
"On est tous le boomer de quelqu'un d'autre."
Le plus dur pour rédiger une chronique, c’est toujours de savoir par où débuter… Et quand on a rien à dire dans une conversation, en général, on finit par parler de la pluie et du beau temps. Ça tombe bien, en ce moment, il fait chaud. Je peux donc embrayer sur un groupe qui rafraîchit bien l’atmosphère. Oh ben tiens, Void of Silence par exemple, qui restait sur un The Sky Over en 2018, avec un concept bien glacial vu qu’il traitait en partie de… l’exploration de l’Antarctique. Ça climatise bien non ? Eh bien sept années plus tard, Void of Silence n’est toujours pas revenu du pôle Sud. Enfin, à part sa tête pensante, Riccardo Conforti. Qui va donc s’autoriser un petit extra avec un side-project, le premier de sa carrière d’ailleurs, lui qui n’avait guère que joué les guests pour… Cattle Decapitation, sur l’intro de Death Atlas (2019). Moins loin que l’Antarctique, Riccardo a tout de même de nouveau voyagé pour ramener Jeremy Lewis, guitariste de Pantheïst, et est passé par la Belgique pour rameuter Déhà (La Liste est (Beaucoup) Trop Longue). Lights of Vimana est donc né, mais pour quoi faire ? Eh bien, quand on a la pointure de l’anti-funeral doom qu’est Void of Silence, le doom de Pantheïst et les 34 projets actuels de Déhà dont à la louche 10 qui font du doom ou assimilés, bah Lights of Vimana fera du doom. Mais du doom particulier. Alors bien sûr, et je pense que je vais vlà insister dessus, du doom qui sera forcément marqué du sceau de Void of Silence, car Conforti va apporter sa science si éthérée et lumineuse au niveau des synthés et il sera difficile de ne pas retrouver dans Lights of Vimana une partie de l’art de Void of Silence. De là à considérer Neopolis comme le sixième album de Void of Silence avec un nouveau chanteur et un nouveau guitariste… ?
Neopolis va néanmoins apporter un concept bien différent de ceux habituellement explorés par Void of Silence, à savoir une portée science-fictionnelle autour d’une cité futuriste. Et mine de rien cela va tout de même trancher avec l’ambiance liturgique des Human Antithesis et The Grave of Civilization ainsi que celle très glaciale de The Sky Over. Même si Riccardo Conforti œuvre dans la lignée des moments les plus « modernes » de The Sky Over où l’on flirtait un peu avec des sonorités synthwave. Cela ne fera pas de Lights of Vimana un projet de « doomwave » pour autant, surtout que Jeremy Lewis va amener des compos metal intéressantes, certes classiques pour du doom plus funeral pour la vitesse d’exécution que pour l’ambiance mortifère, mais qui va amener quelques partitions inspirées et surtout bon nombre de leads mélodiques assez gracieux, plus immédiats et moins languissants que ceux employés chez Void of Silence. Cela accompagne donc un attirail de synthés toujours aussi lumineux mais plus futuristes sans pour autant virer complètement électro, et Neopolis aura vraiment son aura propre. Et puis, il y a Déhà. J’ai déjà envie de dire que finalement, il aurait été le meilleur choix pour reprendre le micro de Void of Silence – et il n’est pas trop tard en fait – après toutes les tergiversations autour de l’arrivée de Luca Soi, qui avait malgré tout livré une belle performance sur The Sky Over. Déjà, sa voix claire plaintive et maîtrisée de bout en bout, façonnée par les années d’expérience au sein de ses (très) nombreux enregistrements, offre une démonstration de haute volée sur Neopolis. Oui car tout comme chez Void of Silence, le chant clair est nettement prédominant. Mais ce n’est pas tout, car tout comme son court guest à l’époque sur « The Void Beyond » qui ouvrait The Sky Over (tiens, tiens), Déhà va apporter ici et là des growls monstrueux, qui retentissent très fort dès le climax au milieu de « Nowhere » ou encore vers le début du très éthéré « Endure ». On aurait aimé en avoir encore plus (ses apparitions au sein de « Real » et « Remember Me » marquent encore), mais Déhà fait globalement un taf considérable dans ces domaines dans lesquels on a l’habitude de l’entendre, et cela va contribuer à faire de Neopolis un album passionnant.
Et l’ouverture sur « Nowhere » est déjà formidable, avec une introduction en effets électroniques qui met bien dans l’ambiance, alors que les éléments se mettent en place avec notamment les lignes vocales déjà très prenantes de Déhà tandis que les premiers riffs de guitare n’arrivent que très progressivement. De toute façon, avec une première piste de 14 minutes, on sait à quoi s’attendre, et les moments de grâce – toujours forcément Void of Silencesques avec notamment les premiers écarts de leads suivi des premiers growls en milieu de course, ou encore un break ambiant savoureux – n’en seront que plus remarquables. Le doom de Lights of Vimana est comme attendu très lumineux, et c’est encore de l’« anti » funeral doom tant vous ne retrouvez pas d’ambiance morbide et négative ici. Le final est fantastique et on embraye sur le non moins fantastique départ de « Endure », entre synthés épiques, mélodies de guitare de premier choix et vocaux d’or avec une transition clair-growl pour le moins stupéfiante. Surtout quand on a le droit ensuite à des vocaux… féminins, puis des sonorités de guitare presque… orientales après un ensemble de leads somptueux, Neopolis étant parfois un album plein de surprises à l’image d’une mégapole aux lieux imprévisibles. Après ça, « Real » apparaîtra plus classique, Conforti se mettant même un peu en retrait, et ça sera l’occasion pour Jeremy Lewis de nous livrer des riffs plus mordants tandis que Déhà va déjà se lâcher sur les lignes claires de haute volée très émotionnelles (le passage clôturant le break atmosphérique, oof). Le final est encore très mirifique alors que Neopolis s’offre une pause éponyme instrumentale très cinématique, introduisant très justement un « Remember Me » presque symphonique et assez monumental, bien que très balisé niveau metal, du coup plus terre-à-terre mais non moins singulier. La « formule » se répète donc parfois (avec des breaks et un final prévisibles pour terminer) et Neopolis n’est pas exempt de longueurs – bien que relativement court pour le genre, 48 minutes – mais entre l’ambiance toujours épique et rafraîchissante, la performance sidérante de Déhà et les moments de grande classe, ce premier (one-shot ?) album de Lights of Vimana est tout simplement magnifique. Alors certes, présenter Neopolis comme le sixième album de Void of Silence n’aurait pas été un scandale, surtout que le groupe italien a su varier ses concepts. Mais Lights of Vimana a sa part de personnalité, c’est juste que la formule est connue et ne surprendra pas plus que de raison les aficionados de Void of Silence, forcément attirés par l’odeur des synthés de Riccardo Conforti ici. Mais comme Void of Silence n’a rien sorti depuis sept ans et que Déhà est un excellent choix pour le micro… oublions la chaleur ambiante pour nous plonger dans l’obscurité futuriste de Neopolis.
Tracklist de Neopolis :
1. Nowhere (14:10)
2. Endure (9:50)
3. Real (11:35)
4. Neopolis (4:26)
5. Remember Me (8:10)