
Blaze Bayley, plus qu'un ex-Maiden : "Aujourd'hui, je célèbre chaque petite chose de la vie"
Blaze Bayley

L'autre belge de la rédac'. Passé par Spirit of Metal et Shoot Me Again.
Quel été pour moi, fan d'Iron Maiden depuis mon adolescence : après avoir enfin vu la bande à Steve Harris en concert au Graspop Metal Meeting, j'ai profité de l'Alcatraz Festival pour rencontrer Blaze Bayley, chanteur des mésestimés The X-Factor (1995) et Virtual XI (1997). Mais si Blaze tourne cette année, c'est aussi pour célébrer les vingt-cinq ans de son premier album solo, l'excellent Silicon Messiah.
Dans la foulée de son excellent concert en ouverture du festival, Blaze Bayley m'a donc accordé un peu de son temps pour une interview. Entretien avec un chanteur tenace, resté debout malgré les années de galère après son passage très critiqué au sein de la Vierge de Fer...
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Blaze, bonjour et merci pour ton temps, car tu reprends l'avion dès cet après-midi direction l'Angleterre...
Oui, car nous avons été contactés après avoir confirmé l'Alcatraz par un festival appelé Fire Volt, à Manchester, qui se tient le lendemain. Nous n'avons pas pu dire non. J'aurais aimé passer plus de temps en Belgique, nous avons beaucoup d'amis ici... Nous avons donc dû ouvrir la journée, de façon à rentrer en Angleterre juste après.
Parlons donc de cette tournée pour les vingt-cinq ans de Silicon Messiah. Es-tu satisfait, surpris, de l'accueil positif du public pour cet album ? À sa sortie, je sais que la réception n'avait pas été aussi bonne qu'espérée...
Ce n'est pas que la réception n'a pas été bonne, du tout. C'est juste que les gens... n'étaient pas au courant. La promotion a été un échec ; elle était non-existante. Le manager que j'avais à l'époque n'a pas booké un seul show. N'importe quel fan aurait fait un meilleur travail. Quand tu sors un album, tu bookes des concerts pour le promouvoir, non ? Hé bien non, pas un seul. L'album était prêt à sortir pour Noël ou le Nouvel An, et ça a été repoussé jusqu'à sortir... la même semaine que Brave New World, le nouvel album d'Iron Maiden(et premier avec Bruce Dickinson de retour au chant, nda). Évidemment, il a été éclipsé par ce dernier. Tous ceux qui ont écouté l'album et m'ont donné une chance l'ont vraiment aimé, mais très peu de gens étaient au courant. Encore aujourd'hui, des gens viennent me dire : « J'aurais aimé écouter cet album plus tôt... »
Mais si aujourd'hui, tu ressens le besoin de tourner pour les vingt-cinq ans de Silicon Messiah, c'est aussi parce que tu as le sentiment que les gens l'ont désormais découvert et l'apprécient.
Chris Appleton (guitariste de Blaze depuis 2014, nda) avait déjà voulu faire l'un ou l'autre concert à l'époque pour les quinze ans de l'album, et ça s'était très bien passé. Ça m'a motivé, aujourd'hui, avec tout ce qui s'est passé entre temps, après avoir sorti plusieurs albums, à y retourner avec la voix que j'ai actuellement, en chanter des versions plus personnelles, plus intimes. Certains entendent ces morceaux en live pour la première fois depuis vingt-cinq ans, d'autres pour la première fois depuis dix ans et certains pour la première fois tout court. Et leur réaction est... waw ! Ils connaissent bien mieux les textes que moi. C'est incroyable. Nous aimons jouer dans des petites salles et si c'est sold-out, booker une seconde date le lendemain si c'est possible. Qui plus est, la production réalisée à l'époque par Andy Sneap, qui travaille actuellement avec Judas Priest, est restée terriblement actuelle, même vingt-cinq ans plus tard. Le son de l'album est resté tout à fait actuel, c'est vraiment cool.
Et le thème de l'album est particulièrement actuel aussi !
C'est extraordinaire, n'est-ce pas ? Je parlais de mettre sa conscience dans une machine... et actuellement, des gens sont vraiment en train d'essayer de faire ça ! C'est fou. Je parlais également de voyages dans l'espace et aujourd'hui, même des célébrités vont dans l'espace (sourire).
C'est d'autant plus dommage que cet album n'ait pas réussi, car il était très important pour toi : c'était le premier après Iron Maiden. Tu devais ressentir une forme de pression.
Je voulais qu'il marche bien, évidemment, car si cela se passait correctement, j'aurais une chance. Non pas une chance d'être un énorme artiste, mais d'être professionnel, de continuer ma carrière de chanteur. Et il se trouve que tout a foiré et que je me suis retrouvé à vendre des pièces de voiture dans un magasin, puis dans une usine. J'ai dû repartir de zéro, de rien du tout, à trois reprises. C'était horrible, mais ce qui m'a fait continuer, ce sont mes fans. Quand ils me voyaient dans le magasin, ils ne me demandaient pas ce que je faisais là. Ils me demandaient : « Quand est-ce que ton prochain album sort ? ». J'ai reçu tellement de soutien de leur part. Avec eux, ma famille, mes amis, je me suis battu année après année, et me voilà, pour la première fois à cet incroyable festival. On a reçu un accueil incroyable, une telle foule pour 11 h 30 !
Aujourd'hui, je suis également producteur, je suis propriétaire de mon entreprise, d'un tout petit label... Je décide quand les choses sortent, avec quel artwork, je ne fais pas de compromis. Je ne suis qu'un tout petit artiste dans le grand ordre des choses, mais je suis complètement indépendant. Je fais ce que je veux, et ce que je veux, c'est être là, avec mes fans, partager ma musique. J'ai de la chance qu'ils soient si loyaux, et soient restés à mes côtés pour me permettre de jouer la musique que j'ai dans le coeur.
Tu l'as dit sur scène tout à l'heure : tu vis ton rêve. La plupart de tes albums sont très sombres : Silicon Messiah est sombre, TheX-Factor était très sombre également. Il y a toujours eu une part d'obscurité dans ta voix aussi. Dirais-tu qu'aujourd'hui, tu es plus heureux, plus épanoui que jamais ?
Je crois que « plus sage » est le meilleur mot. Si tu as de la chance, ça vient avec l'âge. Je ne bois plus. Beaucoup de mes problèmes venaient de ça et je crois que c'est le cas pour beaucoup de gens. Tu ne te rends pas compte du nombre de mauvaises décisions que tu prends quand tu bois. Tu ne te sens même plus ivre, parfois. « Oh, non, c'est vraiment à ça que j'ai donné mon accord après une bouteille de Jack Daniel's ? ».
Mes valeurs ont également changé en tant que personne. Quand j'étais jeune, j'étais extrêmement compétiteur et ambitieux, et je pense que je n'ai jamais apprécié certaines des belles choses qui m'arrivaient. Et aujourd'hui, chaque belle petite chose qui m'arrive, je la célèbre, je l'apprécie. Apprécier les petites choses mais aussi, quand c'est la merde, te dire : « Ok, c'est la merde. Tout le monde est dans la merde à un moment ou à un autre. Il faut continuer et en sortir. » Quand tu es dans la merde et que tu abandonnes, tu y restes et tu y meurs. C'est ce que j'ai appris avec les années. Parfois, c'est très, très dur et parfois, ce n'est que du plaisir... puis ça redevient dur. Tu te retrouves à dormir à l'aéroport sur le sol parce que ton vol est annulé et que tu n'as pas d'argent pour ton hôtel... mais c'est toujours mieux que ce que beaucoup de gens vivent !
Tu as parlé de reconstruire ta carrière, mais tu as aussi construit ta confiance : certains se diraient que l'ancien chanteur d'Iron Maiden chanterait 90 % de titres de Maiden, mais tu joues majoritairement des morceaux issus de ta carrière solo.
J'ai sorti quatorze albums depuis ! Mes fans le savent. Mais les gens qui ne regardent qu'en diagonale voient juste ces deux albums avec Iron Maiden, alors qu'il y en a trois avec Wolfsbane, quatorze en solo... Certains viennent me voir et me disent : « La dernière fois que je t'ai vu, c'était en 1998 avec Iron Maiden »... mais je n'ai pas bougé. On me demande parfois : « Vas-tu jouer “The Clansman” ? ». Mais j'ai joué « The Clansman » deux tournées plus tôt, où étais-tu ? Je l'ai jouée (rires).
Cela dit, tu vas bel et bien faire un set 100 % Maiden à un festival français en fin d'année : le South Troopers, à Marseille. Ça fait partie de ces dates spéciales pour les trente ans de The X-Factor. Parle-nous de cette tournée à venir...
Ce sera très spécial. Il y a beaucoup de nostalgie à l'heure actuelle, on le voit avec Maiden qui a fait sa tournée basée sur les neuf premiers albums. Énormément de fans me demandent par exemple de jouer « Edge of Darkness », que je ne joue d'habitude pas. J'ai donc commencé à me dire qu'il était peut-être temps de jouer TheX-Factor, un peu plus dans mon style. Et le premier promoteur à m'en avoir parlé est un ami proche qui est justement venu me demander : « Est-ce que ça te dirait de... » - OUI ! Oui, quand, où ? Ça me dit (rires). Nous avons donc mis ça en place.
Est-ce qu'il y a des titres que tu as particulièrement hâte de rejouer ?
Oui, j'ai envie de chanter « Edge of Darkness », nous n'avons pas joué « The Aftermath » depuis un long moment également... « Look for the Truth » aussi. Certains des titres les plus compliqués, progressifs...
Est-ce que tu te rappelles des textes ? (rires)
Non ! Je vais tout devoir réapprendre. Nous avons beaucoup de répétitions prévues. Six à huit des titres de The X-Factor, nous les avons joués plus ou moins fréquemment ces dernières années, mais certains n'ont plus été joués depuis longtemps, voire même jamais joués en live. Et nous allons aussi jouer les B-sides, trois titres sortis sur la version japonaise de l'album (« Justice of the Peace », « I Live My Way », « Judgement Day », nda). Ils n'ont jamais été joués et ne le seront jamais par Iron Maiden, évidemment. Et ils sont super, ils auraient dû apparaître sur l'album. Nous avions juste eu des difficultés techniques qui nous ont laissé juste assez de temps pour mixer les autres titres. Les trois autres ont été laissés en bonus de la version japonaise.
Ce sera donc un « one-off », juste ces dates ?
Oui, je pense bien. Dix concerts, dix pays. Mais comme je le disais, si un concert est sold-out, comme à Helsinki, nous en ajouterons peut-être un là-bas.
Pour conclure, une dernière question, Blaze. Le seul titre d'Iron Maiden que tu as joué aujourd'hui et qui n'est pas issu de « ton » ère est « Wrathchild », morceau de l'ère Di'Anno...
Oui, c'est un hommage à Paul. Nous avons beaucoup travaillé ensemble, nous avons tourné dans énormément de pays ensemble – en Australie, en Russie, en Ukraine... nous avons fait le Sweden Rock ensemble... J'étais très triste qu'il nous quitte. C'était un gars très drôle. Oui, il avait des problèmes, mais c'était quelqu'un d'agréable. À l'époque de nos tournées, si tu fermais les yeux, sa voix sonnait encore mieux que sur album... Je pense qu'il avait encore beaucoup à donner. Et, bien sûr, j'avais toujours ce rêve qu'un jour, les trois chanteurs d'Iron Maiden pourraient être réunis un jour sur scène. Ça n'arrivera plus, désormais...