’re ready for… »
Comme on pouvait s’y attendre lorsque l’on s’attarde sur le line-up d’Euphegenia, le Brutal Death des américains découle directement de ce que la paire Jensen/Thompson faisait dans Guttural Secrete, à savoir une musique ultra violente mais très alambiquée (même si ça reste plus compréhensible et moins bordélique que sur Nourishing the Spoil). Poursuivant dans la tradition de Guttural Secrete, Telexistent Depravity s’ouvre sur un sample humoristique avant de livrer tout cru l’auditeur à la déferlante du premier titre, Enormity of the Lecherous Kind.
Ce n’est un secret pour personne dans le petit monde du Brutal Death, Randy Thompson est un excellent guitariste et un compositeur de génie, à condition d’être adepte des structures bordéliques. Si l’on ne tombe pas dans la démesure comme c’était le cas sur Nourishing the Spoil (bien que j’apprécie de plus en plus l’album), on a ici bien plus de repères. Attention, oubliez tout de suite le schéma couplet/refrain/couplet/refrain/break/couplet, Euphegenia se situe à des lieux de tout ça ! Basée avant tout sur un déluge de blasts (Richard Nunez fait ici bien plus étalage de son talent que chez Cerebral Incubation) et de riffs épileptiques (ça tricotte sévère assez souvent), la recette du trio incorpore également des riffs brises nuques (Enormity of the Lecherous Kind et surtout Telexistent Depravity), des riffs typés black metal, des harmoniques en veux-tu en voilà, des arpèges décalés ainsi que des passages typés Slam Death comme sur Enormity of the Lecherous Kind ou sur Digital Strain of Dementia. N’étant pas fan de ce genre de passages slammés d’habitude, force est de reconnaitre qu’ils sont ici très bien amenés et apportent beaucoup à l’ambiance qui se dégage de la galette. L’ambiance est d’ailleurs un des éléments les plus importants qui se dégagent de cet EP. Le trio a vraiment fait un gros travail à ce niveau. Même si les ambiances étaient très travaillées chez Guttural Secrete, on passe à un niveau supérieur ici comme en témoigne le titre éponyme.
L’autre gros point fort de cet EP est, comme c’était déjà le cas chez Guttural Secrete, le chant de Blue Jensen. Je le considère pour ma part comme un des meilleurs vocalistes et surtout un des plus variés du genre, et sa prestation ici ne peut qu’appuyer mon propos. Alternant comme bon lui semble entre growls, pig squeals et cris aigus, le bonhomme dispose également d’un débit proprement hallucinant (Digital Strain of Dementia sur lequel Andrew LoMastro de Cerebral Incubation vient lui prêter main forte et surtout Post Simulated Disseverance).
Vous l’aurez compris, cet EP est pour ma part une franche réussite. Euphegenia propose ainsi, comme le faisait d’ores et déjà Guttural Secrete, sa propre recette du Brutal Death et ne tombe pas dans les clichés du genre. Le Brutal Death étant depuis quelques années une scène en pleine saturation, Telexistent Depravity offre un certain souffle aux amateurs du genre à condition d’être réceptif au style très alambiqué des américains. Reste à savoir ce qu’il adviendra de la formation car la reformation de Guttural Secrete et la popularité de Cerebral Incubation ne devrait pas faciliter les choses pour le trio. Quoi qu’il en soit, Telexistent Depravity est pour ma part l’une des meilleures sorties Brutal Death de l’année 2014, vous voilà prévenus.
Tracklist :
1. Enormity of the Lecherous Kind
2. Digital Strain of Dementia
3. Telexistent Depravity
4. Post Simulated Disseverance