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mercredi 9 juillet 2014

Blues Pills

Dorian Sorriaux

U-Zine

U-zine.org, webzine musical metal actif entre 2004 et 2015. Fermé en 2015 suite à sa fusion avec 2Guys1TV, ses articles (chroniques, live-report, interview, dossiers, ...) sont désormais disponibles directement sur Horns Up via ce compte !

Blues Pills, c'est la valeur montante du paysage blues/rock/psychédélique. Après une tournée française partiellement avortée et une prestation remarquée au Hellfest, le groupe sort son premier album. L'occasion parfaite pour discuter avec Dorian Sorriaux, le jeune guitariste français de la formation ...

Bonjour Dorian, comment vas-tu et comment se passe cette tournée ?

Ca va pas mal, là je suis à Brest encore en France donc, et demain je prends l’avion pour la Suisse puisque l’on joue au Montreux Jazz Festival. Après on a deux concerts en Autriche. Sinon, je viens juste d’avoir mon bac !! J’étais rentre en France pour le passer et comme je viens de l’avoir, je repars ensuite en tournée avec le groupe !

Justement, j’ai entendu dire que ta mère insistait pour que tu passes ton bac avant de véritablement mettre en avant ta carrière musicale …

Oui, c’est vrai ! On en avait discuté avec mon accord. Avoir le bac, c’est toujours bien avant d’entreprendre quoi que ce soit, c’est comme une sorte d’aboutissement.

Blues Pills est un groupe assez récent et il est encore difficile de se documenter sur le groupe. Peux-tu avant toute chose te présenter et nous présenter le groupe ?

Le groupe est basé en Suède. On est donc considéré comme étant un groupe suédois cependant je suis français et les bassiste et batteur sont américains. Il n’y a que la chanteuse qui est suédoise. On joue du blues/rock avec des grosses influences soul et psychédéliques, très influencé par les années 60 et 70.

Comment le groupe s’est-il formé ? Raconte-moi comment deux américains, une suédoise en un français ont réussi à se réunir pour fonder un groupe ensemble !

Pour ma part, j’ai rencontré Zack (basse) et Cory (batterie) il y a deux ou trois ans. J’avais un groupe avec des potes avec lequel on a fait la première partie de Radio Moscow qui était justement le groupe de Zack et Cory. Après le concert, on a discuté sur Facebook. Six mois plus tard, ils ont quitté le groupe et fondé Blues Pills avec Elin qu’ils ont rencontré lors d’un de ses voyages entre la Suède et la Californie. Ils ont commencé à jammer ensemble avant de véritablement fonder le groupe. Ils ont ensuite déménagé en Suède pour des raisons purement administratives. Il faut savoir que c’est bien plus facile pour des américains de s’installer en Suède que pour des suédois d’avoir un visa aux Etats Unis. Dès le début du groupe, ils m’avaient envoyé des démos et ils ont fini par me proposer de les rejoindre en tant que guitariste. Ils commençaient à préparer une tournée en Espagne et au Portugal, et la France n’étant au final pas si loin de ça de la Suède, ils se sont dit qu’ils pouvaient bien recruter un français ! J’ai donc intégré le groupe pour la tournée en Espagne, et ils m’ont demandé ensuite d’enregistrer avec eux ce qui devait être une démo à l’origine et qui est finalement devenu le premier EP. Après ça, je suis monté en Suède pour intégrer le groupe de manière officielle.

Et toi du coup, tu es localisé officiellement en France ou en Suède ?

En Suède. Dernièrement, j’étais souvent en France pour passer le bac mais sinon, je suis en Suède.

Vous êtes depuis peu sur l’écurie Nuclear Blast, qui est un peu le label ultime pour tout ce qui touche au metal. Comment vous-ont-ils repérés ? Comment s’est passé votre intégration chez eux ?

Ça a commencé par un simple email qu’on leur a envoyé avec un lien vidéo et un petit mot « On aimerait beaucoup signer chez vous ! ». Et à notre grande surprise, ils nous ont répondu ! C’est assez surprenant vu que c’est assez rare d’avoir des réponses d’un label, surtout quand ils sont contactés de cette manière, mais ils nous ont dit que nous avions besoin d’être entouré d’une équipe. Ils nous ont trouvé un manager, un tourneur, avant même que l’on ait signé et négocié quoi que ce soit. Pendant une tournée en Allemagne, on a rencontré des représentants de Nuclear Blast qui sont venu nous voir jouer à un concert, donc ça s’est fait assez naturellement au final. Pendant d’autres tournées, on a rencontré des gens d’autres labels mais c’est Nuclear Blast qui nous a toujours paru le plus adapté. On était assez familier de leur travail puisqu’ils ont signé quelques groupes rétro, certes plus metal, comme Orchid ou Graveyard. On a vu que ça avait bien marché pour ses groupes là, donc quelque part ça nous a rassuré. C’était aussi le seul label qui ne nous a pas demandé de changer notre son ou notre manière de faire. Si je te dis ça, c’est qu’un label en particulier, sans citer de nom, nous a demandé de faire quelque chose de plus mainstream, plus commercial. Bon, c’était dit plus subtilement mais le message sur la finalité était quand même clair. Ce même label, d’ailleurs, nous avait fait la plus mauvaise offre en nous disant « Vous ne pouvez pas espérer mieux pour les groupes dans votre genre », ils mettaient la pression, ce n’était pas très clair. Donc d’avoir signé chez Nuclear Blast, qui n’avait pas du tout cette attitude, c’est aussi la preuve que ce label est totalement à côté de la réalité. On n’a aucun regret puisque Nuclear Blast dispose d’une solide équipe, et ils nous ont ouvert beaucoup de portes.

Vous avez par le passé sorti 3 EP et un single et vous sortez en fin de mois votre premier album éponyme, peux-tu revenir sur la création de votre premier véritable bébé ?

Comme tu le disais, c’est notre premier album. Pour ceux qui connaissent déjà le groupe, ils y retrouveront des titres qui ont été sorti précédemment sur les EP, mais réenregistrés et réarrangés, parfois même de façon poussée, avec des paroles différentes par exemple. On voulait mettre les meilleurs morceaux sur cet album, et nous n’étions pas totalement satisfaits des versions que l’on a enregistré par le passé pour les EP. On avait enregistré nous-même, ce n’était pas très pro, il n’y avait pas de moyens. L’album a été enregistré en studio professionnel avec un son beaucoup plus travaillé et qui nous convient beaucoup plus. On est content des versions que l’on propose sur l’album. Pour en revenir à l’album, il a été produit par Don Alsterberg. Il a enregistré, mixé et produit l’album donc il a eu un impact sur la direction musical assez important. Il avait un avis sur tout, surtout au niveau de l’arrangement, ce qui était très intéressant.

Avez-vous poussé le vice à aller l’enregistrer en tout analogique ?

Oui, c’est une autre caractéristique de l’album, au niveau du son surtout. Tout a été enregistré sur bande magnétique de A à Z. L’album a été mixé de cette manière aussi. Ça n’a été sur un ordinateur qu’après le mastering. C’est aussi due à la manière de travailler de notre producteur. Il faut savoir que dans son studio, il n’y a pas un seul ordinateur. Au final, on est très content de ce rendu sonore, conforme à ce que l’on recherchait.

Sur cet album, vous reprenez le titre Gypsy de Chubby Cheker. Comment vous est venue cette idée ?

C’est venu assez naturellement. Zack, le bassiste de Blues Pills, nous a montré le morceau et on a commencé à le jammer et à le jouer pendant les balances. On trouvait ce titre assez sympa, aussi du fait qu’il est sorti sur un album de Chubby Cheker sorti dans les années 70 que peu de gens connaissent. Il est connu pour ses albums des années 50 avec le twist, danse qu’il avait lui-même inventé. Ça n’a donc rien à voir avec cet album psychédélique qu’il a fait dans les années 70. Le jour où il nous a fallu un morceau de plus sur la setlist, on a commencé à la jouer en live et petit à petit c’est devenu un titre à part entière sur notre set. Voilà pourquoi on a voulu qu’il soit présent sur l’album, réarrangé à notre sauce.

Votre musique est emprunte des années 70. Vous êtes tous très jeunes, et n’avez pas connu cette époque. Quels sont vos inspirations pour retranscrire l’ambiance de ces lointaines années ? Comment avez-vous capté l’énergie de cette époque que vous n’avez pas vécue ?

En fait, on écoute tous cette musique depuis bien longtemps. C’est l’influence que l’on a, et c’est assez naturellement que l’on joue ce type de musique. On essaye juste d’y insuffler notre vision de cette musique.

De même, le groupe aborde un look très en phase avec les années 70. Est-ce délibéré pour coller au style musical ?

Tu sais, on est habillé au quotidien comme tu nous vois sur scène. Sauf éventuellement Elin qui porte parfois des choses plus simples et décontracté que sa robe de scène.

Le style musical « revival 70’s » est visiblement en vogue depuis quelques années avec des groupes comme Kadavar, Witchcraft, Orchid, et d’autres. Comment vois-tu ça ? N’as-tu pas peur que ça ne soit qu’une mode ?

Très bonne question ! Quelques personnes parlent d’un phénomène de mode en effet. De plus en plus de gens se mettent à écouter de la musique de ces années-là et au fur et à mesure que ça prend de l’ampleur on peut éventuellement parler d’un phénomène de mode. En tout cas pour moi, j’ai commencé à écouter cette musique quand j’avais trois ou quatre ans. Je me rappelle même à l’époque, je gardais ça pour moi à l’école. Ecouter de la musique rock, blues de groupes de plus de 50 ans d’âge, c’était plus la musique que l’on associait à nos parents. J’en avais presque honte, en tout cas à l’école primaire. Je me suis rendu compte assez rapidement après que pas mal de mes copains en écoutaient aussi. Pour ma part donc ça n’était pas un phénomène de mode. Pour reparler de ce qui se passe en ce moment, je pense que c’est une bonne chose que ce courant musical redevienne populaire. Il y a tellement eu de musique très commerciale et principalement basé sur des sonorités électroniques … ça explique peut-être pourquoi certaines personnes veulent revenir aux sources d’une musique basée sur l’émotion, l’énergie du rock, que l’on avait perdu au passage.

Le groupe a trois ans d’existence, et vous avez déjà signé chez Nuclear Blast, un des plus gros labels européens, vous avez déjà joué au Roadburn, au Desertfest, le graal de tous les groupes stoner, sludge, doom et psyché, encore dernièrement au Hellfest, le tout sans avoir sorti de véritable album. D’une part comment expliques-tu le succès du groupe ? Et d’autre part n’as-tu pas l’impression que tout va trop vite ?

Effectivement les choses se sont enchainées assez rapidement depuis la première tournée. Six mois après la formation du groupe, on était déjà en tournée après un EP sorti sur un petit label, c’est quelque chose que peu de groupes arrivent à faire. Le départ était donc assez sympa pour un groupe qui vient juste de se lancer. On a tout donné pour le groupe. Comme je te le disais, on est tous de différents pays, on s’est tous retrouvé en Suède pour le groupe. Dès que l’on pouvait avoir une date ou faire une mini-tournée, on fonçait. On a commencé à faire de plus en plus de concert, dont le Roadburn, le Desertfest. Pour ma part, je n’ai pas trouvé ça trop rapide puisque ça a été très progressif, même sur un espace-temps assez court. On est passé de tournées organisées à la dernière minute à quelque chose de plus cadré, on a eu un manager. La seconde tournée était mieux que la première, la troisième était encore mieux, etc …

N’as-tu pas peur que d’ici 1 ou 2 ans, à ce rythme-là vous ayez presque tout fait, autant que ce qui prend des décennies à réaliser à un groupe lambda ?

J’espère juste que le groupe nous permettra d’évoluer dans ce sens. On verra bien ! On a pris les choses comme elles sont venus, sans se prendre la tête, et c’est ce que l’on va continuer à faire tout en prenant du recul sur comment les choses évoluent. Je t’accorde que depuis quelques mois, avec Nuclear Blast et la sortie de l’album, ça a donné un gros coup de boost, notamment au niveau de la presse, ce qui est encore un peu nouveau pour nous. On prendra les choses comme elles viendront.

A ce propos, à titre personnel, comment as-tu vécu une date comme le Hellfest, le plus gros festival de metal de France ?

C’était quelque chose le Hellfest !! Comme tu le sais peut-être, je suis breton et le Hellfest étant à Clisson, donc je connaissais depuis de nombreuses années. On a fait des festivals aussi importants en Suède, mais le Hellfest ça représentait quelque chose de vraiment spécial. Il y avait aussi beaucoup de monde. On était le premier groupe du dimanche sur la Mainstage 01. On m’avait dit que c’était un peu dur le dimanche, qu’il risquait de ne pas y avoir grand monde, et il y avait semble-t-il autour de 10.000 personnes. C’était la première fois que l’on jouait devant autant de monde, et sur une scène si grande. C’était impressionnant mais ça reste un très bon concert, le son était très bon et on s’est bien amusé.

De tous les avis et retours que j’ai sur vous, je n’ai entendu que du positif. Est-ce que tu prêtes attention à ce qui se dit sur le groupe ?

De moins en moins, très peu en fait. Disons que je lis de temps en temps les chroniques, mais vraiment de moins en moins. Au final, si c’est une bonne critique, ça fait plaisir, mais quand c’est une mauvaise, ça peut aussi être déstabilisant. Même si c’est un simple commentaire Youtube, ça peut parfois être assez brutal. En revanche, si on vient me voir à la fin d’un concert, par exemple, et qui apporte une critique, même négative, mais surtout constructive, j’y verrais un intérêt. Mais ces temps-ci, j’évite d’y prêter attention … peut-être parce que j’étais concentré sur le bac, et que j’avais moins de temps pour m’occuper de ça.

Lorsque j’avais vu le groupe à Bordeaux, j’avais eu l’impression de me trouver devant Coven, l’un des groupes fondateur du rock occulte et précurseur du heavy metal, du fait de la musique, mais aussi par le côté ensorcelant d’Elin Larson rappelant Jinx Dawson. Comment vois-tu cette comparaison ?

A vrai dire, je connais assez mal Coven, donc je ne pourrais pas vraiment te répondre. Ceci dit, toute comparaison avec des groupes de cette trempe, c’est évidemment un compliment.

A propos de cette tournée, elle s’est arrêté brutalement pour raison de santé. Que s’est-il passé exactement ?

Au sein du groupe, quelqu’un est tombé malade. On a préféré ne pas citer de nom lors de notre communiqué pour ne pas mettre plus de pression sur les épaules de cette personne.

Il se disait que c’était Elin qui avait des soucis au niveau de sa voix …

Heuuuuuuu … Oui. Voilà, c’est ça. Ce n’est pas tant que ça un secret hein ! C’était une décision déjà très dur à prendre, et on voulait vraiment éviter de lui rajouter une pression supplémentaire. Elle a dû travailler sur sa voix, la faire reposer. Maintenant ça va mieux, mais effectivement quand tu chantes tous les jours, c’est un véritable effort physique qu’il faut savoir maitriser.

Quel est l’avenir pour le groupe ?

Cet été on a pas mal de festivals, on doti en avoir une 20aine. On est donc sur les festivals jusqu’à fin aout, et après au mois de septembre on n’a rien encore, mais on repart en tournée dès le mois d’octobre avec des dates en Allemagne et en Autriche notamment. On est en train de voir ce qui est faisable pour refaire une tournée en France et de repasser dans les villes où on n’avait pas pu suite à l’annulation. En gros : promotion de l’album via un grand nombre de dates. J’espère vraiment qu’on sera en France pour l’automne. A côté, on commence déjà à penser au deuxième album. Je peux déjà te dire qu’il sera produit par le même producteur, Don Alsterberg.

Merci à toi pour cette interview, je te laisse le mot de la fin …

Tout simplement, merci de ton intérêt pour le groupe !

Merci à Dorian pour sa disponibilité et son temps.Merci à Valérie (Nuclear Blast) pour la logistique.