Interviews Retour
jeudi 24 février 2011

Angra

Kiko Loureiro (guitare)

U-Zine

U-zine.org, webzine musical metal actif entre 2004 et 2015. Fermé en 2015 suite à sa fusion avec 2Guys1TV, ses articles (chroniques, live-report, interview, dossiers, ...) sont désormais disponibles directement sur Horns Up via ce compte !

Angra ou les précurseurs de toute une scène au début des années 90. Après une légère période dans le creux de la vague et une popularité descendante suite aux départs de nombreux membres fondateurs, les brésiliens ont de nouveau montré les crocs pour s’imposer, avec « Temple of Shadows » et « Aurora Consurgens », comme l’un des groupes de power ethniques les plus créatifs, techniques et imposants de la scène mondiale. Avec un septième opus entre les mains (« Aqua », sorti l’année précédente) et une tournée européenne qui s’annonce plus chargée que jamais, c’est avec l’emblématique et incroyable guitariste Kiko Loureiro que j’ai eu le plaisir de m’entretenir dans les superbes loges de l’Olympic de Nantes.
Un musicien humble, incroyablement humain et sympathique, m’ayant gratifié d’une intervention en français et de son temps pour m’expliquer plus en détail le dernier album et son amour pour la culture et la création, tout en rééditant ses remerciements envers un public français les ayant toujours soutenus. Laissons la parole au maestro.

[Par Eternalis]

1 - Salut Kiko ! Angra revient en France après quatre ans, pour le Aqua Tour. Comment vous sentez-vous aujourd’hui, de retour en Europe et pour une tournée beaucoup plus dense que d’habitude ?

Très bien. Nous sommes toujours très bien accueillis en France, et notre dernier passage pour le Aurora Consurgens Tour s’était bien passé. Nous avons, cette fois-ci, commencés par jouer au Brésil, puis un peu partout en Amérique du Sud avec Sepultura, et nous revoilà maintenant en France avec beaucoup de dates, plus qu’à l’accoutumé…c’est parfait (sourires).

2 – Parlons d’ « Aqua » maintenant. Que peux-tu me dire dessus ? Il garde la même ligne de conduite que Temple of Shadows et Aurora Consurgens, à savoir très technique, plus rude et agressif…

« Aqua » est composé de vraiment beaucoup d’éléments, parce que nous avions beaucoup d’idées après avoir longtemps tourné, puis certains d’entres nous ont travaillé sur d’autres projets, ce qui fait que pendant tout ce temps, de nombreuses idées ont germé. Je crois que nous avons développé le côté classique, progressif et ethnique de notre musique, notamment grâce au retour de Ricardo sur ce point, qui a jeu beaucoup plus « culturel ».
Il est évident que nous avons réussi à transposer des éléments du passé dans un contexte actuel, tout comme les paroles, qui ont été très travaillées par rapport au texte « La Tempête »…

3 – Edu chante de façon très agressive sur « Arising Thunder », à la limite du thrash. Vous êtes de plus en plus extrême avec le temps…peux-tu imaginer un jour un chant réellement extrême sur une chanson de Angra ?

Et bien…je ne pense pas qu’Edu pourrait faire ça un jour avec sa voix, une voix death metal. Mais il ne faut jamais dire jamais, et peut-être un jour pourrions-nous réaliser ça avec un invité…

4 – La magnifique « Spirit of the Air » renoue avec les passages aériens d’antan, surtout le break angélique. Où puisez-vous cette inspiration presque sacrée, cette créativité débordante…

Je ne sais pas trop où nous allons chercher ça. Tout est naturel, nous travaillons simplement l’idée au maximum. [Kiko se met à parler en français]. Nous cherchons à mettre notre cœur dans chaque chanson…c’est difficile à dire que tel élément doit être ici ou là, tu dois travailler, pratiquer, tenter les idées dans tels ou tels sens avec ton cœur et ton âme pour qu’il en ressorte le meilleur. Il n’y a pas de formule toute faites.

5- Tu réalises une performance technique incroyable sur l’album. Comment travailles-tu pour atteindre un tel niveau ?

Et bien…je joue tous les jours (rires). Il faut jouer beaucoup, jouer beaucoup et encore jouer…ce n’est pas facile mais à force de travail, et de jouer depuis des années, je ne pense plus aujourd’hui jouer des choses très compliquées. Quand j’écoute Aqua, certaines parties ont été très difficiles à enregistrer mais d’autres ont été si souples que nous avons pu tester plusieurs façons de faire les solo par exemple. C’est l’expérience et le travail…et je pense que les autres te répondraient la même chose.

6 – La production n’est pas de Dennis Ward cette fois-ci, lui qui avait travaillé pour les deux derniers albums. Elle est bien plus agressive et sèche, plus âpre…qu’est-ce qui a changé dans votre technique de travail ?

Nous avons déjà produit l’album à Sao Paulo nous-mêmes dans un premier temps. Nous avons décidé ça pour ne pas quitter nos familles et surtout pour avoir une atmosphère très tranquille, très saine. C’était à côté de chez Ricardo. C’est une excellente expérience pour le groupe, et une forme de challenge, de nous gérer seuls sans l’intervention d’un grand nom extérieur…

7 – « Temple of Shadows » est, pour moi, votre album le plus exceptionnel, un des meilleurs que j’ai jamais entendu dans le genre, et à sonner le réveil d’Angra aux yeux du monde. Comment le vois-tu aujourd’hui, avec le recul, sept ans après ?

Je pense que Aqua se rapproche beaucoup de cet album dans le sens où il rassemble énormément d’éléments et d’idées dans un espace réduit. Mais Temple of Shadows est particulier car nous avions, à ce moment là, de très nombreuses idées, une inspiration folle qui en a fait un très long album, avec beaucoup de chansons et de thèmes différents. C’est un album différent et vraiment spécial pour nous parce qu’il est arrivé à un moment important.

8 – On retrouve une ambiance proche de « Holy Land » parfois sur « Aqua », notamment dans « Weakness of a Man » ou « Lease of Life ». L’identité d’Angra n’a jamais changé avec le temps…

Oui parce que nous sommes les mêmes personnes qui composent(grand sourire). Nous sommes les même, la même identité et si nos émotions évoluent, l’homme reste le même. Alors certes, il y a un eu un fameux come-back, des changements mais au final, si certaines choses te font ressentir ça, c’est bien que ce sont les mêmes hommes qui sont à bord. Peut-être que si tu regardes la composition de plus près, tu verras chacune de nos subtilités, selon le compositeur. Mais ce qui est sur, c’est que la musique fait partie de nous, et elle nous défini. Elle dit qui tu es, la musique que tu aimes, le metal que tu aimes, la culture qui te caractérise. L’identité d’Angra est notre passeport à tous.

9 – A l’époque de « Angels Cry », Angra était révolutionnaire. Aujourd’hui, presque tout a été dit en musique. Que voulez-vous transmettre à travers votre musique ?

Je comprends ce que tu veux dire. Je ne sais pas si nous avons vraiment changé des choses, mais nous continuons simplement notre chemin, sans trop regarder ce que font les autres. « Angels Cry » est un élément de notre vie passé, qui fait partie de nous…tellement que je ne saurais pas trop expliquer sa portée. C’est difficile à cerner de l’intérieur…

10 – « Aqua » parle du texte « La Tempête » de William Shakespeare, dernier écrit de l’écrivain britannique. Pourquoi ce choix, typiquement européen, après avoir déjà évoqué les templiers dans « Temple of Shadows » ?

En premier lieu parce que c’est un écrivain international, britannique, qui pouvait ainsi avoir une énorme portée dans le monde. Ensuite, il semblait y avoir un lien avec l’histoire, les personnages. C’était comme si le groupe avait vécu ce qui se trame dans ce texte, un peu la même chose. Nous ressentions une très forte connexion entre ce texte et Angra, comme s’il avait été écrit pour nous.
Nous avons simplement modifié le scénario pour ne représenter que l’aspect spirituel de l’histoire, ne pas nous pencher sur les monstres qu’il pouvait y avoir, pour que ce soit musicalement représentatif de l’impact textuel que nous avons ressenti lors de sa lecture.

11 – Que s’est-il passé avec Aquiles Priester exactement ? Comment s’est effectué le retour inespéré de Ricardo Confessori ?

Aquiles est parti jouer avec d’autres groupes car ça ne collait plus avec Angra et ce qu’il voulait faire en musique. Ensuite, le retour de Ricardo a semblé très naturel, encore plus depuis que Angra et Shaman ont des connexions proches [ndlr : Thiago Bianchi, l’actuel chanteur de Shaman, a produit « Universo Inverso » de Kiko, l’album solo de Rafael Bittencourt et est très ami avec Edu Falashi].
Tout simple [ndlr : on sent que Kiko cherche plus ou moins à éviter ce sujet qui n’a jamais été vraiment expliqué auprès des fans].

12 – Son jeu est plus tribal et créatif, très différent du jeu saccadé et tranchant d’Aquiles. Est-il le parfait batteur pour Angra ?

Oui complètement. Il a un style très puissant, absolument parfait pour nous, car en plus d’être capable de tout jouer, il sait apporter à la musique un petit quelque chose que seul un vrai percussionniste peut trouver. Nous sommes très heureux de l’avoir parmi nous.

13 – J’avais vu dans un studio report que tu jouais avec une guitare douze cordes ; six cordes sur le corps et six autres petites…comment joue-t-on d’un tel instrument ?

On a toujours enregistré avec beaucoup d’instruments différents. Du matériel électrique, acoustique, de la mandoline…des instruments spéciaux que la musique demande, car ils apportent une sonorité ou un univers propice à la musique. Il y a de la mandoline et du bouzouk sur l’album par exemple…je ne sais pas trop pourquoi on va parfois chercher tant d’instruments, ça me semble important et au final, chacun de ces instruments fonctionne de la même façon. Ce n’est pas très difficile.

14 – « Rebirth » a été un album virage. Comment le vois-tu aujourd’hui, lui qui a accueilli trois nouveaux membres ? Il y reste des morceaux géniaux et souvent joués en concert [la preuve en est, le soir même, ce sera l’album le plus représenté avec « Aqua »] comme Nova Era, Acid Rain, le dantesque Unholy Wars ou les superbes Rebirth et Heroes of Sand…

Très très important, fondamental même. J’en suis très fier car il a présenté les nouveaux membres et est une importante charnière pour nous. Nous avions un flot d’énergie positive, de créativité pour composer le meilleur album possible.

15 – « Fullblast » est sorti en même temps qu’ « Aqua », et il revient au speed instrumental de « No Gravity ». Tu te lâches complètement dessus…ça fait du bien ? Quel est l’importance de ton projet solo pour toi ?

C’est un projet que je ne pouvais pas proposer pour Angra parce que je compose trop de chansons. Pour moi, ce n’est que de la musique, que ce soit avec Angra, Kiko Loureiro ou Neural Code, je compose énormément et j’essaie de mettre sur disque le maximum…il n’y a pas de philosophie derrière tout ça. Juste de la musique, et ma vie !

16 – Si tu devais décrire chaque album d’Angra avec un seul mot, quel serait-il par album ?

Oulà…impossible (rires). Je ne peux pas, moi-même, ne dire qu’un seul mot pour Angra…ce serait trop réducteur. Il y a trop de choses dans chaque albums, de créativité, d’éléments pour que ce soit résumé en un mot…ou alors je dirais, pour résumer la carrière d’Angra…un seul mot : Aqua (sourire malicieux).

17 – Nous arrivons à la fin de l’interview…je te souhaite bonne chance pour le concert, et un dernier mot pour les nombreux fans français qui te liront ici…

Ok merci beaucoup. Je tiens à remercier tous les fans français qui sont toujours adorables avec nous, et qui ont compris nos choix et ce que nous faisons pour nous soutenir. Ils sont très ouverts, et si je devais dire une chose, ça serait à tous les jeunes d’aujourd’hui d’ouvrir leurs esprits à la culture extérieure, joués des instruments, faire de la musique et ce qu’ils aiment avec leur cœur.
Nous adorons jouer en France, les fans sont supers et nous espérons qu’ils auront aimé Aqua comme nous. Merci beaucoup à toi et j’espère que tu passeras un bon moment…à bientôt.

Merci à Julien, comme toujours, les membres de l'Olympic, Kiko évidemment et les gens qui étaient au concert !