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Album

09 août 2025 - Team Horns Up

Hemelbestormer

The Radiant Veil

LabelPelagic Records
stylePost-metal
formatAlbum
paysBelgique
sortiejuillet 2025
La note de
Team Horns Up
8/10


Team Horns Up

Compte groupé de la Team Horns Up, pour les écrits en commun.

Simon : Les étoiles ne sont jamais bien loin avec Hemelbestormer. Composante immuable des pochettes et de l’univers du groupe flamand de post-metal, le firmament s’observe cette fois avec une nouvelle lunette. Pour son quatrième album, The Radiant Veil – son premier avec Pelagic Records –, il prétend contempler les cieux depuis la perspective des Étrusques, peuple navigateur installé dans l’actuelle Toscane et sur la côte tyrrhénienne avant d’être avalé par les Romains. Leurs divinités inspirent le nom des pistes de l’album, calquées sur l’astronomie et le système solaire tel qu’on le connaît : Usil (dieu du soleil), Turms (dieu du commerce équivalent à Mercure), Turan (Vénus), Laran (Mars), Tinia (Jupiter) jusqu’à Satre (Saturne, pas Jean-Paul). Tiur et Cel sont des divinités mineures qui représentent la Lune et la Terre, comme nous l’avait fait deviner leur positionnement dans l’album.

Aussi sympathique que me paraisse la civilisation étrusque, la toile de fond est bien mince et justifie surtout des titres plus originaux et énigmatiques que « Sun », « Jupiter » et consorts. The Radiant Veil narre davantage un voyage spatial qu’une étude des peuples de l’Antiquité. 

L’album semble débuter son aventure depuis les rayons du soleil avec des thèmes lumineux et dynamiques qui offrent une respiration à laquelle le groupe nous avait peu habitués. Plus direct et tonitruant d’emblée sans trahir son style pesant, Hemelbestormer éclaire davantage son entrée en matière en propulsant davantage de rythme et d'airs mélodiques captivants sur « Usil » et « Turms », à des années-lumière des précédents disques arides et étouffants, tant dans leur structure que dans leurs illustrations. Comme sur Collide & Merge, la formation instrumentale s’accorde quelques parcimonieuses lignes vocales, invitant sur la deuxième piste Philip Jamieson, guitariste de Caspian, puis lâchant du growl sur le pic d’intensité de « Cel ». 

Cette première partie d’album m’a aussi évoqué des airs de synthwave. Est-ce le flot rythmique, le chant monotone à la vibe coldwave, les belles mélodies entêtantes teintées de nostalgie, la construction sonore cosmique enveloppante ? J’ai cru avoir halluciné, avant de lire dans une interview l’influence lointaine de Carpenter Brut et Perturbator auprès du batteur Frederik Cosemans. Si l’intention est là, l’intégration est subtile et maligne. 

Polyvalentes entre tremolo picking, gros riffs, notes éblouissantes en lead et effets bruitistes, les guitares de Filip Dupont et Jo Driesmans mènent l’expédition solaire. Dans la continuité lumineuse, au lieu des masses suffocantes, « Turan » fait office d’interlude post-rock minimaliste, lente et apaisante, mais fade et amorphe. On imaginait Vénus plus attirante. À l’approche de la Terre, la gravité se fait davantage sentir. Malgré son atmosphère vaporeuse soufflant des nappes électroniques, « Tiur » marque un tournant mélancolique, parfois dissonant, flirtant avec le black metal lors des cavalcades de la batterie sous les trémolos. À partir de là, l’album gagne en lourdeur et retrouve sa noirceur typique des albums précédents, comme si nous perdions en luminosité et en chaleur, chaque piste nous éloignant du soleil. Terminant là où elle avait commencé, la piste effectue un joli cycle lunaire.

Pachyderme encombrant, « Cel » culmine dans la lourdeur, les pieds bien enfoncés sur la terre ferme. Déjà trop entendues sans grande originalité sur le premier album Aether, les sonorités orientales évoquent plutôt une dimension « science-fiction », paradoxale sur la piste incarnant notre planète bleue, ici dépeinte dans un cadre désertique assommant, loin des paysages fertiles et verdoyants. Serions-nous étrangers dans notre propre environnement, quasiment hostile, après une traversée dans un univers jusqu’ici gracieux et abondant et non plus stérile ? Après les bouffées d’air mélodiques dans le vide spatial sans oxygène, Hemelbestormer n’a pas fini de faire perdre nos repères. Cette excursion à la frontière entre doom et black incarne néanmoins le ventre mou de l’album qui se poursuit avec « Laran », interlude mi-satellite mi-OVNI lui aussi tiré en longueur.

Tout n’est pas joué, car « Tinia » marquera un retour mélodique tire-larmes en apesanteur, avec un décollage progressif sans surprise, mais efficace et poignant. La dernière piste gagne les anneaux de Saturne en réunissant tous les points forts du groupe dans une conclusion culminante. Son rythme d’intro funèbre invoquant The Ocean et Cult Of Luna bascule au terme d’une phase spoken word suivi de cris grinçants, pour rentrer dans une délicieuse ambiance dangereusement flottante. Sur le dernier mouvement, les sons électro marquent un climax prog intense et un frisson d’urgence, avec une réalisation quasi cinématographique. Même s’il semble tendre vers l’infini et au-delà, je regrette que le paresseux fondu en fermeture n'apporte pas de final satisfaisant à cette épopée sidérale sidérante.

 

 

Plus digeste et varié que ses prédécesseurs, The Radiant Veil se rapproche des étoiles avec une approche plus conventionnelle pour faire tapis sur ses atouts. Toujours avec la même finesse d’exécution, il condense astucieusement le son écrasant du groupe dans un format dynamique plutôt que monolithique, projetant plus de lumière pour distinguer les ombres. Brillant sur les paires de pistes d’ouverture et de clôture, l’opus à la linéarité captivante souffre uniquement d’un long titre central au registre que le groupe a lui-même éculé.

Loin d’être un simple astéroïde à la dérive, Hemelbestormer poursuit son exploration mystique et continue de nous documenter son voyage interstellaire avec un nouvel équilibre entre pesanteur accablante et légèreté éthérée, en orbite aux confins de la galaxie post-metal déjà bien étendue.

 

Tracklist :

  1. Usil (10:16)
  2. Turms (08:37)
  3. Turan (03:47)
  4. Tiur (09:31)
  5. Cel (12:34)
  6. Laran (05:42)
  7. Tinia (05:38)
  8. Satre (09:31)
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