
Amateur de post-musique, de breakdowns et de gelée de groseilles.
Der Weg Einer Freiheit est un des groupes qui a su incarner avec le plus d’évidence ce que le terme maladroit de « post-black » pouvait désigner. Un black metal qui garde ses réflexes primaires, à savoir du tremolo picking, une voix saturée et des blast beats, mais qui cherche davantage à jouer sur les dynamiques et les textures que sur l’agressivité et la posture. Pour y parvenir, le groupe allemand est allé chercher du côté des lents crescendos du post-metal, des élancées majestueuses du black mélodique et dans la tradition contemplative et élégante du black atmosphérique, notamment cascadien.
En résultent d’abord cinq albums fascinants, des plus sauvages avec l’homonyme et Unstille aux plus atmosphériques et emphatiques Stellar et Finisterre, pour parvenir jusqu’à Noktvrn en 2021, partagé entre synthèse et luminosité accentuée. Sur tous ces disques, des particularités fortes qui permettent d’identifier DWEF rapidement : des très longues montées en puissance pour construire la tension, parfois dépassant les trois minutes, une batterie particulièrement sèche qui enchaîne les roulements et un chant hurlé monotone utilisé pour souligner les envolées saturées et les riffs cosmiques.
Noktvrn était un album très varié, plus que ceux qui le précédaient, spécifiquement avec l’apparition d’un chant clair. Il avait beau être indéniablement réussi, je n’y suis quasiment jamais revenu, contrairement à Finisterre, imprégné des réflexes de son époque, mais bien plus marquant. Comme pour y répondre, Innern conserve la pluralité de la palette de Noktvrn tout en revenant à une certaine instantanéité.
Le sixième album des Allemands se révèle être un opus inspiré, bien construit et qui réussit à garder son momentum, son élan, pendant presque trois quarts d’heure. Il garde les signatures du groupe comme la batterie expressive et les montées en intensité (« Xibalba »), tout comme les interludes atmosphériques avec « Finisterre III », mais il va également chercher des inspirations du côté de ceux qui font le post-black aujourd’hui, notamment Alcest (« Fragment ») ou Deafheaven (« Forlorn »). Le disque est amorcé par « Marter » qui, après une introduction martiale, déploie toute la puissance d’un black metal grandiose et emprunté. Autre temps fort avec « Eos » qui prend son temps pour démarrer avec un préambule atmosphérique séduisant, sans être le plus immersif de la carrière des Allemands, mais dont le riff qui y fait suite est prodigieux, tonnant et légèrement dissonant.
Le kit de promotion nous apprend qu'Innern, qu’on pourrait traduire en français par « vers soi-même », soulignant son caractère introspectif, est « une méditation profonde sur la souffrance, le renouveau et les frontières fragiles de la psyché humaine » ainsi qu’une façon de « tourner le dos à l’extérieur, dans un royaume de bilan personnel, de silence et de renouvellement ». Des qualificatifs certes pompeux, mais qui laissent entrevoir les qualités émotionnelles du disque.
Innern ne sera peut-être pas l’album ultime de Der Weg Einer Freiheit, mais tout son intérêt réside dans son grand travail de synthèse où le groupe revient méticuleusement explorer et affiner tout ce qui l’a défini au cours de quinze années de carrière.
Tracklist :
1. Marter (9:24)
2. Xibalba (10:07)
3. Eos (7:30)
4. Fragment (6:24)
5. Finisterre III (2:00)
6. Forlorn (7:43)