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Album

04 décembre 2025 - ZSK

Smohalla

Ruina Draconis

LabelI, Voidhanger Records
styleBlack metal avant-gardiste
formatAlbum
paysFrance
sortieoctobre 2025
La note de
ZSK
7.5/10


ZSK

"On est tous le boomer de quelqu'un d'autre."

« Some news about 2nd album : everything is done now. Finally. 'Entitates' should be released "soon" through I, Voidhanger Records and Oracle Rouge Records. Believe me : It was worth the wait, but you'll hear that later... ». C’était précisément le 22 décembre 2022 que Smohalla a enfin annoncé le successeur de Résilience (2011). Et ce « soon » fut donc… loooooooooooooong. C’était presque devenu un de mes memes : revenir sur la page facebook de Smohalla et contempler ce dernier message et son fameux « soon ». Chaque mail de I, Voidhanger Records m’annonçant les nouvelles sorties disponibles me faisait également frémir à chaque fois. Parce que bon, ce deuxième album de Smohalla, je l’attendais un peu comme le messie. Je le citais même comme éventuel album de l’année suivante dans chaque bilan de fin d’année… c’est dire le potentiel qu’il y avait chez le groupe du Sud ! Suivant l’EP Nova Persei (2007), j’avais été conquis par Résilience et son black avant-gardiste si frais et onirique, une des plus grandes réussites en la matière dans l’hexagone. Tellur, le split avec Omega Centauri sorti en 2013, avait à la fois permis de prolonger les bonnes dispositions de Résilience et de mettre l’eau à la bouche pour le futur. Qui arrivera relativement tôt, en décembre 2018 avec la parution d’un premier single enthousiasmant d’Entitaes nommé « Varon ». Mais ensuite, hé ben… il aura fallu attendre. Et on ne sait ce qui aura coincé à ce stade mais le voilà enfin, ce fichu nouvel opus de Smohalla, annoncé fin août deux-mille-vingt-cinq pour une sortie début octobre. Qui a au passage perdu son nom d’Entitaes annoncé depuis des lustres, pour le sobriquet de Ruina Draconis, et même la tracklist annoncée fin 2022 a changé, ne conservant que le single « Varon ». Slo, tête pensante de la formation, n’est pas resté inactif en ayant sorti entre temps… 14 (!) stuffs pour son projet synthwave Fixions ; et il demeure ici accompagné de Camille (Stagnant Waters, Dreams of the Drowned, Doedsmaghird) pour la basse et quelques vocaux. Donc voilà, 12 ans qu’on l’attendait… mais « soon is now ».

Et Smohalla ne perdra du coup pas de temps : Ruina Draconis s’ouvre directement sur « Ecclesia Obsessa » avec des grattes saturées sur fond de synthés et il ne faudra que quelques secondes avant que le chaos ne s’installe. C’est déjà bien différent de l’ouverture très astrale de Résilience sur « Quasar » en son temps… Smohalla a-t-il changé son fusil d’épaule, et l’attente s’est-elle transformée en évacuation de rage ? Pas vraiment, car le duo va continuer à pratiquer son metal avant-gardiste toujours très hérité de Ved Buens Ende et consorts, mais va en faire évoluer les équilibrages… ainsi que les sonorités et les ambiances. Ruina Draconis apparaît quand même comme plus « black metal » que son prédécesseur, déjà dans la production bien dissonante et saturée, le début de « Ecclesia Obsessa » ne ment pas sur la suite et il faudra préparer ses oreilles. Des passages blastés seront présents mais Smohalla n’est malgré tout pas adepte de déluge de trémolos constants et ce ne sont pas les riffs qu’on retiendra de Ruina Draconis. Surtout les quelques leads mélodiques de toute manière, mais Smohalla n’est pas classé dans l’éternelle avant-garde pour rien… car les passages aux divers synthés vont se multiplier et ils vont presque réussir à nous emmener plus loin que ceux de Résilience… ou plutôt dans d’autres dimensions. On y sent d’ailleurs, et forcément, l’héritage de Fixions vu que des couleurs synthwave vont apparaître. Cela ne transforme pas Smohalla en formation plus moderne ou trop dans-l’air-du-temps, car l’inspiration de Slo sur ces claviers et passages électro va parfaitement s’adapter au metal extrême avant-gardiste attendu pour Smohalla. Si le final de « Varon »  morceau qui rappelons-le date de 2018 – évoque encore les atmosphères de Résilience, « Et Mortui Iudicabuntur » qui le suit va quant à lui arborer un paysage 100% électronique beaucoup plus futuriste mais toujours aussi onirique. C’est ainsi que Smohalla va évoluer, pour un Ruina Draconis très riche et plein de surprises. On attendait donc de pied ferme ce prometteur deuxième album de Smohalla, et cette attente va-t-elle être réellement récompensée ?

En tout cas, qu’on connaisse déjà Smohalla ou pas – la signature chez I, Voidhanger va très certainement lui permettre de glaner un nouveau public – il faut s’enquiller un démarrage d’album très dense. « Ecclesia Obsessa » ne ménage pas l’auditeur dès le début, c’est très remuant et même agressif (jusque dans le chant hurlé de Slo constamment à fleur de peau) dès le départ, les compos sont vite chaotiques et même dissonantes ; l’ensemble étant tout de même aéré par un peu de chant éthéré, des mélodies, un premier break à synthé et quelques cuivres sur le final. Mais dans ces neuf premières minutes, il faut s’accrocher… et encore sur « Varon » qui prolonge ce chaos inter-dimensionnel, juste tempéré par une partie finale plus cotonneuse. Si le plus court « Deimos Sepultus » continuera à montrer le Smohalla le plus frontal avec même un son de grattes encore plus rustre, le reste de Ruina Draconis nous livrera tout de même le voyage onirique promis. Tout le potentiel du groupe provençal se révèle alors sur « Cantica Servi Sufferentis », où la densité se transforme en epicness, avec un chant possédé (intégralement interprété en français sur tout l’album au passage), un break électro fabuleux et un final libérateur qui se délivre avec des synthés à la Darkspace. C’est là qu’est le Smohalla le plus raffiné et le plus avant-gardiste, et c’est assez somptueux. « In Stagno Ignis Serpens Antiquus » enfonce le clou dès son superbe début au synthé, partant nettement plus dans un metal d’avant-garde décadent plus « sympho » (des chœurs se font entendre) et ambitieux, avec du chant clair remarquable. Avec des pistes plus longues, on a finalement le droit à un Résilience au spectre musical un peu plus large, le très psychédélique « Homunculus » nous rappelle d’ailleurs à son bon souvenir, avant que Ruina Draconis ne s’achève sur la magnifique outro électronique « Paraclet ». Le retour est gagnant alors ? C’est vraiment l’album de l’année qu’on attendait ? Pas tout à fait… Ruina Draconis est tout de même assez étouffant, et se révèle hétérogène. Les parties les plus brutales et black metal sont moins convaincantes, un brin trop chaotiques, avec des transitions parfois brusques (« Varon », le final black de « In Stagno Ignis Serpens Antiquus »). Certes, cela reste du metal avant-gardiste hérité des noms les plus expérimentaux des années 90, et on savait à quoi s’attendre, Smohalla trouvant d’ailleurs toute sa place dans le roster de I, Voidhanger. Mais si les « Et Mortui Iudicabuntur », « Cantica Servi Sufferentis » et « In Stagno Ignis Serpens Antiquus » en valent la peine, et qu’on ne peut que saluer l’excellent travail de Slo sur toutes les parties de synthé et d’électro vraiment prenantes, Résilience continue à m’apparaître plus digeste et envoûtant que son successeur. Tout cette attente pour ça alors ? Ruina Draconis est un album plus que satisfaisant, mais qui reste destiné au plus courageux amateurs d’avant-garde « extrême », que Smohalla saura acquérir sans mal. Respirez un grand coup et rêvez…

 

Tracklist de Ruina Draconis :

1. Ecclesia Obsessa (8:45)
2. Varon (7:39)
3. Et Mortui Iudicabuntur (5:41)
4. Cantica Servi Sufferentis (9:25)
5. Deimos Sepultus (4:33)
6. In Stagno Ignis Serpens Antiquus (9:11)
7. Homunculus (3:53)
8. Paraclet (3:13)

 

 

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