
La caution grunge du webzine.
En dépit de quelques singles publiés au compte-gouttes depuis cinq ans, Pendulum avait totalement disparu des radars. Sans doute leur nom évoque-t-il les vestiges de la drum and bass mainstream de la dernière décennie. Si ce n’est que les Australiens officiaient dans un style résolument plus heavy, jusqu’à assurer les premières parties de Linkin Park sur une quinzaine de dates de la tournée A Thousand Suns. À mesure du temps, leur DnB s’est donc diluée au milieu d’un rock électronique au sens large du terme. Mais cette créativité leur a permis d’inspirer des producteurs et des productrices, ainsi que des DJs du monde entier, tout en bénéficiant d’un capital sympathie auprès des cercles – exigeants – de la musique progressive. « Feed the fire, break your vision/Throw your fists up, come with me. » Péché mignon pour certain·es, « motivation song » culte pour d’autres, « Watercolour » demeure à ce jour le succès emblématique du groupe, auquel s’ajouteront peut-être d’autres, à présent que Pendulum est sorti de son « inertie ».
Au lendemain de la sortie d’Inertia, Rob Swire listait les efforts décisifs qu’avait accomplis le groupe pour se retrouver. Sur Instagram, il précisait qu’une collaboration regroupant deux maisons de disque et quatre agences de management artistique avait été nécessaire à la concrétisation du projet. À cela s’ajoutait la réalisation de 1.000 démos – un nombre qui, s’il est saisissant, n’en reflète pas moins la qualité des 16 titres. La plupart se sont d’ailleurs révélés au fur et à mesure de l’histoire récente de Pendulum grâce à deux EPs, Elemental (2021) et Anima (2023), publiés via EarStorm, le label ayant signé Knife Party, le side-project « électro-clubbing » de Swire et McGrillen. Et si la frustration infuse une partie de la fan-base du fait de la compilation de huit morceaux déjà parus et du « bricolage » d'interludes relatant des communications spatiales, il est cependant exagéré d'y voir le fruit d'un album improvisé. Plus qu’une œuvre monolithique, les chansons ont été pensées comme autant de singles ; une énergie qui s’explique sans doute par le format musical initial et le temps alloué à la composition.
Inertia parachève également l’évolution artistique des Australiens, remarquée à la sortie d’Immersion. Fidèle à ses premiers amours, le quintet s’enracine dans un mélange de metal industriel (Celldweller, Nine Inch Nails) et de caméléon électro, complété d’excentricités punk qu’introduisent le duo féministe londonien Wargasm et le rappeur Scarlxrd. À cet égard, le chant crié se fait plus abondant ; les invité·es en usent, mais Rob « Anscenic » s’y essaie sur les couplets et les pré-refrains de « Save the Cat ». Si la tentative en a surpris parmi les fans, d’autres les renvoient à un ancien titre comme « Granite », terminant sur quelques screams spatiaux. Ce second essai demeure néanmoins inédit en raison de sa force, sa justesse, jusqu’à concurrencer Matt Tuck sur son propre terrain (l’hymne « Halo »). Un torrent émotionnel complexe, dont le sérieux est quelque peu tempéré par des miaulements comiques, empruntés à la culture mème (Nyan Cat). De mémoire, rarement aura-t-on entendu une collection de riffs aussi remarquables, qu’il s’agisse de ceux démarrant l’hypnotique « Come Alive » ou des guitares menaçantes de « Guiding Lights ».
Plus que jamais, Pendulum connaît son potentiel et l’exploite, le développe, à bon escient. Ce quatrième album studio est donc « très vocal », en témoigne la figure centrale du chanteur et ce mixage traditionnel, davantage inspiré du rock – à l’exception de « Silent Spinner ». Un choix payant, décuplant la profondeur des refrains, à la fois « ouverts » et aériens. L’autre argument est d’ordre nostalgique. En effet, les Australiens réinvestissent des mélodies familières, telles qu’elles pouvaient être composées dans les années 2010. « Louder Than Words » s’en inspire largement, avec son côté chill, consensuel et son mini-solo doucement rampant. Dans une certaine mesure aussi, les quelques beats synthpop de « Guiding Lights » évoquent le style et la rondeur d’Owl City. Enfin, la piste instrumentale d’ouverture « Driver » adopte des « lasers » dubstep qui nous ramènent encore à la période suscitée.
« We won’t wait 15 years for the next one », déclarait il y a peu Rob Swire, gagné par l’envie de réhabiliter Pendulum sur la scène électro-alternative. Et il faut dire qu’en dépit de l’attente, le comeback est heureux : Inertia est une œuvre aboutie, un coffret de tubes, à l'instar de « Come Alive », « Halo » ou « Colourfast ». L’album propose moins une suite aux expérimentations d’Immersion, qu’une redéfinition de style, afin de s'ancrer pleinement dans cette nouvelle décennie que le groupe entend investir.
Tracklist :
- Driver
- Come Alive
- Save the Cat
- Archangel
- Nothing for Free
- Cannibal (feat. Wargasm)
- Constellations
- Halo (feat. Bullet For My Valentine)
- Louder Than Words (feat. Hybrid Minds)
- Napalm (feat. Joey Valence & Brae)
- The Endless Gaze
- Guiding Lights (feat. AWOLNATION)
- Colourfast
- Silent Spinner
- Mercy Killing (feat. Scarlxrd)
- Cartagena