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Album

22 octobre 2025 - Rodolphe

Faetooth

Labyrinthine

LabelThe Flenser
styleFairy doom grungy
formatAlbum
paysUSA
sortieseptembre 2025
La note de
Rodolphe
8.5/10


Rodolphe

La caution grunge du webzine.

Faetooth fait des remous dans le paysage du doom fantômal. Son nom émerge depuis peu, malgré les six années d’existence du projet. La faute à un premier album honorable, mais loin des fruits défendus décrits sur sa pochette. Remnants of the Vessel cultivait une ambiance, on ne peut plus respirable, voire feutrée, développant pour l’essentiel une vision de la musique très instrumentale, incluant des sections de violoncelle (« Saturn Devouring His Son » entre autres). Un romantisme noir en tout point différent de ce que nous proposent les sorcièresx à l’occasion de leur second essai. Oserait-on dire que The Flenser a réussi son opération, en les signant sur son label – déjà crédité de quelques sorties d’Agriculture, Bell Witch et King Woman ? Très certainement. Le trio s’est surpassé, en agrégeant à sa musique des influences grunge, shoegaze et sludge, ainsi qu'une esthétique sonore intense, façonnée pour le Roadburn Festival.

Le Minotaure auquel se réfèrent les Californiennesx sur Labyrinthine est « absent » de la musique. Le mythe a été revisité, la créature disparaissant au profit d’une entité – d’une idée évanescente : « de vieux souvenirs et une tristesse qui refuse de rester enfouie », promeut la maison de disques. Cela est bien sûr très conceptuel, mais lorsque l’on s’appesantit sur l’album, ces lignes semblent plus faciles à déchiffrer. Faetooth sème le danger à l'intérieur des titres. Là où le charme de Remnants of the Vessel résidait dans sa pudicité mystérieuse, cet opus choisit au contraire l'expressivité. Aucun sentiment n’est contenu ; tout est communiqué, hurlé. À ce titre, le Seattle Sound s’impose comme un outil opportun pour atteindre cet objectif, à l’instar de la doublette centrale « Eviscerate » /« October », qui, à elle seule, justifie les excellents retours de la presse musicale. Si le morceau qui la précédait laissait entrevoir une orientation plutôt alternative, cette partie-là change réellement la donne. À l’intérieur du cerveau se propage en écho le cauchemardesque « I let it eviscerate / Fed my insides to the wraith ». Alors que c’est traditionnellement l’inverse, le chant crié se voit doublé de voix claires à la mélodie ondulante.

Comme tout album de doom, celui-ci tend à former un bloc homogène, avec ses titres transitoires de moindre importance (« Hole »), ayant le mérite de renforcer les plus solides. En apparence seulement, puisque Labyrinthine possède deux « visages » : un segment grunge, joué sur la seconde moitié de la tracklist, et un premier qui extrapole les aspects « dangereux » de Remnants of the Vessel. Les Californiennesx parviennent à cet effet grâce à l’empilement des différents styles de chant et à des accordages de guitares probablement plus bas qu’à l’accoutumée. Ce remodelage confère à l’opus un caractère étouffé, lancinant. Aussi les passages dreamy constituent-ils un mirage ou une façon d’organiser les climax : c’est le cas de l’introduction d’« It Washes Over » où une voix fluette se promène sur une atmosphère lente, shoegaze, avant d’être hachée par un riff très dense. Notons que le chant évolue peu, sauf en de rares occasions (« Death of Day » et « Mater Dolorosa » proposent un léger changement). Mais l’immersion serait compromise sans les aspects monocorde et chamanique qui la caractérisent. Car la voix est constitutive de l’ambiance : elle est un instrument à part entière, au même titre que chez Messa ou Chelsea Wolfe. C’est pourquoi il y aura également peu à relever du côté des guitares ou de la basse qui n’ont de sens qu’associés l’une à l’autre, lorsqu’elles « attaquent » de manière synchrone. Malgré la grande qualité de l’album, son manque de variations pourrait cependant lui faire défaut. A contrario, il suffit que Faetooth change, si ce n’est sa matrice, intègre au moins une nouveauté, pour stimuler l’attention de l'auditeurice. Citons les guitares dissonantes sur la fin d’« Hole », exécutées par à-coups. Elles ont beau paraître étranges dans le contexte du morceau, elles participent à cette ambiance dérangeante et labyrinthique que le groupe recherche.

Le trio de Los Angeles prend les fans de surprise, en livrant une seconde offrande de fairy doom orageuse. Labyrinthine est le témoin d’une scène encore capable de produire de beaux albums, et d’aller puiser dans d’autres mouvements, comme ce fut le cas d’Eternal Return de Windhand, il y a quelques années. 

 

Tracklist :

  1. Iron Gate 
  2. Death of Day 
  3. It Washes Over 
  4. Hole 
  5. White Noise
  6. Eviscerate 
  7. October 
  8. Mater Dolorosa 
  9. The Well 
  10. Meet Your Maker