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Album

08 septembre 2025 - Rodolphe

Dinosaur Pile-Up

I've Felt Better

LabelMascot Records
stylePost-grunge thérapeutique
formatAlbum
paysUK
sortieaoût 2025
La note de
Rodolphe
8/10


Rodolphe

La caution grunge du webzine.

Il y a des projets si « feel-good » que l’on en oublierait leur genèse et le sérieux sur lesquels ils reposent. L’émotion vécue à l’écoute d’un morceau peut être totalement décorrélée du sens profond qu’il revêt pour l’artiste. La faute à une couleur, une composition musicale, orientant parfois notre interprétation de l’œuvre dans la « mauvaise » direction. Dinosaur Pile-Up embrasse le rock universitaire américain de façon hyperbolique, mais son histoire n’en reste pas moins jalonnée d’épreuves. Comme l’a rapporté la presse britannique – le trio étant originaire de Leeds, dans le nord de l’Angleterre –, Matt Bigland a souffert d’une maladie que les médecin·es ont initialement associée à Crohn, avant d’identifier qu’il s'agissait d’une rectocolite hémorragique. Une inflammation chronique de l’intestin ayant modifié durablement l’aspect de son corps. « Je n'avais aucune force, ni physique ni spirituelle », confie-t-il à The Guardian. Jusqu’en décembre 2024, nul·le n’avait idée des événements qui secouaient son leader, faisant courir la théorie selon laquelle le groupe aurait splitté, en l’absence de nouvel album depuis Celebrity Mansions, sorti avant l’épidémie de coronavirus.    

 

 

Dinosaur Pile-Up occupe un espace musical curieusement abandonné au passé, voire aux dernier·es né·es de la génération Z, de manière plus sporadique. Ce n’est donc pas un hasard qu’« Unfamiliar » se calque sur un schéma rythmique old-school, rappelant le « Brutal » d’Olivia Rodrigo, avec ses guitares saturées accordées très bas, et cette mélodie lisible, épurée. Alors que des artistes se contentent de réminiscences nostalgiques, les Anglais hybrident les styles alternatifs des années 1990 et 2000 dans une cohérence et une fraîcheur désarmantes. Le post-grunge fut un outil qui permit de gommer la notion de frontière entre les genres, mais en réalité, l’équilibre musical fit souvent défaut, même aux fers de lance du mouvement. I've Felt Better illustre tous ces va-et-vient entre le grunge, le pop-punk (de Blink-182 à Smash Mouth) et le néo-metal, sans donner cette impression de collage. Cette réussite tient aux traits d’humour auxquels le groupe nous a habitué·es. Ces derniers expliquent la grossièreté de certaines ficelles, comme la surreprésentation de refrains à base d’interjections ou encore la vétusté de « Punk Kiss », où Bigland double sa propre voix en imitant le rôle d’un hype man. Plus généralement, les Anglais chérissent leur versatilité, en l’exprimant à travers des sections punk et metal (« Bout to Lose It » ou la bombe « My Way »).

Mais il y a aussi la sincérité et la vulnérabilité de Dinosaur Pile-Up ; l’on ne peut nier que ces sentiments renforcent l’attachement à ce nouvel album. Ils se mesurent autant à l’aune de l’interprétation que du contenu lyrique, au demeurant laconique et très ancré dans les expériences personnelles du chanteur, à l’image de la ligne « of being down when I'm high 'cause I'm high when I'm sick » répétée une quinzaine de fois. La plupart des morceaux usent et abusent de ces voix aigües, serrées et nasillardes ; en fin d’album pourtant, les musiciens se dévoilent. Le vintage « Sunflower » en est un bel exemple. Un titre en mid-tempo assez classique sur la forme, qui serait tout à sa place dans l’un des volets du triptyque de Toad The Wet Sproket – éventuellement Coil, du fait de ses placements de voix et de ses incursions folk-rock enivrantes. Martin Terefe, l’un des producteurs d’I've Felt Better, a notamment accompagné l’évolution de Theory Of A Deadman vers la pop-rock entre 2016 et 2020. En un sens, « l’efficience » des albums de Theory sur lesquels il est crédité, se décline ici même, dans cette habileté à créer des chansons courtes et de bon goût, imprégnées d'une identité singulière (musicale, thématique ou visuelle).

Il n’y a d’autre façon de décrire fidèlement I've Felt Better que comme un album-confort. Il constitue un objet rare en 2025, certes imparfait en raison de son innocence et de ses mignonneries musicales, mais néanmoins flamboyant.

 

Tracklist :

  1. Bout to Lose It
  2. I've Felt Better
  3. Punk Kiss
  4. Sick of Being Down
  5. My Way
  6. Big Dogs
  7. Big You and Me
  8. Love's the Worst
  9. Quasimodo Melonheart
  10. Sunflower
  11. Unfamiliar
  12. I Don't Love Nothing and Nothing Loves Me