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Album

09 décembre 2014 - U-Zine

Almah

Motion

LabelAFM Records
stylePower Thrash
formatAlbum
paysBrésil
sortieoctobre 2011
La note de
U-Zine
8.5/10


U-Zine

U-zine.org, webzine musical metal actif entre 2004 et 2015. Fermé en 2015 suite à sa fusion avec 2Guys1TV, ses articles (chroniques, live-report, interview, dossiers, ...) sont désormais disponibles directement sur Horns Up via ce compte !

« Tout mouvement de quelque nature qu'il soit est créateur. »
Edgar Alan Poe

Il est autant créateur que vecteur, il accompagne ou se retire, il est la vie et son évolution.
Le mouvement.
Sans lui, la mort nous attend alors que, paradoxalement, certain passe leur vie sans être en communion avec lui, préférant le confort solitaire d’une stagnation sans risque.
Transposé dans le domaine artistique, le mouvement se veut le chantre de l’expérimentation constante, de la remise en question réfrénant l’envie facile de rééditer des formules éprouvées,

Les brésiliens d’Angra ont eu à cœur, tout le long d’une carrière exemplaire, de mettre à l’œuvre cette notion de constant mouvement, d’innovation musicale et sonore qui les ont emmené parfois très loin dans le dépaysement et l’art dans ses contrées les plus lointaines et personnelles. Lorsqu’ils furent contraints de changer de chanteur, le terme prit alors toute son importante et sa résonance dans le choix d’un vocaliste, Eduardo Falashi, au timbre naturel moins aigu que son prédécesseur et à la tonalité frontalement plus grave, bien que son véritable visage n’apparaitrait que quelques années après son intégration, probablement dû à la peur de ne pas rentrer dans le sillage d’un prédécesseur au charisme sans commune mesure.

Lorsque sortirent à quelques mois d’intervalle le sixième opus d’Angra, "Aurora Consurgens", puis le premier disque solo d’Edu, sous le patronyme d’Almah (âme en portugais), les choses étaient claires : Edu ne voulait plus montrer un visage qui ne lui correspondait pas à 100%, et voulait enfin évoluer dans un univers qui lui correspondait complètement, sans surjouer ni forcer sur son timbre naturel, dans la veine un peu plus agressive de ce qu’il avait pu donner avec Symbols, son premier groupe alors qu’il n’avait encore que vingt ans.
Après un "Aqua" plus violent mais terne, et un second opus solo, "Fragile Equality", qui ne se distinguait toujours pas de la masse power metallique, parfaitement interprété mais dans un moule connu de tous, les choses semblaient se complexifier un peu. Si l’on évoquait simplement un léger faux pas dans la carrière flamboyante de la déesse de feu, le groupe personnel d’Eduardo, lui, malgré une technique, une production et un professionnalisme irréprochable, ne semblait pas vouer à remuer les foules.

Un an après "Aqua", c’est dans un relatif anonymat médiatique que Motion s’apprête à envahir les bacs. "Motion"…Almah serait-il prêt à enfin bouger ? On remarquera d’ailleurs l’importance actuelle des réseaux sociaux tant les news sont tombés rapidement, et véhiculent à une vitesse folle bien que la presse spécialisée abandonne un peu trop prématurément le sujet.
Prématurément oui…

Puisque "Motion", dont au final nous n’attendions presque rien, s’avère être l’une des plus grosses claques heavy metal de l’année. Rien que ça monsieur !
Et heavy metal est aujourd’hui un terme semblant restrictif…

En effet, nous parlions du véritable visage d’Edu précédemment, mais jamais nous ne nous serions attendus à cela en 2011. Car là où les deux précédents étaient sympathiques mais manquaient cruellement de personnalité, entre faux-airs d’Angra-like et ses percussions traditionnelles, marques évidentes de l’école allemande ou gimmicks propres au heavy metal, Almah semblait rester inéluctablement dans la catégorie des seconds couteaux, néanmoins excellent, mais suiveurs néanmoins. Quelle ne serait pas votre erreur aujourd’hui de passer à côté de Motion si des préjugés de ce type venaient à vous exclure de la découverte de cette bombe…

Clairement, la découverte d’"Hypnotized" est un choc. D’une introduction très mélodique et traditionnelle, très live également, déboule un hurlement insoupçonné d’un Edu rageur au possible, déglutant un premier couplet dans une veine purement thrash, agressif et sans concession, sur un riff brutal et syncopé. Il est même difficile de le reconnaitre et il faut avouer que lors de la première écoute, la tentation d’aller voir si c’est bien notre Edu qui chante est grande. Paraissant d’abord poussif, ce type de chant apparait avec le temps comme naturel, notamment en vue d’un riff très brut, qui ne retrouve sa mélodie que lors d’un refrain où Edu s’envole légèrement en toile de fond, gardant une trame en première ligne plus agressive. Le pont est tout aussi violent, avec des rythmiques étonnant « in your face », et des sonars comme le fait si bien Machine Head depuis des années. La densité technique du morceau est impressionnante, et la cohésion instrumentale parfaite, ceci étant surement dû à un line up inchangé, avec une paire de guitaristes n’ayant rien à envier (si ce n’est une certaine folie) au duo Loureiro-Bittencourt et un Felipe Andreoli toujours aussi intraitable derrière sa basse six cordes.

"Living and Drifting", semblant au début plus mélodique, notamment par l’incursion de quelques claviers, n’en est pas moins redoutablement efficace et démontre une rage prenant une ampleur encore supérieur. Edu laisse planer sur sa voix le souffle d’un Bruce Dickinson de l’époque "Fear of the Dark", et surprend sur un refrain très intelligent. Et que dire de "Zombies Dictator" ? Que ce soit dans les textes (les titres des morceaux sont on ne peut plus évocateurs) ou dans la musique, jamais nous n’aurions pensé le brésilien capable d’aller aussi loin dans cette direction. "Zombies Dictator" s’ouvre de cette manière sur un rythme purement thrash, avec une batterie survoltée, des riffs incisifs au possible et surtout un chanteur déchainé, proche du guttural mais retrouvant toute sa superbe sur un refrain mélodique basé sur un lead mélodique à tomber par terre. Les enchainements sont si fluides, l’ensemble tellement technique et naturel que les bras m’en tombent d’obtenir un résultat aussi désarmant de naturel après deux albums aussi poussifs. Que dire de ces « Die » hurlés à n’en plus finir, aussi tranchants qu’un couperet avant que l’auditeur ne se fasse massacrer en règle par un pont à découper au hachoir, bien plus américain que brésilien dans l’âme. Car par la même occasion, les percussions et autres joyeusetés positives ont complètement disparu, laissant la place à des twin battle ravageurs.

Néanmoins, limiter Motion à un album uniquement agressif et power thrash serait une erreur, car Edu nous emmène parfois vers des horizons moins orageux. "Days of the New" par exemple, s’il est très lourd et dispose d’un riff assez dissonant, révèle toute sa finesse sur un pré-refrain, chanté de manière grave mais apportant un refrain d’une beauté toute paradoxale, presque mélancolique, où le chanteur démontre toute sa sensibilité, malgré ce riff énorme et imposant (quelle production concoctée par Falashi en plus !). "Trace of Trait" également, si elle est très puissante, se veut plus sombre que réellement agressive. Un pattern impressionnant de batterie nous accueille, avec une partie de basse très en avant, des guitares plus évasives mais une attaque vocale avant le refrain une nouvelle fois monstrueuse de destruction. Très techniques, les soli s’enchainent dans une cohérence parfaite et impressionnent par leur fluidité et leur capacité à ne presque jamais comporter de déchets ou de démonstration facile.
On retiendra également un "Bullets on the Altar" plus proche du Angra actuel, à la frontière de la power ballad lourde à souhait, au riff matraqué et tranchant. "Soul Alight" confirmera l’inspiration créatrice de l’album. Partant d’un riff haché et moribond, assez extrême, provient une rythmique bien plus heavy metal et speed allemande, pour finalement qu’Edu n’apparaisse sur des claviers cybernétiques carrément prog et très inspirés. L’aisance vocale du brésilien est impressionnante, tandis que son aura semble décuplée, enveloppant le spectre sonore d’Almah, à la fois plus riche et dépouillé de ses multiples superficialités.

Surprise complète, baffe violente et indicateur d’un avenir radieux, "Motion" est l’album que nous n’attendions simplement pas, particulièrement à un tel niveau. Il résonne comme un poing en travers de la figure, et ni plus ni moins que l’un des meilleurs albums de heavy metal de l’année jusqu’à maintenant. Quelle surprise dès lors, de faire la découverte du récent communiqué, expliquant qu’Edu Falashi part désormais pour une longue absence, simplement parce qu’il a trop longtemps abimé sa voix dans un registre qui n’était pas le sien.
Dans un contexte aussi difficile, "Motion" prend une saveur encore plus particulière et personnelle. Sans parler de deuil ni d’opus posthume, l’album en tire une force encore supérieure, plus honnête. Espérons juste, en toute simplicité, que ce repos ne sera que guérisseur et marquera le début d’une nouvelle ère, à laquelle Motion serait une sorte d’ambassadeur. C’est donc avec un profond respect et des remerciements, que nous lui souhaitons bonne chance pour la suite…

1. Hypnotized
2. Living and Drifting
3. Days of the New
4. Bullets on the Altar
5. Zombies Dictator
6. Trace of Trait
7. Soul Alight
8. Late Night in '85
9. Daydream Lucidity
10. When and Why