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Album

21 février 2024 - Pingouin

Brodequin

Harbinger of Woe

LabelSeason of Mist
styleBrutal death metal
formatAlbum
paysÉtats-Unis
sortiemars 2024
La note de
Pingouin
7/10


Pingouin

Death metal et science-fiction : une oreille dans les étoiles, une autre dans les enfers.

Premier album de Brodequin depuis 20 ans, le quatrième seulement dans une carrière qui a commencé en 1998. Et alors que les groupes de brutal death sont légion et qu'une tonne d'albums cools sort chaque année, le quatuor du Tennessee suscite toujours autant d'intérêt dans la scène. Les frères Bailey (Jamie à la basse et au chant, et Mike à la guitare), noyau du groupe depuis le début, évoquent des deuils dans leurs familles pour expliquer leur long hiatus : rien à se mettre sous la dent depuis 2004, mis à part un EP en 2021 (Perpetuation of Suffering, dont les deux titres « Tenaillement » et « VII Nails » sont présents sur ce nouvel album). 

Harbinger of Woe confirme que Brodequin est toujours au sommet de son art, comme le suggérait le premier single, « Of Pillars and Trees ». De la double pédale et des riffs épais comme du goudron. Le tout dégage une agressivité et une puissance comme seul le groupe de Knoxville sait le faire, seul ou presque dans sa catégorie depuis 25 ans. On notera les arpèges discrets insérés avant le break, qui ajoutent à la complexité de la musique du groupe, grossissant le trait de l'ambiance lugubre voulue par Brodequin.

Disons un mot du son de cet album : si Instruments of Torture (2000) est devenu culte, c'est à la fois par la brutalité de ses compositions, et aussi parce que le son y est tellement massif que les instruments en deviennent presque inaudibles, rendant cet effet ronflant sur les riffs les plus percutants (« Virgin of Nuremberg »). Brodequin avait déjà beaucoup léché son son sur Methods of Execution (2004) et fait ici le même choix : le rendu est propre et audible. La batterie est carrée et épaisse, loin des fulgurances que se permettait Chad Walls sur Festival of Death(2001). Les aficionados de la belle époque reviendront toujours aux débuts du groupe, mais ce Harbinger of Woe a quand même ses moments forts. 

L'accroche du second single « Suffocation in Ash » vous prend par le colbac comme jamais, de même que « Theresiana », où Brodequin prend le temps d'insérer quelques secondes de chant liturgique, histoire de rappeler une fois de plus que le groupe maîtrise son thème comme personne : les techniques de torture au Moyen Âge, période où la présence du divin et la recherche du beau dans l'art contrastaient avec la brutalité de la justice. Le growl de Jamie Bailey remet une couche de gras sur l'ensemble, et il est vrai qu'on ne comprend pas un mot de ce qu'il dit, d'ailleurs on s'en fiche. J'ai quand même pris le temps de lire les paroles de l'album, et là encore aucune surprise. C'est de la torture graphique, des démembrements, des condamnés brûlés vifs, bref la totale. Les quelques passionné-es d'histoire qui nous lisent auront l'occasion de se plonger dans les plages Wikipédia de la « Theresiana » (sorte de code pénal de l'Autriche fin XVIIIᵉ siècle qui détaille des techniques de torture) et du « Vredens Dag » (poème apocalyptique intégré au rite grégorien au XIIIᵉ siècle), pour étoffer un peu leur culture médiéviste, ce sont assurément de chouettes moments de lecture qui vous attendent. Encore une fois, la puissance de Brodequin se trouve dans le contraste : entre l'atrocité de toutes ces tortures médiévales et la qualité des paroles qui les décrivent, entre ces quelques secondes de chant liturgique et la crasse qui colore toutes leurs compositions.

                 

On n'est plus sur les moments les plus mémorables de la carrière de Brodequin, mais cela n'enlève rien au plaisir qu'on prend à écouter de nouveaux morceaux du groupe en 2024. Au panthéon du brutal death depuis leur premier album, qui fait mieux que les frères Bailey dans le genre? Gorgasm dans les années 2000, peut-être. Et aujourd'hui ? À part Dying Fetus personne ne fait jeu égal avec le trio de Knoxville. Amateurs et amatrices de brutal death, à moins que Defeated Sanity sorte un classique comme on est en droit de s'y attendre, votre album de 2024 est ici présent.

Tracklist :

1. Diabolical Edict (3:29)
2. Fall Of The Leaf (2:33)
3. Theresiana (3:03)
4. Of Pillars and Trees (4:03) 
5. Tenaillement (2:53)
6. Maleficium (3:09)
7. VII Nails (2:17)
8. Vredens Dag (3:20)
9. Suffocation in Ash (3:05)
10. Harbinger of Woe (4:04)