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Album

09 décembre 2014 - U-Zine

Alice In Chains

Dirt

LabelColumbia Records
styleHeavy Rock
formatAlbum
sortieseptembre 1992
La note de
U-Zine
10/10


U-Zine

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Vous connaissez sans aucun doute les romans de Lewis Carroll, les aventures d’Alice. Cette jeune fille qui s’invente alors ce pays imaginaire remplies de merveilles, ou devrais-je dire un pays cauchemardesque où le surréalisme et la folie prennent toute la place au profit de toute logique.
Et si ici Alice était représentée par Layne Staley ? Enchaîné dans sa bulle imaginaire où le désespoir, la décadence, la dépendance colorent ce pays pas si merveilleux.

« Dirt » est sûrement un des disques les plus sincères qu’il m’ait été donné d’écouter. Le témoignage d’un homme malade, torturé, affaibli et surtout dépendant. Conscient de sa situation, Layne n’était en aucun point optimiste, preuve en est, les textes présents sur ce « Dirt » en disent long sur ce désespoir. Et si « Dirt » était le témoignage de sa future mort, qui allait survenir 10 ans plus tard, en 2002 ?

Souvent affilié à la scène grunge, Alice In Chains, livre à mes yeux quelque chose se rapprochant bien plus d’un heavy rock qu’autre chose. « Them Bones » est le meilleur exemple. Un riff étouffant et violent qui rend ridicule toute comparaison avec un Nirvana ou Pearl Jam (bien que je respecte ces deux formations). Les textes de Layne fixent déjà l’ambiance de ce disque et parlent d’eux-mêmes (« I feel so alone, gonna end up a big ole pile a them bones »). Sous la lourdeur des riffs de Jerry Cantrell, Layne Staley chante de manière brillante son plus profond désespoir.
S’en suit l’excellent « Dam That River » qui représente métaphoriquement un shoot d’héroïne, on en revient encore une fois à l’addiction de Layne. Ce titre est particulièrement excellent et sûrement le plus rythmé de l’album qui me rappellerait presque un « It’s So Easy » des Guns pour l’énergie.
Alice In Chains nous montre ici plusieurs visages, certains morceaux sont d’une lourdeur étouffante comme ces deux premiers titres mais sait aussi faire dans la douceur. Un apaisement pourtant pas si porteur d’espoir. « Rain When I Die », « Would ? » ou encore la magnifique « Down In A Hole » dont la mélancolie et la lueur d’espoir (anéantie par le fait que Layne se sent condamné) est d’une sincérité extrêmement touchante : « Down in a hole and I don't know if I can be saved » ; « I'd like to fly, But my wings have been so denied ».

« Dirt » prend alors toute sa signification sur des titres tels que « Sickman », « Junkhead » ou encore le titre éponyme. Les riffs de Jerry Cantrell se veulent maladifs, sales et déroutants. Layne y chante encore une fois des choses choquantes et qui aujourd’hui après sa mort prennent encore plus de sens : « I want you to kill me, And dig me under, I wanna live no more » ; « I’ve tried to hide myself from what is wrong for me » (Dirt). Même si à l’époque, être un vrai rebelle était en vogue, je ne pense pas que Layne écrivait et chantait ce genre de choses pour rentrer dans le moule d’une scène en plein essor (Seattle), veuillez ne pas y voir une apologie de la drogue et de la mort, mais bien le récit d’un homme meurtrie, dépendant et seul dans son désespoir.

Musicalement, ce disque est bluffant. Le mérite en revient tout autant à Cantrell qu’à Staley. Les riffs donnent cette impression qu’ils sont fait sur mesure pour le timbre et les lignes de chant de Layne, qui les sublimes et leur donnent une aura très spéciale. Le désespoir est retranscrit avec un esthétisme que j’oserai presque qualifier de parfait, la pochette et le nom du groupe prennent alors tous leurs sens.
« Dirt » s’apprivoise avec le temps, rempli de subtilité et très riche, c’est le genre d’album où le moindre détail à une importance, même si l’on s’en rend pas spécialement compte aux premières écoutes. Layne chantait-il de cette manière son propre requiem ? Enchaîné à la dope et moralement au plus bas, il a pourtant brillé… Brillé de génie.

1. Them Bones
2. Dam That River
3. Rain When I Die
4. Down in A Hole
5. Sickman
6. Rooster
7. Junkhead
8. Dirt
9. God Smack
10. Hate to Feel
11. Angry Chair
12. Would?

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